Cali Thornill DeWitt, « Sex Comedy » , Galerie Derouillon

Au mois de mai 2015, la galerie Derouillon accueillait pour sa première exposition en France l’artiste américain Cali Thornill DeWitt. Avant même d’avoir passé la porte, les grandes affiches de l’artiste s’imposent clairement, visible de l’extérieur. Cali Thornill DeWitt est un artiste en marge. Loin de l’effervescence new-yorkaise, c’est à Los Angeles qu’il s’installe et débute son expression artistique. Son travail plastique est en lien étroit avec les affiches publicitaires qui jonchent les rues : ses œuvres sont la plupart du temps composées d’une image (photographie) et d’une phrase. Mais ces phrases-là sont davantage semblables à des slogans, des phrases « chocs » qui tendent vers le politique. Puisque c’est, selon Cali Thornill DeWitt, l’importance d’une démarche artistique : son engagement. En titrant cette exposition française « SEX COMEDY », l’artiste explique que « les tragédies que rencontre le genre humain tournent autour du sexe. » C’est donc avec une certaine ironie que l’artiste nomme cette comédie sexuelle, qui à la première vue des affiches, ne semble pas très éloquente.

Sur un premier mur est affichée la série des Signs. Des plaques faites de plastiques et de vinyle d’un format poster sont accolées les unes aux autres, sur plusieurs rangées. Chacun de ces signs est composé d’une phrase en lettres capitales telle que « Public Shaming » qui encadre une photographie de rose au traitement publicitaire. Ses compositions brutales apparaissent telles les messages préventifs imprimés sur les paquets de cigarettes, mais chez l’artiste, elles sont teintées de revendications. Les messages et les images ne sont pas des réponses des uns vers les autres, ils créent un discours en décalage avec les normes publicitaires.

Cali Thornhill Dewitt, Signs, 2015,Vinyl sur plastique ondulé, 61x 46 cm

Cali Thornhill Dewitt, Signs, 2015, Vinyl sur plastique ondulé, 61x 46 cm

Faisant face aux Signs, deux grandes grandes cibles se dressent sur un mur, réalisées à partir de drapeaux des États-Unis. Sur leurs centres sont appliquées des messages : l’un reprend le titre de l’exposition, sur l’autre on peut lire « Man leaps to his death ». Ces deux messages à la typographie gothique sont collés sur les drapeaux dans une technique de flocage qui renvoie aux codes vestimentaires. Cali Thornhill Dewitt avait déjà intégré cette technique dans une installation nommée 24 Hour Fantasy Reality dans laquelle des vêtements suspendus reprenaient le même procédé de flocage. Dans cette installation, le message est voué à donner le sens de l’image. L’emploi du drapeau patriotique est mis à mal pour en faire ressortir un message subversif. De ce fait, l’artiste crée un dialogue critique entre la nation et le peuple.

Entre ces deux œuvres, se trouve l’imposant People are the problem avec lequel un lien s’opère avec les Signs par la reprise de la même technique. Une série d’affiches représentant la même explosion atomique révèle un message People are the problem. Le message est bien plus imposant que dans chacune des autres œuvres, ici l’artiste emploie une image liée à l’histoire de civilisations pour en proposer un message à sens unique. Sans aucun espoir, l’artiste place le spectateur face aux problématiques du monde, sans détour et sans politesse.

Cali Thornhill Dewitt, People are the problem, 2015, Vinyl sur plastique ondulé, 28 panneaux de 61x 46 cm.

Cali Thornhill Dewitt, People are the problem, 2015, Vinyl sur plastique ondulé, 28 panneaux de 61x 46 cm.

Plus loin, dans un espace plus étroit, des images de fleurs sont obstruées par le mot Vanish et fait lien avec les messages précédemment exposés. Le propos de Cali Thornhill Dewitt apparaît alors comme une voie sans issue. En utilisant la répétition, l’artiste nous place au centre d’un raisonnement qui n’a de sens que s’il est amplifié, réitéré, manifeste.

Dans un premier temps, nous faisons face à des messages auxquels nous sommes habitués dans l’espace public, les codes publicitaires alarmistes qui sont mis en place ici pour provoquer un certain écœurement. La recherche esthétique est absente, l’important est de mettre en garde. Puis le drapeau de l’État-nation est doublé, son sens s’inverse et son utilité aussi : s’il prend la forme d’une cible, c’est pour qu’on tire dessus. Enfin, les images qui représentent les tragédies humaines de guerres ne sont pas là pour tirer du spectateur une quelconque émotion, mais bien pour nous mettre face à nos problèmes.

Cali Thornhill Dewitt n’épargne personne. Son message est clair, nous sommes pris au piège de nos désirs, autant dans ces quatre murs. L’espace qu’il crée dans la galerie n’est pas occupé pour donner à voir au spectateur une allégorie de notre société, mais pour montrer la réalité d’un système par le réemploi des mêmes codes.

Marie Bonhomme

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