Cyrille LARPENTEUR | Art, activisme, féminisme | Textes 2005|

Ces textes de
Cyrille LARPENTEUR sont publiés à partir de la conférence Directas al grano [ document PDF]
donnée par lui le
mercredi 19 janvier 2005 à l'Université Paris 8, UFR Arts.



Art, activisme, une perspective féministe : Synthèse pour mémoire par Cyrille Larpenteur

Au début des années 90, après l'échec du postmodernisme, le dernier grand projet critique, la méfiance envers la critique s'est pour ainsi dire généralisée, certains auteurs allant même jusqu'à la qualifier de réactionnaire. Qu'en est-il de l'art critique que certains croyaient définitivement enterré avec la modernité et la postmodernité? D'autres perspectives dans la résistance aux formes disséminées du pouvoir capitaliste semblent émerger à partir de propositions posées par des minorités. Les travaux de différentes activistes femmes réinventant des formes de revendications, à la fois individuelles et collectives, semblent actualiser des actes de résistance en ouvrant des brèches sur le terrain du vécu collectif
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Texte 01. Janvier 2005
L’art de l’intime et la critique féministe de la distinction sphère publique/sphère privée.

Quel rapport peut-il y avoir entre l’art qualifié d’intime, qui dans son approche la plus simple –pourrait-on dire la plus simpliste– est relégué par certains auteurs à une introspection narcissique et individualiste, à un repli des artistes sur eux-mêmes, et la critique opérée par certaines féministes de la distinction entre sphère publique et sphère privée telle qu’elle a été définie par le courant majoritaire en philosophie politique, les libéraux américains.

S'il est impossible de dégager des significations strictes des termes public et privé, c’est la conception majoritaire développée par les libéraux américains avec John Ralws qui est la cible de critique pour une partie des féministes actuelles.

Pour une partie d’entre elles, cette distinction est construite dès le départ de manière à exclure toute interrogation sur la justice des relations intrafamiliales. Parallèlement à cette remise en question voit le jour d’une autre revendication: celle du droit à l’intimité. La grille de lecture pour appréhender l’art de l’intime s’élargit et, en faisant le lien entre les notions de savoir assujetti au sens de Michel Foucault (de mineur au sens de Deleuze et Guattari), de la notion de théorie queer au sens des postféministes, nous pouvons dégager un certain nombre de productions artistiques englobées dans le terme générique art de l’intime.

C’est à travers certaines productions de l’art de l’intime que des personnes disqualifiées par la hiérarchie des connaissances parlent. Elles prennent la parole à la première personne. Non plus en tant qu’objet de savoir mais en tant que sujet.

A partir de ce moment, on peut déceler une forme de critique dans certaines productions de l’art (mal nommé) de l’intime. Une critique non revendiquée, loin de la grande critique, mais relevant d’une microcritique faite par celles et ceux qui ne se satisfont pas de l’état des choses.

Il y a véritablement une production de savoir, qui ne sont pas des savoirs d’experts –auprès desquels on a cherché des normes de références– mais des savoirs assujettis.

Au même titre que la remise en question par les féministes de la distinction entre sphère publique et sphère privée, au même titre que la revendication d’un droit à l’intimité, certains artistes semble adopter une position critique face aux principes de justice fondateur de la pensée libérale tout en s’opposant aux conceptions communautariennes sur la question du sujet.

A leur manière des artistes participent à la mise en place de discours sur la question identitaire, sur la construction de l’identité, à travers une prise de parole individuelle. Janvier 2005