Heavy Water, exposition d’Aneta Kajzer

Belle et effrayante à la fois, l’exposition Heavy Water fait voir des tableaux dont on remarque d’abord le traitement complexe de la couleur. Aneta Kajzer crée un monde unifié à travers la fusion des sensations et de représentations d’imaginaires. Si chacun.e est libre de laisser ses sensations le.la guider, on distingue aisément au fil des toiles, des formes biomorphiques aux apparences -biologiquement- féminines, des petits personnages grinçants et inquiétants ainsi que des formes animalières.
Alien Pool dépeint par exemple clairement les seins d’une femme, et Evil Twins ce qui semble être des oreilles de lapin.e. Certains titres d’œuvres , comme Vader ou Alien Pool, orientent également nos interprétations, que leur tonalité abstraite ne cesse néanmoins de mettre en doute. Brutes et non encadrées, les toiles laissent jaillir et déborder les couleurs sur leurs bords, soulignant la dimension spontanée et très gestuelle du maniement des couleurs.

 

Vues de l'exposition d'Aneta Kajzer à la galerie Semiose 
courtesy Semiose galerie

Le mouvement libre et lyrique des couleurs, l’opacité brumeuse des compositions donne aux toiles une atmosphère aussi sombre que gaie. L’artiste réactualise le symbolisme de Moreau, de Chavannes et de leur guide spirituel, Baudelaire. Dans cette dimension du rêve où tout est ambigu, difficile à identifier et à nommer, les mythes et les légendes sont des sources d’inspiration que l’artiste réhabilite. Le silence laisse la place aux associations sensorielles. La notion de « moi » superficiel ou profond que soulève Bergson à la fin du XIXe peut ici s’avérer intéressante à évoquer pour comprendre cette part de rêverie que l’artiste fait entrer dans son processus de travail et qui lui permet de convoquer une dimension plus inconsciente, moins rationalisée, proche d’une écriture automatique.

Les couleurs enchanteresses semblent avoir été peignées sur la toile, à la manière d’une chevelure. De teintes très contrastées et se décomposant en courbes linéaires, les formes se matérialisent partiellement, suspendues en un dilemme entre figuration et abstraction caractéristique de la pratique picturale d’Aneta Kajzer. L’artiste esquisse des scénarios faisant apparaître des créatures imaginaires, des amorces de fictions aux dénouements inconnus.

Présentation de l’exposition d’Aneta Kajzer, Heavy water à la Semiose galerie, Paris.

Ainhoa Bourgeois

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