Kenneth Morehouse : Le temps passe, les couleurs restent

Le travail de Kenneth Morehouse se lit comme une œuvre aux multiples formes d’apparitions dans laquelle chaque pièce fait écho à une seconde. Il crée des œuvres qui cherchent à provoquer une tension entre le naturel et l’artificiel.

Se dit d’artificiel ce qui est dû à l’art, qui est fabriqué de toute pièce, qui imite la nature.

Kenneth Morehouse s’applique à confronter le naturel à l’artificiel via divers média et à travers différents questionnements. Comment représenter un élément naturel de façon artificielle ? Zebra Window est une vidéo qui laisse apparaître la forme d’une banane dans des tonalités de gris. L’artiste imite ici numériquement un élément naturel. La forme une fois créée, il cherche à faire apparaître la couleur par des flashs de couleur gris plus ou moins rapides qui donnent la sensation du jaune. Le sensoriel joue une part extrêmement importante, car s’il joue des matérialités et des couleurs, K. Morehouse joue de notre perception — qu’est-ce qui fait que c’est une banane ? Sa forme, sa couleur : des qualités attribuées à un objet associées à un nom. Là où la tension entre le « vrai » et le « faux » est augmentée est dans le rapport que cette vidéo entretient avec la vraie banane exposée à côté de l’ordinateur qui présente la vidéo. La banane perd son utilité première, présentée sur une planche sur laquelle son contour s’harmonise, elle répond à la banane artificielle.

Ses œuvres se regardent, se considèrent par leur inscription dans le temps. L’œuvre se lit par l’acception du temps qui passe, par un élément qui s’active, lorsque l’œuvre se déclenche, ou bien une ligne apparaît. À ce moment-là, l’astuce, le processus et le propos de l’œuvre deviennent évidents. Kenneth Morehouse s’applique à toujours proposer un élément qui est pour lui révélateur, déclencheur d’une perception du temps lorsque nous regardons ses œuvres. C’est-à-dire qu’au sein de ses œuvres les temporalités sont brouillées, mêlées et confrontées.

L’extrême artificialité et le jeu qu’il met en place par le biais des matières et des couleurs donnent à croire que le temps est stoppé pendant un court instant. Ce qui reste c’est cette perception du non naturel et qui ne peut être daté précisément.

Lorsqu’il s’agit de comprendre ce rapport esthétique entretenu avec l’artificiel, K. Morehouse évoque le film 2001 L’Odysée de l’espace dans lequel les singes ont une réaction extrême lorsqu’ils découvrent une forme extra-naturelle, un objet parfait pré-humain. Nous retrouvons dans son travail la recherche de cette sensation étrange que procure un objet dont la matière extrêmement polie est impressionnante d’artificialité, ou encore un objet dont diverses temporalités sont lissées et mises au même niveau.

Queenie Tassell

Stanley Kubrick, 2001 L’Odyssée de l’espace, Capture d’écran, 1968

Stanley Kubrick, 2001 L’Odyssée de l’espace, Capture d’écran, 1968

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