Robert Kushner, jardin sauvage, galerie Nathalie Obadia

L’automne s’abat sur le quartier du Marais ; les clapotis de la pluie accompagnent le tumulte environnant. Comme une échappatoire à ce paysage urbain maussade, la Galerie Nathalie Obadia nous accueille avec un curieux « Jardin Sauvage ».
Dès le pas de la porte, une grande peinture fleurie nous interpelle. On y reconnait la silhouette des cyclamens s’accordant à l’entrée dans l’hiver. Fondues dans une composition rectiligne et fragmentaire, elles se déclinent en différentes nuances de bleu et de rouge. L’œuvre rappelle les motifs d’une couverture en patchwork, assemblage de couleurs, de textures et de formes hétéroclites. C’est à ces nuanciers ordonnés et émaillés d’une flore ornementale bien connue des fleuristes que l’on distingue Robert Kushner.

            

visuels : vues de l'exposition de Robert Kushner, Jardin sauvage, galerie Nathalie Obadia, Paris. Courtesy Nathalie Obadia
visuel de tête : Robert Kushner, Large peony bouquet, huile, acrylique et feuille d'or sur toile, 183 x 183, 2020 (détail). Courtesy galerie Nathalie Obadia

Les œillets, les roses et les pivoines rappellent l’intérieur des « gens de bon goût » ; tandis que les agaves, soutenus par les glaçures de bleu, la terre de Sienne et le vert pastel, nous transportent des abords méditerranéens jusqu’en Extrême-Orient. En chemin, nous rencontrons le Jelliz (1) tunisien, la mosaïque byzantine, le mandala indien, le tissu batik d’Indonésie et le shibori (2) japonais. Cette abondance de références esthétiques nous fait vagabonder de souvenirs en fantasmes de nouveaux voyages.
Composites, géométriques et précieuses, les compositions de Robert Kushner peuvent évoquer celles de son aînée, l’artiste Anna-Eva Bergman. Tous deux ont un intérêt commun pour la nature, laquelle est souvent rehaussée par la technique artisanale de la feuille d’or. Chez Anna-Eva Bergman, le paysage est cependant plus minéral, rude et silencieux ; tandis que le travail de Robert Kushner est luxuriant et semble célébrer sans cesse la virtuosité botaniste et architecturale d’une humanité cosmopolite.
En intégrant des pratiques artisanales et décoratives dépréciées par l’histoire de l’art occidentale, Robert Kushner revendique une beauté hybride incitant à une balade enchanteresse entre les cultures.

Compte rendu de l’exposition de Robert Kushner, « Jardin sauvage », galerie Nathalie Obadia Paris

Valentine Brémaud

Notes :
1) Le Jelliz tunisien, appelé Zellige au Maroc, est un carreau de céramique utilisé pour décorer les murs et les fontaines.
2) Le shibori est une technique de teinture ancienne, consistant à tordre un tissu coloré de bleu indigo, afin d’y dessiner des motifs.

 

 

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