Control, d’Olivier Cyganek et Julie Poulain

Par Valentine Brémaud.

Le 16 mars 2019 au soir s’est tenue, au Théâtre Brétigny, Un Démocrate. Cette pièce de théâtre historique mettant en scène Eddie – connu sous le nom d’Edward Bernays – raconte le récit de ce personnage influent et propagandiste, neveu de Sigmund Freud et fondateur des techniques publicitaires les plus offensives du siècle dernier. Plus qu’un divertissement, l’œuvre est une invitation à réfléchir sur le thème de la démocratie. Invitation à laquelle s’était jointe, pour la vespérale occasion, une drôle de performance.

Le public – foule enthousiaste certainement préparée à la critique politique – s’est présenté aux portes de l’espace culturel, profitant au passage d’un accueil faussement coutumier. Posté à l’entrée du théâtre et vêtu d’uniformes gris et fonctionnels, un étrange duo jouait le rôle d’agents de sécurité, dont la performance consistait à employer divers objets en céramique rappelant des technologies à la fois familières et impénétrables. La manipulation de ces objets permettait aux deux agents d’entrer en contact avec chacun des visiteurs, soumis à un contrôle des plus expérimentaux. Bien dociles, ces derniers se voyaient tendre l’œil, la main, ou encore le pied – différentes parties du corps porteuses de leur identité – afin d’être inspectés, établissant ainsi un cérémonial auquel chacun se devait de réagir avec la bienséance qu’il imaginait être d’usage.

Les deux agents complices n’étaient autres qu’Olivier Cyganek et Julie Poulain, artistes contemporains sympathiques, qui ont coutume d’interpeller le public en détournant les conventions socio-relationnelles, parfois faites de contraintes et de rapports de force.

Le décor était planté. Les deux personnages flegmatiques interceptaient les nouveaux arrivants en activant, selon des protocoles énigmatiques, les différentes pièces en céramique, imparfaites et portant la trace des gestes du sculpteur. Spectateur par spectateur, les mêmes opérations se succédaient au sein d’une rigoureuse chorégraphie, permettant ainsi aux artistes de scruter chaque paume et chaque pupille tout en décortiquant diverses dimensions de la surveillance et du contrôle. De manière intuitive, comme une habitude, les visiteurs témoignaient leur consentement et leur tolérance de façon parfois amusée. Après tout, n’était-il pas normal de montrer patte blanche?

Suite à l’inspection, et pour affirmer l’approbation escomptée, était remis à chacun des invités, sans consigne, un bracelet bleu ou orange. La distribution distinguait, par un simple code couleur, deux groupes et séparait parfois arbitrairement les couples et les amis. Présenté comme un genre de laisser-passer classificateur, le bracelet marquait l’appartenance de l’individu à une communauté et le laissait, encore une fois, se plier à ses présupposés civiques.  Il permettait ainsi d’induire et d’observer: tantôt une interrogation, tantôt une recherche de cohésion, une ignorance ou une déviance.

Grâce à l’ensemble de la performance, il s’agissait de faire résonner l’écho d’une tradition contemporaine sécuritaire qui tend à s’amplifier, de manière presque trop anodine, dévoilant au passage notre obéissance résignée face aux procédures les plus abstruses.

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