Jean-Charles Fitoussi
Films de Poche: au-delà de l’ego. Le téléphone portable est devenu un objet omniprésent. Un objet à plusieurs fonctions et qui peut servir d’outil de création artistique. Avec ses films Nocturnes pour le Roi de Rome en 2005 et Temps Japonais tourné pendant une résidence artistique à Kyoto, Jean-Charles Fitoussi montre une des possibilités d’utilisation de cette caméra de poche. À propos de cet outil, Jean-Charles Fitoussi dit: «J’utilise le téléphone sans équipe, je filme de manière épisodique, sans arrière-pensée, ce sont des images documentaires que je réintègre dans une fiction, pour leur donner un autre sens, de simples baigneuses deviennent des anges. Il y a plein de films tournés sur portable qui sont liés à soi. On est dans une démesure des ego, des petitesses, mais c’est lorsqu’on arrête un peu de se regarder qu’on commence à faire du cinéma.»
Comme un carnet de croquis, Fitoussi a récolté des images, des parcours, des pensées pendant son séjour au Japon. Caractéristiques retrouvées aussi dans le ciné journal de Jonas Mekas (Walden, 365 films) et Sophie Calle (No sex last night). Fitoussi nous propose un journal d’images fait par la caméra de poche avec toutes ses contraintes (de son, lumière, qualité d’image). L’outil permet d’élargir les possibilités et donne un accès plus ample à quelqu’un qui veut produire une vidéo. Aujourd’hui, tout le monde peut filmer et diffuser sa production facilement. Il y a des festivals de films de poche qui ont lieu chaque an. C’est le cas, par exemple, du Festival Pocket Film à Paris, du (((Mobilefest))) au Brésil. Il y a aussi plusieurs vidéoblogs sur Internet.
Le téléphone devient l’extension de la présence d’un autre et ainsi réinvente la solitude. Instrument toujours dans la poche, le thème plus immédiat et disponible est soi-même, son propre regard et sa propre pensée: peut-être la raison d’avoir beaucoup de films de poche dont le sujet tourne autour de l’ego. D’une façon ou d’une autre, avoir soi-même comme sujet renvoie à la solitude. Les films autour de soi-même sont de possibles manières de l’habiter. Petitesses? Pas forcément…
L’autoportrait est un sujet passionnant, qui a aussi la capacité d’attirer les spectateurs par identification. «Douée d’une rare beauté, elle conçut et mit au monde un enfant qui dès lors était digne d’être aimé des nymphes; elle l’appela Narcisse. Après la naissance de son fils, elle vint consulter le devin Tirésias pour savoir si Narcisse vivrait vieux. Celui-ci lui répondit: « S’il ne se connaît pas. »» (Ovide, Les Métamorphoses, Flammarion, 2000, p.117)
L’autoportrait est un instrument de connaissance de soi. Il est possible de reconnaître les artistes dans leurs œuvres, dans les traces de leurs gestes, dans la façon de travailler l’image. L’œuvre est aussi une partie de l’artiste. Cette idée peut conduire au cœur de l’image de soi. L’autoportrait resserre le lien entre les deux recherches, l’une par rapport à la question ontologique (qui suis-je?) et l’autre par rapport à l’image. Et les films de poche permettent de développer cette question autrement.
Adriana Pessolato
Références
Jonas Mekas
(http://www.jonasmekas.com/Merchant2/merchant.mvc?Screen=CTGY&Category_Code=365JAN&mon=0)
Mobilefest
http://www.mobilefest.org/
Pocket Film
http://www.festivalpocketfilms.fr/
Vidéoblog :
http://feitoamouse.com.br/videoblog/