Jean-Charles Fitoussi et le cinéma de l’impromptu
Jean-Charles Fitoussi est un cinéaste français. Il est l’auteur notamment d’un documentaire intitulé Sicilia! Si gira, du film plusieurs fois primé Les jours où je n’existe pas (2003) et du Dieu Saturne (2004). Son film Nocturnes pour le roi de Rome a entièrement été tourné avec une caméra de téléphone portable et a été sélectionné pour l’édition 2006 de La Semaine de la critique, l’une des sections parallèles du Festival de Cannes. Son premier long-métrage intitulé Je ne suis pas morte (le chant des séparés) a été présenté au Festival de Locarno en 2008.
Jean-Charles Fitoussi introduit la conférence en nous parlant de son tout premier film réalisé en 1993. Observateur aguerri et à l’affut d’événements aléatoires de la vie, il évoque une expérience passée qui l’on conduit à sa pratique cinématographique : C’est en voiture qu’il remarque les ombres portées des nuages se déplaçant sur les champs, dépossédé de tout moyen de captation, il ne peut satisfaire l’envie de saisir ce phénomène. De cette frustration née une attitude cinématographique propre à Fitoussi : un cinéma de l’imprévisible et de l’impromptu. Le scénario se construit et s’enrichit d’éléments aléatoires qui surviennent. Laisser une place au hasard et à ce qui advient : « Ce qui sera, sera ce qu’on veut ».
Lors de la première édition du festival Pocket Film en 2005, les organisateurs proposent à Jean Charles Fitoussi l’utilisation de l’outil le plus éloigné de celui auquel il est habitué à utiliser, un téléphone portable. Technologie de la caméra intégrée encore à ses balbutiements dans la téléphonie mobile la définition de l’objectif est pour le coup très faible. Mais les défauts de l’objectif cumulés à la qualité mauvaise des images, forment une addition des défauts qui finissent par rendre l’image à son sens très intéréssante. D’autant plus intéréssante que l’image est agrandie lors de la projection. Cette somme de défauts séduit Fitoussi et le conforte dans idée que le téléphone mobile offre matière à travailler.
Suite à cette première expérience, la direction du festival au cours d’une nouvelles édition décide de lui prêter de nouveau un téléphone mobile. Coïncidant avec sa résidence à la villa Kujoyama à Kyoto, Fitoussi réalise au moyen de la caméra du téléphone mobile Temps Japonais. Film sous forme de plan séquences de courte durée représentant la vie quotidienne japonaise. Ces séquences filmées à l’improviste sont déposés sur le blog de la villa Kujoyama comme des cartes postales vidéo à usage des gens restés en Occident. L’ordre dans lequel ils sont visionnés n’est pas déterminé. Fitoussi crée une narration par la juxtaposition d’éléments tout à fait hétérogènes les uns par rapport aux autres: extraits de films ou encore des images vidéos d’archives.
Jean-Charles Fitoussi nous présente ensuite un film de fiction qu’il a réalisé en réponse à une commande d’Arte. En raison de plusieurs réductions budgétaires et de reports successifs, le film prévu initialement est reporté, les acteurs et l’équipe de tournage mobilisés pour l’occasion et «désireux de tourner» décident de poursuivre au jour le jour: « Accepter les intempéries même lorsqu’elles concernent la production». Rien n’est déterminé à l’avance mais l’équipe s’impose la contrainte de tourner un plan-séquence: Chaque séquence du film soit faite en un seul plan». En effet le film «doit être la perception d’un esprit sans corps […] permettre de percevoir sans avoir les entraves du corps et donc de pouvoir se déplacer très librement dans l’espace le dans le temps». Le film régit par peu de contraintes techniques et budgétaires se construit au gré du hasard et de la confrontation à des éléments aléatoires, les acteurs répetent le matin même les textes écris la vieille, les lieux de tournage comportent des paramètres indéterminés et qui peuvent être amenés à changer pendant la prise.