« Hey ! Modern Art & Pop culture – Act III » – Art outsider et mondes intérieurs

Avec le troisième acte de l’exposition « Hey ! Modern art & Pop culture », Anne et Julien, commissaires et créateurs engagés, clôturent un cycle d’expositions mené en partenariat avec la Halle Saint-Pierre et animé par une volonté commune : celle de promouvoir et de défendre les arts dits outsiders, ceux qui « parlent de la vie sans discours, avec un désir d’impact immédiat, en opposition avec un certain art contemporain conceptuel, aujourd’hui adulé et montré ». Les 62 artistes présentés, plasticiens issus de formations académiques, mais aussi autodidactes, tatoueurs, graphistes, auteurs de bande dessinée, créateurs d’art brut et populaire, ont pour dénominateur commun l’affirmation d’un imaginaire riche, en résistance par rapport à l’institution, aux modes et aux postures, à ce qui tend à limiter une expression qui se veut libre et protéiforme.

Joël Négri, Le Prisonnier dans le Landau, Le Corbillard, La Charrette en Pyramide, 1970, Exposition "Hey! Modern art & Pop culture / Act III", 18/09/15 - 13/03/16. © Sarah Si Ahmed.

Joël Négri, Le Prisonnier dans le Landau, Le Corbillard, La Charrette en Pyramide, 1970, Exposition « Hey! Modern art & Pop culture / Act III », 18/09/15 – 13/03/16. © Sarah Si Ahmed.

Dans la pénombre de la première salle, les œuvres éclairées surgissent au regard et se découvrent sur le mode d’une déambulation non linéaire, dans un espace qui pourrait être celui, interne et intime, de nos propres fantasmes et projections. Tout autour, les figures foisonnent : ici, les sculptures de Choi Yooang où la résine prend des formes tour à tour coralliennes, charnelles, gazeuses, ou bien encore la série de Saint-Sébastien sépulcraux de Eudes Menichetti, déclinés sur des panneaux de métal criblés de clous, présentent des matières transfigurées, travaillées avec une passion obsessionnelle. Là les travaux de Marion Peck, comme ceux de Mark Ryden, représentants du « surréalisme pop », appellent d’emblée l’imagination à suivre des pistes narratives, sur les traces de personnages enfantins désabusés, mis en scène dans un univers de contes de fées figé et froid. Ailleurs encore, c’est un retour aux matériaux naturels qui est opéré, avec la création de figures dont on perçoit la valeur totémique, rituelle : les Chars de Joël Négri, installations poétiques faites de bois, de métal et de tissus, inspirent des présences mouvantes semblant surgir des profondeurs et incarner doutes, ambitions ou tourments ; tandis que la majestueuse œuvre du sculpteur Jephan de Villiers, L’ours à l’envol rêvé et la forêt tranquille (2015), semble inviter à une transhumance, un retour à la forêt qui semblerait presque toute proche, si l’on écoutait ces êtres d’écorce qui montrent la voie.

Jephan de Villiers, L’ours à l’envol rêvé et la forêt tranquille, 2015, Exposition "Hey! Modern art & Pop culture / Act III", 18/09/15 - 13/03/16. © Sarah Si Ahmed.

Jephan de Villiers, L’ours à l’envol rêvé et la forêt tranquille, 2015, Exposition « Hey! Modern art & Pop culture / Act III », 18/09/15 – 13/03/16. © Sarah Si Ahmed.

La deuxième partie de l’exposition se tient en pleine lumière, sous la verrière de la Halle. On trouve dans ce second espace des œuvres singulières ; à lire pour en apprécier les variations autour du texte et de l’image, comme chez Harry Underwood ou Fred Stonehouse, à manipuler et à ouvrir comme les panneaux de bois qui composent les sculptures de Francis Marshall, ou encore à actionner pour en apprécier les qualités narratives, permises par l’installation de systèmes mécaniques ou lumineux, comme c’est le cas dans les installations « électromécanomaniaques » de Gilbert Peyre.

Gilbert Peyre, La petite fille, 2015, Exposition "Hey! Modern art & Pop culture / Act III", 18/09/15 - 13/03/16. © Sarah Si Ahmed.

Gilbert Peyre, La Petite Fille, 2015, Exposition « Hey! Modern art & Pop culture / Act III », 18/09/15 – 13/03/16. © Sarah Si Ahmed.

Tout au long de la visite, les matières organiques, les présences multiples de figures humaines et animales, l’importance de la narration sont autant d’éléments utilisés qui font appel à l’imagination et à la sensualité de l’humain, en tant qu’être de chairs et de mythes. L’art outsider amène ici, d’une certaine manière, à un retour à soi : sont créées pour le visiteur les conditions d’un rapport franc et direct avec l’énergie créative déployée par ces artistes de tous bords, qui se caractérise par la surprise, la spontanéité, et la connexion avec le règne de l’étrange, dont chacun, en lui-même, pourra reconnaître les signes.

Sarah Si Ahmed

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