Conte et tourment de l’histoire : une « brève histoire de l’avenir » au Louvre

« Une Brève histoire de l’avenir » aurait pu voir le jour dans un musée d’histoire des sciences tant certaines pièces exposées sont le reflet de l’ingéniosité de l’homme. Mais c’est au Louvre qu’elle est exposée. Gardien des œuvres d’art les plus célèbres, il prend sous son aile des instants de fulgurances matérialisés dans du marbre, un bronze ou sur une toile. Il est le reflet des temps passés dont nous jouissons par la possession encore et toujours. Mais jusqu’à quand ? Cette exposition soulève la question de notre avenir, forcément incertain, réfléchi dans un dialogue entre œuvres du passé et créations contemporaines. À défaut d’être une présentation d’œuvres, on assiste à la mise en place d’une expérience narrative qui n’aurait ni début ni fin. Par un effet de leitmotiv, on découvre les créations de l’homme dans une expression grandiose.

Comme on découvre une pièce de théâtre rythmée en actes, on déambule dans la galerie Napoléon fragmentée en plusieurs thèmes. « L’ordonnancement du monde », scène inaugurale, confronte la parabole des aveugles de Bruegel et la méditation du Studiolo de l’artiste hollandais Mark Manders. Un instant de douceur et de fragilité nous submerge, mais très vite, on est rattrapé par l’effervescence orchestrée par la mise en scène de l’exposition.

MARK MANDERS, A place where my thoughts are frozen together, 2001, collection particuliére

MARK MANDERS, A place where my thoughts are frozen together, 2001, collection particuliére

C’est ainsi, qu’on atterrit dans la zone « des grands Empires » où se côtoient un scribe en pierre de l’Égypte antique au côté d’une maquette réalisée en composants industriels sous un bloc de plexiglas qui présente l’érection d’une ville « futuriste » (Elfrie Hug et Günther Domenig). La mise en regard de ces deux œuvres magistrales affirme la grandeur de l’homme dans sa recherche du progrès métaphorisée entre écriture et architecture. « L’élargissement du monde » et « le monde contemporain polycentrique » viennent clôturer ce parcours.

Les différents thèmes se répondent par effets de ricochets où l’on discerne l’émergence de certains états qui ont parfois contribué à la corruption de l’homme. La domination s’accorde avec le thème du pouvoir où l’œuvre d’art, paradoxalement, vient s’en faire le porte-parole. Le pouvoir s’incarne dans différentes valeurs monétaires qui, d’abord, sont présentées en vitrine comme les prémisses de cet échange, puis viennent s’ajouter des œuvres contemporaines révélant l’état du monde englouti par une vague de consumérisme édifiant dont les guerres deviennent les conséquences.

Mais si cette exposition démontre en creux la prégnance d’une histoire globale, les œuvres de Mark Manders ou encore de Camille Henrot portent, elles, la marque d’une histoire individuelle, déclinée dans des sculptures à caractère autobiographique ou encore incarnée dans une installation florale, Est-il possible d’être révolutionnaire et d’aimer les fleurs ? par exemple est inspirée de la tradition japonaise (les Ikebanas), expression florale qui ressemble à des fleurs artificielles, vecteurs d’un langage propre à l’artiste.

CAMILLE HENROT, « Salammbô », Gustave Flaubert
(série Est-il possible d’être révolutionnaire et d’aimer les fleurs ?), 2012-2015, Paris, courtesy de l’artiste et de Kamel Mennour

CAMILLE HENROT, « Salammbô », Gustave
Flaubert
(série Est-il possible d’être révolutionnaire et
d’aimer les fleurs ?), 2012-2015, Paris, courtesy de l’artiste et de Kamel Mennour

« Une histoire de l’avenir » est aussi une réflexion autour du musée. À quoi sert un musée ? Comment devons-nous employer les cimaises pour parler de nous ? La scénographie agit comme un récit où l’intrigue n’est pas obligée de s’établir avec un début et une fin. Et c’est ce que nous raconte cette exposition. Opérant comme un mouvement cyclique, elle forme une ligne brisée, errant à travers les âges, dans laquelle il faut se perdre pour mieux revenir.

Autant que les mots, les œuvres racontent des instants vécus, des rêves projetés, mais dénoncent également des ignominies intentées à l’encontre de notre fragile genre humain. Elles illustrent nos succès, nos défaites, mais témoignent toujours de notre présence implacable. Et c’est ce qu' »Une Brève histoire de l’avenir » tente avec bonheur de nous expliquer.

Marianne Robin

Une Brève histoire de l’avenir. Exposition collective. Du 24 septembre 2015 au 24 janvier 2016. Musée du Louvre. Ouvert tous les jours de 9h à 18h. Excepté le mardi fermeture des salles à 17h30.

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