Une Expérience Colorée dans l’Espace Public

Intervention artistique sur l’un des passages piétons de la Place de la République,  à Paris.

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Genèse du projet

Pendant l’hiver, la ville de Paris manque de soleil et de couleurs. Les lignes blanches des passages piétons parisiens vont servir d’inspiration pour créer une expérience colorée dans le cadre du cours “Art dans l’Espace Public” de Madame Tania Ruiz Gutierrez à l’Université Paris 8 Saint-Denis.

Le passage piéton du Faubourg du Temple de la Place de la République est un espace de constante circulation qui sera transformé en un espace coloré où des citoyens pourront, par groupes, traverser d’une façon agréable et en toute sécurité vis-à-vis du trafic routier.

Il s’agit d’une intervention artistique qui s’adressera à des piétons volontaires, non pressés et observateurs passionnés de la ville dans laquelle ils sont exposés au risque d’accident. Le but est d’étudier la relation entre la couleur, l’espace public, et la perception du « spectateur » qui peut être par ailleurs aussi rêveur, distrait, lent et sensible à cet espace.

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Pour quoi la Place de la République?

La Place de la République est un espace que je traverse tous les jours et à différents moments de la journée. Après des semaines d’expérimentation personnelle et de recherche, j’ai découvert que traverser ce passage piéton, marcher sur ces lignes blanches horizontales est toujours une expérience réalisée à toute vitesse, risquée et d’où la cohabitation entre tous les usagers (automobilistes, piétons, cyclistes, etc.) est absente.

Après un an et demi de travaux, la place de la République rénovée, embellie, a été re-ouverte le dimanche 16 juin 2013. Aujourd’hui on profite d’une place plus conviviale et confortable à vivre au quotidien sauf que le traverse de passage piéton continu a être trop risqué.

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Dans la conception de frontières,  j’ai choisi certains paramètres essentiels de ce projet qui se trouvent dans la place elle-même. Selon la Ville de Paris la Place de la République est :

  • une des places les plus importantes de Paris par son emplacement et sa taille : 280 m de long par 120 m de large, soit près de 34,000 m².
  • située à l’intersection de trois arrondissements (3e, 10e et 11e).
  • au carrefour de 7 axes majeurs de circulation.
  • 5 lignes de métro et 4 lignes de bus s’y croisent.
  • une place emblématique, point de départ de grandes manifestations citoyennes.
  • avec une activité comérciale vibrante.

Avant son aménagement, un diagnostic a été réalisé par l’APUR (Atelier Parisien d’Urbanisme) et la Direction de la Voirie et des Déplacements de la Ville de Paris, en collaboration avec la RATP. Ici vous pouvez : Télécharger le diagnostic au format pdf.

Après le diagnostic, deux objectifs ont été fixés pour l’aménagement de la place:

  1. Redonner à la place son attractivité et son dynamisme.
  2. Faire de la place un espace où il est agréable de vivre et de se déplacer.

Le philosophe G.W.F. Hegel a dit : « La couleur est l’élément qui donne âme et vie à l’œuvre d’art ». Selon moi, la couleur est l’élément qui donne âme et vie à l’espace public.

M’inspirant de l’artiste Carlos Cruz-Diez,  et de ses différentes interventions colorées dans l’espace public de grandes villes du monde, j’ai invité Alexandre Guarneri, fondateur de la marque de vêtements Homecore, qui a développé le BonBond, un tissu qui favorise la détente, utilisé comme support de méditation et de relaxation, afin de créer cette intervention artistique.

Selon Carlos Cruz-Diez, la circulation quotidienne dans l’espace urbain change notre personnalité, nous devenons des êtres de routine obéissant à des codes que personne ne remet en cause.

Olafur Eliasson, artiste contemporain danois et fortement attaché à l’Islande, crée des incidents spatiaux qui confrontent le spectateur à une expérience de la couleur, de la lumière, de la température et de l’espace. Il en appelle à une rationalisation des sensations et à une réflexion sur la réception, la perception. M’inspirant de son travail Take Your Time, j’ai utilisé le BonBond comme des pièces en interaction dans le passage piéton, pour créer une connexion avec le monde qui nous entoure, des informations visuelles et des différentes définitions des sensations avec la couleur.

Avec cette intervention artistique, nous, artistes-citoyens, avons décidé de créer une expérience qui puisse provoquer une connexion entre nous et les autres, entre la ville et l’espace, entre la couleur et la routine urbaine que constitue le fait de traverser en tout sécurité un passage piéton.

Il s’agit d’un appel à un engagement physique et visuel, à une prise de conscience des sensations et à une réflexion sur la perception de l’espace coloré. Le sujet principal de ce projet est véritablement de humaniser notre espace public avec la couleur.

Réalisation du Projet 

Observation :

Experimentation :

Je d’abord observé l’espace et essayé juste un seul BonBond sur le passage piéton la deuxième semaine de novembre. Avec cette première expérimentation, j’avait bien compris l’importance de la connexion entre l’espace, la couleur et le corps en mouvement. Cette connexion est celle qui peut humaniser notre espace public.

Intervention :

Le jeudi 5 décembre, des amis, des artistes-citoyens, et les passants présents à ce moment-là, ont été invités à faire partie de cette expérience colorée d’une durée d’une heure. Nous nous sommes tous retrouvés  à 11h sur la Place de la République. Cette intervention colorée était totalement expérimentale et créative.

Nous avons fait l’intervention avec 8 Bonbonds de plusieurs couleurs (rouge, indigo, violet, orange, vert) qui nous avaient aussi donné les outils pour attirer toute l’attention des gens sur et autour de la Place. Ça nous avait donné également la possibilité de perte de l’identité et de l’anonymat. L’intervention était un nouvel air colorée de jeu et d’un contact direct avec la ville, de mouvements, de sourires, une expérience colorée de détente et de pur bonheur.

Conclusions

M’inspirant de Thierry Paquot, j’ai fait référence au passage piéton comment un lieu physique et symbolique où s’expriment des contradictions d’une société.

Les problématiques politiques, sociales, économiques, environnementales ou culturelles se croisent à cet endroit précis où s’inventent nos espaces communs et notre cadre de vie collectif.

Donc, des amies et artistes-citoyens plus conscient de cette réalité, ont compris les enjeux de cet espace. J’ai constaté que les piétons manquent de sécurité lorsqu’ils traversent ce passage piéton et qu’ils ont envie d’avoir une expérience plus tranquille et agréable.

À la différence de ceux qui pratiquent leur art dans les lieux culturels identifiés, nous des artistes-citoyens avait le but d’aller plus loin. La présence physique sur ce passage piéton en font non seulement des témoins privilégiés mais également des acteurs directs de cette sphère publique.

Depuis cette intervention j’ai réfléchi aux questions que pose Thierry Paquot:

  1. Allons-nous alors nous réfugier dans des villes virtuelles, à la recherche de rêves différés ?
  2. Ne deviendrons-nous que des spectateurs des espaces urbains, prisonniers que nous sommes de nos écrans, de nos claviers et de nos écouteurs ?

Les réponses sont NON, les citoyens et les piétons, dans leur majorité ne sont pas pressés et sont des observateurs passionnés de la ville dans laquelle ils sont exposés au risque d’accident pour les motoriser. Les passages piétons peuvent se convertir en un espace public qui permette une connexion et une sensibilité humaine dans la ville, qui crée un sentiment de se sentir bien, ensemble, dans des espaces partagés.

Tous les piétons et passants qui étaient sur la Place venaient nous demander ce que nous faisions. Le mouvement de media par Facebook, Twitter, et Instagram était actif.

Facebook :

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Twitter :

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Loic Le Meur, blogueur et chroniqueur télé, à twitée: @Loic « Colors at République #baladedansparis @ Place de la République » Instagram Loic #ExperienceColorée

Instagram :

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Ils ont été nombreux à des prendre des photos, des vidéos et beaucoup d’entre eux ont essayé le BonBond. Il n‘y avait aucun problème de sécurité publique, la police est passée plusieurs fois mais nous a laissé la liberté de faire ce que nous voulions, sans mettre en danger le passage.

Avec cette intervention, j’ai constaté que la couleur, les interventions artistiques peuvent nous aider à humaniser d’avantage les espaces publics.

Il nous a semblé que le corps et la couleur doivent retrouver leur place dans le passage piéton. Comme Cruz-Diez et Eliasson l’ont démontré par ces interventions artistiques  c’est par le corps et la couleur que la ville peut créer un espace humain qui peut élargir le bonheur, la rationalisation des sensations et une réflexion sur la réception, la perception de notre vie.

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Pour plus de photos par Moodstep cliquez ici.

Lutter contre les véhicules motorisés et l’agression urbaine, c’est finalement rendre la ville à l’homme, aux piétons, aux enfants, aux cyclistes, à nous tous qui aimons profiter de la ville, lui  redonner sa beauté. Cette intervention a transformé juste un des passages piétons de la Place de la République en un lieu humain et coloré, un lieu convivial, attractif et dynamique.

Maintenant c’est à nous de continuer à le tester dans d’ autres espaces publics de Paris et dans plusieurs villes pour pouvoir aller encore plus loin dans cette expérimentation. GRACIAS à tous.

Critique artistique: 

« Je trouve que l’intervention était simple et bien pensée dans le domaine pratique. Ainsi les dimensions des BondBonds et le nombre de personnes qui ont intervenu étaient suffisamment pour occuper un passage piéton dans la Place de la République.

Pour intervenir sur la place entière, par exemple, il aurait fallu beaucoup plus de monde.
Il était intéressant aussi la manière d’intervenir des gens: il a eu beaucoup qui ont pris des photos, autres sont entrés dans les BonBonds et deux garçons ont pris une bande pour eux et ils ont fait des jeux entre eux sans participer dans le plan général.
Cette dernière intervention m’a beaucoup touché car je trouvais un peu naïf le but d’apporter de la couleur à la place… à nous jours?… à la vie citoyen?

Je me suis amusé en regardant les drôles d’utilités que ces garçons ont découvert pour les grandes bandes élastiques de Carolina. Ça veut dire que la forme d’apporter de la couleur à la vie peut être moins abstrait, moins esthétique et un peu plus comique.
Je crois que les œuvres d’art qui stimulent vraiment la créativité du spectateur sont les mieux. Alors, félicitations à l’artiste! »

Almudena Baeza Medina, critique d’art, Ph.D: « Collectif Art Madrid 90: peinture pop aux nouvelles technologies. » (Née à Madrid, vit et travaille à Paris).

Bibliographie:

PAQUOT Thierry, L’Espace public, Paris, La Découverte, coll. Repères, 2009, 125 p.

PAQUOT Thierry, Un Philosophe en Ville, Paris, Golion : Infolio, 2011.

CRUZ-DIEZ Carlos, Interventions dans l’Espace Urbain [En ligne], mis en ligne 1990, consulté le 2 novembre 2013. URL : www.cruz-diez.com/fr/work/intervention-dans-lespace-urbain_1/

ELIASSON, Olafur, Leer es respirar, es devenir: Escritos de Olafur Eliasson. Edited by Moisés Puente and Studio Olafur Eliasson, 2012.

ELIASSON, Olafur, TYT (Take Your Time), Vol. 2: Printed Matter, Studio Olafur Eliasson, Berlin, 2009.

CAROLINA DAZA: @TheGlobalYogini, ecocozina@gmail.com