Un monde incertain, «Temps japonais» de Jean-Charles Fitoussi
Temps japonais (essai, 70′, vidéo de téléphone mobile, 2008) après Nocturnes pour le roi de Rome (fiction, 67′, vidéo de téléphone mobile, 2006) prend place au sein de ses réalisations cinématographiques classiques: Aura été (fiction, 28′, 16 mm., 1994), Sicilia! Si Gira (documentaire, 80′, vidéo, 2001), Les Jours où je n’existe pas (fiction, 114′, 35mm., 2002), Le Dieu Saturne (fiction, 35mm., 2004),, Je ne suis pas morte (fiction, 190′, 35mm., 2008).
Qu’est-ce-que peut donner le fait de «filmer avec un téléphone portable»? L’invention technologique (le téléphone portable) peut-il créer un univers cinématographique? Jean-Charles Fitoussi dit: « Tous les films que j’ai filmés avec un portable, je les conçois pour un grand écran, pour un écrin noir, j’ai constaté qu’on gagnait en agrandissant les défauts de cet appareil, c’est une manière d’affirmer clairement ce choix esthétique. Mes films nécessitent un silence, un recueillement, s’il est perturbé, le film peut s’évanouir. »
Qu’est-ce qu’il veut dire par là, les défauts de cet appareil? Il est en conscient, il expérimente un monde inconnu par le biais de nouvel «organe». Jean-Charles Fitoussi, en utilisant ce médium nouveau vise à un Réel nouveau inconnu. Celui-ci ne pourra être que l’accidentel, l’éphémère, l’invisible, l’observable, la fantasmagorie… Sa démarche artistique, par les jeux déplacés et tendus, essaye donc de saisir un bloc de formes, un soupir; un sourire, un retour au repos, etc. que le cinéma traditionnel n’avait pas pu capter. Mais cela engendre le côté incertain de l’expression nouvelle. Lui parle de du «sentiment de la disparition»: «Quand je filme, je souhaite que les spectateurs se disent que ces choses ont été et qu’elles ne sont plus. Les images dégradées obtenues avec le téléphone portable donnent ce sentiment de la disparition.»
On peut dire que Temps japonais de Jean-Charles Fitoussi n’est pas un film malgré l’intention du cinéaste. Ce film est un lieu où se mêlent l’invention technologique et l’invention artistique. C’est dans ce sens que le cinéaste est au cœur de l’art contemporain, toujours à la recherche d’un monde inconnu.
Hye-Young Seon