César Bardoux

Par Clara Lassudrie-Duchêne

 

Je parle de pierres plus âgées que la vie et qui demeurent après elle sur les planètes refroidies (…) 

L’homme leur envie la durée, la dureté, l’intransigeance et l’éclat, d’être lisses et impénétrables, et entières même brisées. 

(…) je parle des pierres nues, fascination et gloire, où se dissimule et en même temps se livre un mystère plus lent, plus vaste et plus grave que le destin d’une espèce passagère.

 

Ces extraits tirés du poème Dédicace de Roger Caillois décrivent parfaitement la fascination que César Bardoux, diplômé des Beaux-Arts de Paris, éprouve à l’égard des minéraux.

À l’instar du poète qui leur rend ainsi hommage, le jeune artiste, captivé, les collectionne depuis son enfance. Elles deviennent ses premiers sujets d’études. Les éléments, leurs enjeux écologiques et leurs symboliques, sont au centre de ses préoccupations. Un rapport entre science et rêve se dessine.

Roches, Monotypes, encre sur papier, 2014. Photo : © César Bardoux

Il réalise ses œuvres à partir d’images de synthèses d’un volume qu’il déforme, creuse et étire. Il retranscrit ensuite ces images de façon académique avec des techniques traditionnelles comme l’huile sur toile, le graphite ou l’encre.

Les figures translucides ainsi obtenues sont exposées à des phénomènes physiques de gravitation, de magnétisme et de fusion entre les éléments. Les effets visuels qu’ils provoquent ne sont pas sans rappeler l’art optique et ses vibrations. Le minutieux travail d’ombres et de lumières donne du relief et du mouvement aux images fixes. L’œil, réceptif, découvre une matière sensible que César Bardoux fait exister virtuellement. Le grand format lui permet d’explorer en détail les textures et offre une vision d’une précision quasi scientifique, sorte d’hyperréalisme virtuel qui met en valeur la technique digitale.

Panspermia, encre sur papier, 2016. Photo : © César Bardoux

 

Expension, huile sur toile, 162×130 cm, 2019. Photo : © César Bardoux

 

La notion de symbiose est un aspect décisif du travail de César Bardoux. Elle se retrouve dans ses motifs, mais aussi dans sa pratique, qui mêle et confronte deux temporalités. S’il associe des techniques anciennes de dessin à des procédés novateurs, avec la modélisation 3D, il réunit aussi une réflexion élémentaire sur les origines de l’homme avec des interrogations liées aux nouvelles technologies. Les deux approches ne fonctionnent pas l’une sans l’autre, elles se complètent et se valorisent.

L’aspect généré par ce processus hybride est ambigu, à la fois naturel et artificiel. Les formes produites offrent une texture étrangement dénaturalisée, lisse, pure, qui rappelle  « l’esthétique moderne du beau » , théorisée par le philosophe Byung-Chul Han  dans Sauvons le beau, l’esthétique à l’ère numérique.

Cryogenia, Graphite sur papier, 70x50cm, 2018. Photo : © César Bardoux

Memory card, huile sur toile, 162×130 cm, 2019. Photo : © César Bardoux

Se plonger dans la pratique de César Bardoux c’est se positionner face à notre société, tant la lenteur assumée du processus de réalisation de chaque image, qui s’étire sur plusieurs semaines, va à l’encontre du concept urgentiste actuel.

César Bardoux associe le beau naturel au beau numérique et représente des formes virtuelles flottantes qui pourraient exister dans les tréfonds d’internet. Ses peintures s’apparentent à des macrophotographies de textures surréalistes, mélanges poétiques de plusieurs univers étrangers. Elles sont une fusion entre l’imaginaire et le réel et relèvent d’un art pictural qui, comme l’affirmait Paul Klee, rend visible l’invisible.

Clara Lassudrie-Duchêne

 

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