Espaces. Déplacements. Dérives. 03
Article publié le : vendredi 9 octobre 2009. Rédigé par : LilianeLe groupe Stalker
Comme Orozco et Francis Alÿs, le groupe Stalker de Rome fait de la dérive un outil principal de la création.
À propos de Stalker d’Andrei Tarkovski, Serge Daney écrivait: «To stalk, c’est, très précisément, chasser à l’approche, une façon de s’approcher en marchant, une démarche, presque une danse. Dans le stalk, la partie du corps qui a peur reste en arrière et celle qui n’a pas peur veut aller de l’avant. Avec ses pauses et ses frayeurs, le stalk est la démarche de ceux qui s’avancent en terrain inconnu. Basé à Rome, le « laboratoire d’art urbain » Stalker qui rassemble, selon les actions menées, des artistes, des architectes, des urbanistes, des chercheurs en sciences humaines et sociales, n’a pas emprunté que son nom au film d Andrei Tarkovski, mais a aussi adopté cette façon de marcher « qui est tout ce qui reste quand tous les points de repère ont disparu et que plus rien n’est sûr». Le groupe explore des lieux oubliés, abandonnés, en déshérence, cruellement marqués par les sévices du temps, où se manifestent l’accidentel et le désordre. Ils ne se laissent intimider ni par les lieux sauvages, ni par les obstacles, ni par les panneaux marqués « Accès interdit ». Eux entretiennent un rapport très vivant avec les lieux, ils campent dans les terrains non habités à coté de la ville.
« Stalker produit des cartes, des plans, génère des parcours, des formes de recherche nomade, accumule des informations et considère l’espace comme une boite à outils. Il faut savoir s’en servir. Occuper un espace, c’est d’abord savoir comment on peut le faire fonctionner, et un espace qui fonctionne est un espace qui fait marcher, c’est-à-dire dans lequel il faut se mettre en mouvement dans un équilibre précaire de prudence et d’imprudence, de confiance et de lucidité, en sachant profiter des moindres passages et éviter tous les pièges. » (Didier Arnaudet) Ils pratiquent ce qu’on appelle des « dérives urbaines », des véritables traversées des creux de la ville. Leur démarche envisage une perception de l’espace qui engage autant le corps (la marche, le franchissement ou le contournement des obstacles) que l’esprit (la mémoire des lieux traversés, la perception de leur utilisation sauvage).
A la fin de leurs pérégrinations, ils ont créée une carte bicolore formée de zones jaunes qui représentent la terre et par le bleu, qui est l’océan. La ville est comme un archipel, c’est à dire constitué par plusieurs iles (en jaune) dans un océan, des grandes vides en bleu qui signifient la partie « inconsciente de la vile » tous les lieux inhabités, sans commerce, sans habitants, là ou la ville montre le dos, ou elle se construise spontanément. C’est dans une façon psycho-géographique que le groupe Stalker voit la ville. Par la marche, ils trouvent un moyen de naviguer dans un espace en inventant des trajets.
Lavinia Raican