En avant les histoires – L’Effet Vertigo au MacVal

 

Dans les grand espaces du MacVal à Ivry, Alexia Fabre, sa conservatrice en chef, signe une exposition réalisée conjointement avec l’équipe du musée. Le titre de l’exposition L’Effet Vertigo renvoie au procédé filmique inventé par Alfred Hitchcock pour montrer le vertige que ressent le personnage principal dans le film Vertigo (Sueurs froides, 1958), maintenu dans un même cadre par une oscillation simultanée entre un zoom avant et un travelling arrière. La référence au cinéma donne le ton à l’exposition qui met en jeu des opérations de montage et l’idée d’une temporalité toujours présente. La relation à l’histoire propre à chaque artiste guide le choix et l’accrochage des œuvres issues de la collection du musée.

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On hold – Laura Henno, 2010

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Entretien avec Laura Henno, MacVal

Artiste, spectateur et toujours interprète, le sujet est au cœur de l’exposition. À travers la multiplication des points de vue, elle s’ouvre aux relectures des œuvres. Comme une mise au point, l’artiste raconte la manière dont il a créé sa pièce, le visiteur peut l’entendre et le voir dans un dispositif audio et vidéo présenté tout au long de son parcours. Il circule dans un espace ponctué par les mots comme un récit non linéaire. On y voit plus clair. Le visiteur lui donne un nouveau souffle, à partir de sa propre histoire.

L’exposition invite à prendre conscience de ses déplacements, si bien que l’on commence à se poser des questions existentielles : pourquoi j’ai tourné à droite ? comment j’ai effectué une boucle ? Pourquoi avoir regardé cette œuvre là avant cette autre ? Révélé comme par effraction sur la surface miroitante d’un tirage grand format de Pascal Convert, mon reflet apparaît côte à côté avec l’image de Pauline Talens Péri enfant dans les bras de son père adoptif en 1937 (Histoire Enfance, 2011). Les procédés employés par les artistes ou techniques de présentation invitent à considérer son rapport à l’œuvre, à l’histoire, et sa responsabilité.

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Qui parle ainsi se disant moi ? – Laura Lamiel, 2013

Miroir, miroir, où est passé mon reflet ? Dans la cellule verticale de Laura Lamiel, Qui parle ainsi se disant moi (2013), le miroir est un matériau constitutif de l’œuvre. Il offre des visions de l’espace simultanées, divergentes et jamais prévisibles de l’espace, dans un jeu troublant d’apparition et de disparition des choses, qui ne sont jamais celles que l’on attend. La structure nous place dans une posture incertaine et inconfortable, prêts à basculer à tout moment dans un envers du décor, à la fois attirés et repoussés par une symétrie visuelle assez radicale. La sculpture de Michel de Broin présente aussi un jeu duel entre l’attirance et la répulsion, impose une distanciation avec le sujet percevant. Black Hole Conference ou Conférence pour un trou noir (2005) présente un assemblage de chaises à l’esprit hyper fonctionnaliste, qui auraient été aspirées vers leur centre. Abordant une forme solidement circulaire, elles nous montrent leurs pieds avec une certaine agressivité, provoquant un instinct de recul en même temps qu’elles nous attirent profondément et inévitablement vers leur structure intérieure pour tout et ne rien comprendre en même temps. L’écran s’éteint.

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Magnum – Nøne Futball Club, 2013

Il se rallume sur une œuvre du duo d’artistes Nøne Futball Club. Magnum (2013) présente la forme simplifiée d’un pistolet, découpée dans un rideau métallique, comme ceux qui protègent les vitrines commerciales des effractions la nuit. Entre l’humour et le dégoût, la naïveté et l’effroi, l’innocence côtoie la violence du fait d’actualité. Un médiateur entre dans la salle avec un groupe d’enfants et propose une activité : « On marche sans s’arrêter ! ». Pause méditative. Derrière la cimaise, les œuvres de Benoît Maire interrogent la relation que l’homme entretient avec ses outils.

 

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The White Building – Jean-Luc Vilmouth, 2006

Pendant ce temps, les plantes de Jean-Luc Vilmouth continuent de respirer, posées au sol ou sur les étagères qui reconstituent la forme rectangulaire d’un bâtiment construit à Phnom-Penh (Cambodge) dans les années 1960. Tout en long, The White Building (2006) montre ses habitants et la vie qui reprend ses droits. Leurs bruits résonnent dans l’espace comme une matière vivante et ininterrompue. Dans la dernière salle, je filme dans un lent travelling le néon qui s’allume et s’éteint au rythme de la respiration de Sarkis, devant les yeux des enfants du cinéma, avec mon appareil photo numérique (Trésors de la mémoire, les onze enfants de l’histoire du cinéma, 2002).

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