Portrait de Marianne Mispelaëre

Portrait de Marianne Mispelaëre

Marianne Mispelaëre est une artiste du geste et de la simplicité. En réponse à une réflexion sur la société dans laquelle elle évolue, sur le monde contemporain, elle apporte une réponse graphique souvent empreinte de simplicité et poétique.

Son travail du trait, ce geste en apparence simple, mais qui demeure l’essence de l’artiste, la base de la création, s’apparente parfois à une mise à l’épreuve. Avec Mesurer les actes, une performance qu’elle explore depuis 2011, elle trace pendant de longues heures des traits qu’elle veut les plus réguliers possible, le tracé durant une minute chacun. Différents aléas font évoluer son dessin, de la fatigue aux défauts du matériel. Le dessin automatique évolue, révélant les failles de l’humain, de l’artiste qui veut dépasser les limites de son corps. Ce corps, elle l’entraîne pour trouver le geste parfait qui, d’une impulsion simple, permet à un pinceau gorgé d’eau de soulever une feuille de papier. Inspirée par l’enseignement de la calligraphie, elle propose Rencontre séparation en 2014, en laissant penser au public que ce geste simple peut modifier ainsi une feuille. Elle tait cet apprentissage, ce processus qu’elle a dû établir, car c’est son corps tout entier et l’énergie qu’elle met dans le dessin qui permet de reproduire ce geste particulier. Elle introduit le collectif dans ses œuvres, pour inclure la vision et la perception de chacun, car le geste, aussi simple soit-il, est un témoignage corporel très personnel de celui qui l’effectue.

Marianne Mispelaëre, Mesurer les actes, action performative n°01 du 08 mars 2011, 457min, dessin, action performative de dessin, encre de chine sur mur, pinceau petit gris, dimensions variables, espace du FRAC Alsace, Sélestat, Photo : Marianne mispelaËre.

 

Le geste spontané, elle en étudie l’origine dans la série Silent Slogan depuis 2015, qui répertorie des gestes impulsifs lourds de significations dans un contexte donné. Il en ressort des gestes similaires pour des contextes différents, ou, en fonction des cultures, des causes communes traduites corporellement différemment. On y apprend que le geste, traduction de la pensée, est un témoignage influencé par la culture et l’histoire de chacun.

Marianne Mispelaëre, Silent Slogan, 2016 – en cours, cartes postales, série de 32, 700 exemplaires,  capture d’écran, texte, 105×148 mm chaque, traduction et relecture : Clémence Choquet & Marcus Heim, impression offset, Photo: Marianne Mispelaëre.

 

Un amour de la littérature et de l’écriture transparaît dans certaines de ses créations, dans lesquelles change notre manière de l’appréhender. En 2010, elle inverse l’opacité du texte et des ombres dans Objet de fiction, mettant en valeur cette ombre qui s’invite sur la page, mais que nous ne pouvons plus chasser. Empêchant ainsi la lecture, car les lettres sont recouvertes par les ombres, elle nous invite à continuer nous-mêmes l’histoire. En 2011, elle nous propose d’écouter un livre blanc, en provoquant la lecture en tournant les pages du livre dans Objet des possibles. Avec une volonté de bouleverser nos sens, elle choisit la voix qui lira le texte à notre place, en conservant le geste propre à la lecture de tourner les pages pour accéder à la suite de l’ouvrage. Très récemment, en 2017, elle propose avec Sauter par-dessus son ombre une performance de lecture d’un livre qui brûle. Le texte lui tient à cœur, elle veut le partager, mais le feu l’en empêche, brûlant progressivement le texte tout en le mettant en lumière.

Elle s’interroge également sur la parole, sur son pouvoir, et sur ce qu’on en fait. Interpellée par l’image de mascarade que les médias français diffusent du Printemps arabe, au lieu de promouvoir cette révolte sociale promouvant l’éducation, Marianne Mispelaëre se demande comment relater subjectivement d’un événement sans recul. Sa réponse se trouve dans Newspaper, travail dans lequel elle dispose des feuilles de papier dans un environnement pour qu’elles s’en imprègnent, qu’elles se laissent abîmer par le paysage pour le raconter.

Marianne Mispelaëre, NewsPaper, 2013, photographie, série de 5 affiche, impression numérique sur papier dos bleu, 120x176cm, Photo: Marianne Mispelaëre.

 

Derrière une apparente simplicité du geste se cachent de nombreuses réponses aux interrogations que l’artiste porte sur le monde contemporain et ses failles. Ses propositions sont poétiques et témoignent d’une recherche précise qui vise à cerner le monde qui l’entoure en montrant son regard aiguisé sur la société actuelle qui oublie trop souvent les apprentissages de ses ancêtres.

 

Lucie Matton

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