Raphaël Barontini : point de rencontre entre passé et présent, rêve et réalité.

Vue de l’installation duo avec Mike Ladd, Sambodrome (commisariat Mathieu Buard) – avril 2012 © Raphaël Barontini

Vue de l’installation duo avec Mike Ladd, Sambodrome (commisariat Mathieu Buard) – avril 2012 © Raphaël Barontini

À travers une référence continue à l’histoire de l’art et à l’histoire de la peinture, Raphaël Barontini met au centre de ses œuvres la figure (humaine ou hybride) en la proposant au spectateur à travers un langage « classique », mais en même temps, totalement revisité et mélangé avec la contemporanéité.

Son travail de peintre est multiple : il fait clairement référence aux grands maîtres du passé comme Goya, Velázquez et Hyacinthe Rigaud, qu’il cherche à intégrer d’une manière assez frontale dans ses œuvres en jouant, en même temps, sur les symboliques propres à l’histoire de l’art. Il ne faut pas sous-estimer l’élément fantastique et surréel qui revient constamment dans toutes ses compositions. Cet aspect surgit soit dans les peintures, soit dans les pièces sur papier, avec des références claires aux grands mouvements historiques d’avant-garde tels que le Surréalisme et Dada. Il est dans ce sens, assez récurrent de trouver chez Barontini, l’idée d’unir des éléments différents en laissant au spectateur une interprétation libre et essentielle de la composition. Dans ses œuvres, l’artiste est capable de mélanger traditions et nouvelles technologies en embrassant, en partie, les idéaux propres à l’Afro-futurisme, mouvement méconnu en France, mais vivement présent aux États-Unis. Ce mouvement, développé surtout dans le champ musical, croise traditions ancestrales africaines ou des Caraïbes avec les nouvelles technologies.

La pluralité de techniques que Raphaël Barontini adopte dans l’exécution de ses œuvres est le vrai dénominateur commun de son langage pictural. En effet, à travers le digital, la peinture, les différents techniques d’encrage et la sérigraphie, il donne vie à des illustrations idéalisées et hybrides, qui peuvent sembler étrangères entre elles, mais qui, agglomérées, racontent une nouvelle histoire.

Vue de l'installation duo avec Mike Ladd, Sambodrome (commissariat Mathieu Buard) – avril 2012 © Raphaël Barontini

Vue de l’installation duo avec Mike Ladd, Sambodrome (commissariat Mathieu Buard) – avril 2012 © Raphaël Barontini

 

Très proches du collage, ses peintures se construisent par une addition d’éléments et de techniques qui, dans l’espace pictural, créent des images composites. Sur ses toiles, l’Est rencontre l’Ouest, la réalité se mélange à la fantaisie, le passé découvre l’avenir.

Ses références proviennent d’Europe, des Caraïbes, d’Afrique de l’Ouest et de l’Amérique. Ce qui lie ces zones géographiques dans son travail est le fruit d’une réflexion postcoloniale, créole, liée à la question du métissage. En ce qui concerne la question du mélange et la question du métissage, l’artiste fait référence à Édouard Glissant, fondateur des concepts de « créolisation » (« métissage qui produit de l’imprévisible ») et d’ « antillanité ». Le travail de Raphaël Barontini est fortement lié à ces concepts et surtout à son histoire personnelle, lui-même étant issu d’une famille très métissée : « J’essaye de rendre concret cette pensée par une sorte de traduction plastique, par le collage, l’addition, je cherche à lier des iconographies et des références qui viennent de cultures et d’époques complètement différentes, pour créer quelque chose de surprenant et de nouveau, sans perdre ce lien avec l’histoire ».

Raphaël Barontini, Marie Antoinette n°2, 2007, technique mixte sur toile, 34 x 21 cm © Raphaël Barontini

Raphaël Barontini, Marie Antoinette n°2, 2007, technique mixte sur toile, 34 x 21 cm © Raphaël Barontini

Raphaël Barontini, Marie Antoinette, 2007, technique mixte sur toile, 195 x 130 cm © Raphaël Barontini

Raphaël Barontini, Marie Antoinette, 2007, technique mixte sur toile, 195 x 130 cm © Raphaël Barontini

La peinture de Raphaël Barontini naît en 2007 avec la réalisation de la série Portraits de cour, où l’artiste déroule l’idée de créolisation et élabore le problème multiculturel, mondial et ethnographique.  La série est une forme revisitée contemporaine du portrait royal du 17-18e siècle, où la vraie identité des personnages historiques est remplacée par des visages anonymes qui appartiennent à la contemporanéité.  Un exemple clair dans ce sens est la peinture Roi Soleil où l’identité du Roi Louis XIV, passé à l’histoire comme « Roi Soleil », est remplacée par celle d’un personnage d’origine africaine que nous pouvons considérer à tous effets comme le vrai « Roi DU Soleil ». La notion de carnavalesque est évidente : dans ce sens où les rôles et les hiérarchies sociales sont  bousculés.

Raphaël Barontini, Roi Soleil, 2007, technique mixte sur toile, 195 x 130 cm © Raphaël Barontini

Raphaël Barontini, Roi Soleil, 2007, technique mixte sur toile, 195 x 130 cm © Raphaël Barontini

Très important est le lien qui existe entre cette série de peintures et la ville de Saint-Denis où Raphaël Barontini a grandi et où il travaille. La ville est plongée dans l’histoire de France : dans sa basilique reposent les grands rois de France. L’artiste joue alors sur les symboles, sur la représentation du pouvoir et sur l’existence d’une nouvelle identité française, où la créolisation ne doit plus représenter un scandale, mais une valeur ajoutée.

Avec la série Célébration réalisée en 2012, Barontini offre un nouveau statut à la peinture, interrogeant les limites du support. L’artiste analyse ce qu’il se passe quand on enlève le châssis de la toile et qu’on la transforme en bannière.  La forme arrondie suggère au spectateur l’idée que l’art peut sortir des endroits qui lui sont typiquement consacrés, et qu’il peut être brandi et transporté dans les rues. Ses sources d’inspiration sont les bannières des écoles de samba brésiliennes, des processions chrétiennes religieuses et les bannières vaudou haïtiennes, qui demeurent  très différentes entre elles, mais dont le dénominateur commun est l’idée de groupe, d’union et de communauté.

Raphaël Barontini, Série Célébration, Sans titre, 2012, technique mixte sur toile, 210 x 150cm © Raphaël Barontini

Raphaël Barontini, Série Célébration, Sans titre, 2012, technique mixte sur toile, 210 x 150cm © Raphaël Barontini

Raphaël Barontini, Série Célébration, Sans titre, 2011, technique mixte sur toile, 210 x 150cm © Raphaël Barontini

Raphaël Barontini, Série Célébration, Sans titre, 2011, technique mixte sur toile, 210 x 150cm © Raphaël Barontini

Les références à la cour sont présentes aussi dans la série de photographies qu’il a réalisée en Haïti en 2013 : The Guards. L’hommage de Barontini à la République « noire » d’Haïti se traduit dans la création d’une cour royale imaginaire. L’iconographie du pouvoir marque aussi la série des natures mortes et des installations où les mises en scène prévoient toujours des objets évoquant la puissance et des objets qui font référence aux rituels religieux vaudou. Tout ceci dans des cadres très ornementaux, folkloriques et carnavalesques.

 

Raphaël Barontini, Saccades, 2014, technique mixte © Raphaël Barontini

Raphaël Barontini, Saccades, 2014, technique mixte © Raphaël Barontini

L’imagerie du carnaval est directement liée à la série Colosses, tableaux en demi-buste de figures hybrides, à moitié humaine et à moitié animale. Il utilise également comme source d’inspiration les « géants » appelés Wacha-wacha, que l’on retrouve dans le carnaval de la Guadeloupe, qui défilent en groupe avec des fouets et qui sont souvent coiffés de cornes. L’artiste contemple les masques, les coutumes, les sujets de ces fêtes populaires, pour les réintroduire hors de leurs contextes originaux.

Raphaël Barontini, Série Colosses, Wacha wacha , 2011, technique mixte sur toile, 250 x 180cm © Raphaël Barontini

Raphaël Barontini, Série Colosses, Wacha wacha , 2011, technique mixte sur toile, 250 x 180cm © Raphaël Barontini

La peinture de Barontini est  constamment en évolution, l’artiste expérimente et joue avec de nouveaux types de supports pour donner à la peinture un nouveau statut. Nous pourrons constater cela à l’occasion du 60e  Salon de Montrouge. L’artiste présentera de nouvelles pièces sous la forme d’une installation « parade » : l’union des peintures sur bois de grands formats, qui fait penser à des « peintures-pancartes » et des sérigraphies sur tissus, qui seront comme des « drapeaux-banderoles », contribueront à l’idée et à la possibilité de transporter l’art dans l’espace urbain.

Valentina Alessia Parisio

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