Carte blanche
Article publié le : mardi 1 février 2011. Rédigé par : Azadeh Babaii FardÉtienne Mineur est un artiste, magicien, chercheur et inventeur très curieux, qui ose expérimenter, qui aime bien s’amuser et jouer. Les réflexions qu’il nous a livrées au cours de la conférence nous ont permis d’entrevoir une esthétique à mi-chemin entre tradition et modernité. Étienne Mineur est un artiste qui semble parfaitement à l’aise avec les techniques numériques les plus avancées tout en faisant l’éloge des matériaux les plus classiques. Nulle nostalgie cependant dans son propos, nulle volonté de revenir à la période où l’ordinateur ne régnait pas encore en maître, mais une aspiration à croiser, de manière fort ingénieuse le Low Tech et le High Tech. Il est clair qu’à la vue du travail d’Étienne Mineur, l’aspect artistique l’emporte nettement sur l’aspect commercial, ce qui n’est pas un moindre fait pour un graphiste-designer qui propose ses services à des entreprises. Certes, l’artiste a dû se plier aux impératifs commerciaux qui correspondent à sa profession, mais il a eu la chance de travailler sous la direction du couturier japonais Issey Miyake. Ce dernier, commanditaire pendant sept ans auprès d’Étienne Mineur, semble avoir été relativement peu préoccupé par la dimension marketing du site qui présente ses collections. On pourrait presque dire qu’Issey Miyake a été le mécène d’Étienne Mineur car, en lui laissant carte blanche dans son travail d’artiste, il lui a permis d’explorer des voies originales.
Tout se passe comme si Étienne Mineur défendait une esthétique de la découverte. Elle se traduit par une authenticité du rapport avec l’œuvre (par l’unicité et l’irréversibilité de ce rapport: page web blanche à la deuxième consultation du site de Miyake, livre qui s’autodétruit au bout de vingt minutes). C’est aussi la farine ou le sable qui s’écartent sous le souffle du visiteur, ce même visiteur à qui il est laissé le loisir de flâner au fil de la collection, sans un clic. On notera une étrange similitude entre les taches qui permettent de découvrir les mannequins et celles qui «mangent» le livre, dans un processus inversé.
Étienne Mineur nous rappelle que la découverte d’une œuvre est primordiale: c’est le premier contact entre le spectateur et l’œuvre qui importe véritablement. L’artiste cherche sans doute à revenir à une vérité fondatrice que le développement formidable d’internet a émoussée.
Azadeh Babaii Fard