Y lo que me falta, me lo imagino, Marcos Carrasquer

           L’espace de la Galerie Polaris est entièrement consacré au travail du peintre Marcos Carrasquer, on y découvre ses peintures figuratives réalisées entre 2020 et 2022. Cet environnement d’œuvres, déroutant et bruyant, présente des compositions saturées. S’attelant à représenter une humanité irrationnelle et poignante, Carrasquer réalise des compositions dans lesquelles les personnages et les objets sont enchevêtrés, où ne subsiste aucun vide. Les scènes de vie ordinaires, dépeintes par l’artiste et décrites dans des espaces domestiques, rappellent une actualité faite de guerres et de conflits. En plus de peindre le quotidien, Carrasquer ouvre aussi une conversation avec l’histoire de la peinture.

            Les peintures théâtrales de Marcos Carrasquer juxtaposent différents genres picturaux, allant du plus réaliste au plus caricatural et satirique. Les personnages, noyés par leurs occupations journalières, semblent constamment se débattre, jusqu’à en perdre pied. Toujours très détaillés, les défauts et les imperfections de leurs corps deviennent l’incarnation de leurs propres déficiences. Leurs traits fatigués, exacerbés, entrent en collision avec leurs postures dramatiques et superficielles. Leur cambrure séductrice contraste avec leur mal-être.

            Le tableau que Carasquer consacre à Démocrite et Héraclite met en scène cette contradiction à l’œuvre dans ses tableaux. Placés de part et d’autre d’un globe terrestre dans un célèbre tableau de Rubens, les deux philosophes grecs représentaient des regards opposés portés sur le monde : l’un optimiste et riant, celui de Démocrite, et l’autre triste et pleurant, celui d’Héraclite. Marcos Carrasquer réinterprète ces deux figures, tragiques et comiques, dans le cadre d’une mise en scène intime. Dans une baignoire, on trouve Héraclite, riant, qui arrose le tragique Démocrite avec un pistolet à eau. La dualité représenté par ces philosophes renvoie à celle qui caractérise la plupart des tableaux de Carrasquer où la satire est le versant expressif du mal-être.

Marcos Carrasquer, Héraclite et Démocrite, huile sur toile, 130 x 97 cm, 2022
Courtesy Galerie Polaris, Paris

          À travers ses peintures à l’humour grinçant, Marcos Carrasquer laisse pressentir son intérêt pour ce qui fait notre monde. Il portraiture la vie de manière absurde et chaotique par le biais de réminiscences qui convoquent nos souvenirs personnels. La prolifération des détails met en lumière certaines facettes de notre intimité profonde, notamment à travers les objets représentés. Le titre de l’exposition, Y lo que me falta me lo imagino. Et ce qui manque, je me l’imagine, semble exprimer cette volonté d’aller au-delà du visible par une forme d’exagération de la réalité, depuis ce qu’elle fait voir d’elle-même. Peut-être ce titre se réfère-t-il, aussi, au processus de création d’un artiste qui, pleinement ancré dans son temps, désarticule le réel pour mieux le faire parler ?

Texte écrit par Lina Bekouche, au sujet de l’exposition de Marcos Carrasquer, Y lo que me falta me lo imagino, à la Galerie Polaris, Paris

Marcos Carrasquer, Today’s homes – triptyque, 2022, huile sur toile,
100 x 50, 100 x 100, 100 x 81 – courtesy Galerie Polaris

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