L’esthétique d’« Impromptus »
L’esthétique des films de Jean-Charles Fitoussi me laisse une impression particulière car sa spécificité est de refléter une situation. «Improvisé, à l’improviste, imprévu, accidentel, par hasard, inattendu, inespéré, fortuit, inopiné, déconcertant, déroutant, imprévisible, soudain, subit, musique, pièce, improvisation, divertissement — ou Comment je n’ai pas écrit certains de mes films», c’est ainsi que Jean-Charles Fitoussi définit lui-même l’esthétique de ses films. C’est pourquoi son intention est de demander au spectateur une exigence de réflexion, d’observation et d’interprétation. En voyant le début du film Temps japonais, je n’ai pas compris immédiatement, cela m’a demandé de regarder attentivement jusqu’à la fin de la projection pour comprendre et pour découvrir ce qui est caché derrière les situations que le cinéaste a «mises en scène» dans le film.
La fiction pour lui n’est pas complètement imaginaire par rapport à la réalité. La fiction est aussi la situation réelle incroyable, donc quelquefois je trouve des violences dans son film Temps Japonais. Des oppositions entre le passé et le présent, qui reflètent des évidences trop inattendues, qu’on a normalement l’habitude d’oublier. Des scènes de morts prises dans une musique angoissante qui en augmentent encore la violence. La violence est plus augmentée par la placidité de deux hommes japonais discutant de la mort proche de l’un d’eux, dans un café. Mais grâce à cet aspect inattendu, nous percevons la caractéristique esthétique de la fiction selon Jean-Charles Fitoussi.
L’autre détail frappant, c’est que l’artiste joue non seulement sur les imprévus qui arrivent au moment du tournage, mais aussi sur l’effet de surprise: le spectateur ne peut pas deviner la fin de l’histoire car il ne s’attend pas à certains événements qui interviennent brutalement dans le cours du film. Pour jouer sur cet effet de surprise, dans le film Je ne suis pas morte, le cinéaste fait un mouvement de caméra à 360° qui suit le déplacement d’un des deux personnages qui quitte le plan de la situation de point de départ, la caméra le suit dans un mouvement, on fait le tour du décor pour revenir au même point de départ. Dans le temps du mouvement de caméra, la situation du personnage laissé sur le lieu du point de départ a changé radicalement. Dans l’extrait sur l’enterrement, le départ d’une âme, la caméra filme en plan rapproché une femme qui se trouve dans un décor quelconque. On s’aperçoit qu’il s’agit effectivement d’un décor de cimetière. On imagine que la personne qu’on enterre est cette femme qui vient de partir dans la camionnette jaune (qui symbolise la mort). La caméra s’arrête ensuite vers les gens présents à son enterrement, puis la camera suit le trajet d’une petite fille qui se retrouve à l’endroit où se trouvait la femme morte au début du film. Cela donne donc l’impression que la femme morte s’est réincarnée dans la petite fille. Cela illustre bien l’idée que la vie est un cycle: on naît, on meurt et quelqu’un d’autre naît lorsque quelqu’un meurt. Il n’y aucune parole dans ce plan.
Pour conclure, nous pouvons remarquer que cette conférence peut donner des idées pour réaliser des films intéressants puisque la narration dans le film n’est pas parfois inventée par le tournage mais par le silence ou par un mot: «impromptus».