Entretien avec Lola B. Deswarte – « À la fois une vieille femme, et à la fois une enfant »

Lola B. Deswarte est née en 1976, elle vit et travaille à Paris. Sa formation va de la vidéo 3D aux langue et civilisation inuites, en passant par la Broderie. C’est une artiste pluridisciplinaire, dans le sens où elle répond à ses idées le plus pertinemment possible ; tant de par ses connaissances que dans ses travaux. Dotée d’un imaginaire riche, elle puise son inspiration dans son autobiographie.

 

LBDunNuageBlack-web2Lola B. Deswarte, Un nuage, 2011, Tirage lambda 80×57 cm –

Photo en collaboration avec Pierre Grosbois @Lola B. Deswarte.

 

Pourquoi, selon vous, avez vous été retenue au salon de Montrouge 2015 ? Quelles œuvres allez-vous proposer aux visiteurs ?

J’ai une vision un peu forestière du milieu de l’art et notamment des artistes vivants. Je considère qu’il y a comme un humus de création et que quand il y en a un qui pousse, c’est qu’il était au bon endroit, au bon moment, mais pas le meilleur. En fait, il y a un besoin, celui d’avoir des gens qui fassent plein de choses. C’est vraiment comme dans la forêt, il y a des glands qui pourrissent et les autres qui poussent, on ne sait pas trop pourquoi.

Ekimetrics qui s’occupe de faire de la veille technologique et de proposer des solutions numériques contemporaines avec internet et les nouveaux médias est partenaire du salon de Montrouge. Ils ont proposé des bourses au projet. Il y en avait cinq et j’en ai obtenu une. Alors je suis dans l’espace Ekimetrics qui se trouve être au milieu du salon. Matali Crasset a dessiné un espace spécial pour Ekimetrics – comme je n’ai rien à mettre au mur, ce ne sont que des volumes à mettre au milieu – je me retrouve au milieu du milieu. Je vais présenter un triptyque d’objets, il y a deux sculptures et une vidéo.

Votre univers semble assez riche, on y trouve des références à la culture inuite et d’autres plus personnelles. Où puisez-vous votre inspiration ?

La plupart des œuvres sont des intuitions liées à mon autobiographie. La plupart des choses que je fais c’est dans une démarche de soin. Soit de moi, soit d’autrui. C’est souvent proche de l’ex-voto. C’est surtout soit des soins superstitieux, soit de l’analyse. Mais ça part toujours de l’intuition. Pour les références inuites, j’étais amoureuse d’un chasseur de phoques, il y a des années. Et en imaginant pouvoir le suivre un jour sur la banquise, j’ai appris pendant quatre ans la langue et la civilisation inuites. Il se trouve que le chasseur est parti loin, mais pour moi ça a été une expérience très riche.

Votre travail est très dense. Vos techniques sont empreintes d’une certaine hétérogénéité qui va des nouveaux médias à la broderie. Techniques qui demandent à plus forte raison un savoir-faire. Pourrait-on dire que c’est par souci de coller au mieux à chacune de vos idées ?

Oui. J’ai un parcours professionnel large. Parce qu’à chaque fois que j’avais un projet, je me suis débrouillée pour avoir la formation qui va avec, et j’ai souvent utilisé cette formation pour en vivre. J’ai commencé par être étalonneuse numérique et faire du cinéma dans des studios de post-production parce que j’avais réalisé un film en super 8, j’avais besoin de l’étalonner et de faire du télécinéma. J’ai besoin de comprendre comment ça marche. Ensuite j’ai commencé un gros projet en broderie qui était le portrait de ma grand-mère à échelle 1, à l’aiguille. J’avais déjà brodé un peu, mais pas plus. J’ai commencé au tambour, un petit tambour de vingt centimètres et quand je me suis rendu compte qu’il fallait passer sur un format plus grand, je me suis inscrite à des cours de broderie pour savoir monter le métier. J’ai donc fait un an de cours de broderie. Là j’ai appris à poser des perles, crocheter une aiguille etc., ce qui ne m’a finalement pas aidé pour mon portrait, mais m’a amené par la suite à travailler chez Jean-Paul Gautier. À chaque fois, j’essaye d’utiliser les choses sur lesquelles je me suis formée. En vidéo c’est pareil, j’ai fait une formation en 3D aux Gobelins, à l’origine pour un projet personnel qui était le film « Sans ciel ni mer ». Maintenant je travaille en 3D à la télévision parce que j’ai fait cette formation et il faut bien l’utiliser.

Votre formation en vidéo est-elle déterminante dans la façon dont vous abordez vos projets ?

Je m’éloigne de plus en plus de la vidéo. C’était ce que je faisais essentiellement il y a quelques années, maintenant j’aime faire du volume. Je suis passée de la vidéo à quelque chose de numérique non linéaire, qui étaient déjà des choses sur lesquelles je travaillais à l’école, pour mon diplôme. Je travaillais sur des vidéos non linaires qui étaient plus proches du design web – pas comme on l’entend aujourd’hui –, mais du design de circulation, d’interface… des problématiques de représentation du monde qu’apportaient les nouveaux médias. Progressivement, j’y retourne. Après la vidéo peut-être, tout et n’importe quoi.

Votre œuvre « Qui est ce nuage ? » a beaucoup été théorisée, il s’agit d’une œuvre numérique comportementale. Pouvez-vous nous expliquer en quoi ça consiste ?

C’est compliqué parce que j’ai beaucoup écrit en amont sur l’idée de ce que ça devait être et donc beaucoup de choses ont accroché sur l’écrit. Ce que j’ai présenté, j’ai dû le réécrire en anglais et faire une collaboration pour le soumettre comme un article scientifique à Laval Virtuel en 2012. Mon projet a été retenu comme projet « créativo-numérico-scientifique » parce qu’effectivement il y a des pistes intéressantes sur l’existence des êtres numériques et le rapport à la mort des humains. C’est ce qui m’intéresse dans ce projet. Sauf qu’une fois avoir été à Laval Virtuel, avoir obtenu toutes les bourses demandées sur un projet écrit, il a fallu passer à la fabrication. Là c’était un enfer, parce que j’ai fait trois fois le projet, j’ai travaillé trois fois avec des équipes de programmeurs.

La difficulté des financements c’est que quand on est financé, on peut travailler avec des jeunes qui ne comprennent pas forcément ce qu’on leur demande. C’est une question de maturité, de curiosité ou d’univers créatif. C’est compliqué.

Par la suite je l’ai refait avec une autre équipe, sur un logiciel qui paraissait assez simple, qui était à la mode à l’époque qui s’appelait Processing. Par la suite on s’est aperçu que processing n’était pas à la hauteur, d’un point de vue comportemental et d’entrées de signals. Ainsi que pour la météo, parce que c’est un dispositif qui est relié à la fois aux conditions météorologiques et au comportement du visiteur. Processing ne savait pas gérer l’aspect graphique. On est allé au bout du projet et on s’est rendu compte que ça n’allait pas. À ce moment-là, les trois quarts de la bourse étaient déjà partis.

Je ne suis pas déçue parce que j’ai pu avancer sur tout ce qui était hardware, ainsi que sur la bulle. Les développeurs avec lesquels j’ai travaillé ont fait un super boulot et ont quand même fabriqué le hardware que je saurais réutiliser ; mais effectivement ce programme-là est une maquette.

J’ai ensuite recommencé avec l’École Supérieure de Génie Informatique (ESGI). On a travaillé un an sur un autre logiciel qui s’appelle Unity. Là on arrive à gérer les entrées, graphiquement c’est plus intéressant, mais ça demande énormément de temps de travail, l’année étant terminée je me retrouve avec un demi-projet. Maintenant, je peux faire une formation Unity pour le faire moi-même, encore une fois. Mais je pense que même en apprenant Unity, je ne serais pas au niveau. J’attends le moment propice pour m’y remettre et quand même essayer de sortir la pièce.

J’ai mis dix ans à faire mon film précédent, « Sans Ciel ni Mer ». Ça ne fait que cinq ans que je travaille « Qui est ce nuage ? », il reste du temps. Il y aura certainement des avancés technologiques qui nous permettrons d’être plus proches du projet d’origine. En cinq ans, c’est compliqué de ne pas se faire entrainer dans des choses qui sont de l’ordre de la mode. On fabrique ce que le logiciel veut bien nous faire fabriquer et en même temps il faut quand même arriver à déterminer le bon outil pour le bon projet. Les œuvres numériques sont compliquées parce que c’est souvent déceptif. Arriver à ce que le public comprennent vraiment les enjeux, c’est quelque chose que j’ai rarement vu. Ça reste le problème des œuvres numériques. Mais les textes produits à l’occasion de ce genre de projets sont très intéressants.

Cette œuvre demande la participation du spectateur, son interaction. La temporalité et le hasard influent-il votre manière de créer ?

La temporalité oui c’est sûr, le hasard aussi certainement. Mais une fois que les projets sont conçus, une fois que je les ai dans la tête, c’est davantage la temporalité que le hasard qui joue. J’ai des projets pour vingt ans encore, je les note et les mets en ordre de ce que je peux faire. Et il y a des tailles différentes de projets : les projets au long cours comme « Qui est ce nuage », il y a des projets longs, mais plus simples comme les tapisseries que je réalise en ce moment. Elles seront exposées cet été au monastère Royal de Brou dans une exposition qui s’appelle « À l’Ombre d’Éros » avec un très bon casting. Il y a des gens que j’ai rencontrés avec qui je me sens proche au niveau de la famille créative. Ce sont des projets moins compliqués technologiquement, mais qui prennent leur temps. Mes projets de dessins peuvent me prendre entre une heure et cinq heures et sont aussi importants que les autres. C’est souvent des séries de dessins parce qu’une fois que j’ai interrompu la série je n’arrive plus à la reprendre. Quand c’est fini, c’est fini.

La présentation est faite sur le site du salon de Montrouge vous qualifie de « jeune femme actuelle » et votre travail de « naturellement féminin, au sens où les techniques, l’émotion, les sentiments, les sensations relèvent du caractère spécifique de son sexe ».

Oui ça m’a fait beaucoup rire. C’est Michel Poitevin qui a écrit mon texte et effectivement c’est ce qu’il a écrit. C’était très marrant parce qu’on comprend ce qu’il y voit. C’est vrai qu’en voyant les textes que j’avais écrits pour l’exposition de Bruxelles l’an dernier, c’est moi qui me suis mise dans cette position. Et ça devient un carcan immédiatement. Je n’y peux rien si je suis taxée de féministe. D’une certaine manière je ne le renie absolument pas, c’est sa manière à lui de l’écrire, moi je l’aurais dit autrement. C’est le jeu, c’est la vision de quelqu’un qui fait son travail. C’est plus interrogatif qu’affirmatif, parce que la forme humaine pour moi est très peu assurée. Qu’on soit déjà des quadrupèdes j’en doute, alors après, tout ce qui relève du féminin/masculin, c’est une autre histoire.

Peut-on qualifier votre travail de « féministe », dans le sens où il vise à étendre le rôle et les droits des femmes ?

Que ce soit important d’être attentif, voire un petit peu combatif sur le rôle de la femme dans notre monde, pas besoin d’être artiste pour s’en rendre compte. Le fait qu’il manque soixante-sept millions de femmes sur cette planète est quelque chose qui me rend folle furieuse. Le rôle qu’on fait porter aux femmes en leur disant « vous êtes bien contentes d’avoir un travail, un salaire ». En vérité, les femmes ont cessé d’être salariées au 19e siècle parce qu’on avait les colonies et qu’on est allé exploiter des gens encore plus pauvres et encore plus faibles que les autres. Mais ça, c’est de l’ordre de la vie, ce n’est pas forcément de l’ordre de l’art et quand je suis à l’atelier les choses sont beaucoup plus mixées avec l’ensemble du monde, de la nature, des animaux, du féminin du masculin. Après effectivement je suis féministe agressive dans la vie assez régulièrement. Mais il y a beaucoup de mensonges sur la place de la femme et je pense très clairement que la domination masculine est une usurpation absolument scandaleuse. Et même eux, ils n’en ont pas envie finalement.

Il ressort de vos œuvres quelque chose de très féminin et délicat. Certaines font directement penser à des artistes femmes de renom comme Sophie Calle ou Louise Bourgeois. Je pense notamment à la série réalisée au lavis. Est-ce volontaire ?

Sophie Calle, je connais peu. Je connais son œuvre, il y a plein de choses que j’ai vu récemment où je vois bien que c’est elle, mais je ne dirais pas que c’est de l’ordre de ma famille artistique. En revanche, Louise Bourgeois est très clairement quelqu’un que j’admire et qui m’inspire, c’est simple je l’appelle ma mère-muse. Pour moi c’est une mère de remplacement. D’ailleurs j’ai décidé ça au moment où elle est morte, comme ça c’est plus pratique, elle m’embête moins. C’est absolument une mère de remplacement.

Cette préciosité amène à faire un parallèle avec une sorte de cabinet de curiosité, où les monstres – tel celui de Frankenstein – où les parties du corps, les os, les fourrures, etc. se retrouvent. Qu’en pensez-vous ?

Oui, il se trouve que c’est la deuxième fois que je montre des pièces dans un cabinet de curiosité dans la galerie da-end donc il doit y avoir une part juste. Mais ce n’est absolument pas une question que je me pose. Je m’intéresse davantage à la forme. À vrai dire je n’ai jamais eu d’assurance quant à la forme de mon corps. Je ne me connais pas et je me découvre chaque jour, comment ça fonctionne. Je pense même qu’on en a réduit les potentiels, avec plein de choses de l’ordre de la civilisation, des conventions sociales. Après que ça rentre dans des cabinets de curiosités parce qu’il y a trop de mains, pas assez de pieds ou que les cheveux ne sont pas au bon endroit, oui sans doute. Ce n’est pas un univers qui me nourrit habituellement.

Peut-on faire un parallèle entre ces dessins de « monstres » et la présence masculine ? Je pense notamment aux corps-pénis ou à  votre « l’homme idéal », qui n’est autre qu’une araignée.

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Lola B. Deswarte, Spiderman, 2012, 180cm x 110cms,

Série de dessins au lavis, taille humaine.@Lola B. Deswarte.

 

Oui j’aimais bien pour mes Spidermen me rapporter à l’idée des araignées de Louise Bourgeois, qui sont une figure de la mère. En psychanalyse, l’araignée est une figure maternelle. En même temps, Spiderman est le super héros de base. Effectivement ils n’ont pas de sexe, ils ont juste huit pattes. Oui, je préfèrerais que les hommes aient plus de bras et moins de têtes.

Dans la série « Les Étendues », vous utilisez des robes vous ayant appartenu étant petite. Avez-vous l’impression de vous mettre en scène ? À l’image de Boltanski, peut-on parler de mythologie personnelle dans votre travail ?

Oui. C’est souvent autobiographique. Par exemple Idle, l’automate que je vais présenter à Montrouge, est une composition de mes pulls quand j’étais petite, que je portais, et qui grattaient. Il y en a que ma grand-mère a faits, il y en a d’autres que l’on avait trouvés aux Emmaüs, notamment ceux avec les boutons dorés, des kilts rouges ou vert forêt. C’est écrit sur cette sculpture qui est animée, une espèce d’être qui bouge à peine, absolument inutile et posé là. Il n’y a pas de raison qu’il existe moins que les autres. Tout est autobiographique. D’ailleurs, l’autre sculpture que je vais montrer s’appelle « L’Infante », c’est une sculpture que j’avais en tête de longue date, faite à partir de la couette que j’ai toujours eue, même étant enfant. Là je m’en débarrasse enfin en la découpant pour en faire une sculpture, c’est une Ménine. Je me suis inspirée des robes de Velázquez de l’infante pour faire cette robe-là. Elle n’est pas identique, je l’ai un peu transformée. Les Ménines, c’était mon premier livre étant enfant, je les ai épluchées, épluchées, et m’y suis pas mal identifiée aussi. J’y suis d’autant plus attachée que ce sera une sculpture. Il y a pas mal d’objets dont je ne peux pas me débarrasser et que je transforme en objet dont je ne me débarrasserais pas, ou alors en objets qui circulent.

Vous semblez osciller entre passé et futur. L’enfant, la femme, la mère, la grand-mère, pourquoi vous semble-t-il important de traiter toutes ces facettes ?

Parce que c’est sans doute des problématiques qui sont dans ma vie, qui ont été très mises au premier plan. Le rapport entre les femmes dans ma famille est absolument étonnant. Et en même temps, l’une de mes grands-mères m’a toujours dit depuis l’enfance que j’étais une « vieille âme », et je crois que c’est vrai, je crois que je suis vieille depuis très longtemps et c’est cette identité qui a toujours été là : d’être à la fois une vieille femme et à la fois une enfant. J’ai plus de mal avec la période intermédiaire à vrai dire.

La mort a aussi une part très importante dans votre travail, celle de vos grands-parents notamment – dans l’œuvre L’au-delà vous réalisez l’épitaphe de votre « Baba », votre grand-mère ; dans L’homme du Bious, il s’agit de photographies des cendres de votre grand-père, dispersées dans un ruisseau dans la haute vallée des Pyrénées – où il a passé son enfance. La mort vous fait elle peur ?

Travailler avec le souvenir et le mortuaire m’intéresse énormément, avec les nouveaux médias, mais non, la mort ne me fait pas peur. C’est la souffrance qui fait peur, et encore la souffrance je crois que je n’en ai plus peur. Et puis la peur n’écarte pas le danger. Non, j’aime beaucoup ce que créée la mort comme vie. J’aime beaucoup les transformations. J’ai vraiment dans l’idée que chaque image que l’on perçoit est forcément de l’humain. Parce qu’on a pas mal d’eau en nous et que cette eau circule. Il n’y a pas une goutte dans l’océan qui n’a pas transité dans un animal et donc à fortiori un être humain. C’est quand même la réincarnation que la matière des uns devienne la matière des autres, à tous les niveaux de la vie. N’importe quel végétal a consommé de l’humain. Et c’est normal, et j’aime bien cela. C’est vrai que parfois ça me stresse un peu, parce que j’ai besoin de terminer pas mal de projets avant de disparaître. Mais ça fait partie du jeu. Après c’est le temps qui est précieux, ce n’est pas forcément de vivre ou pas.

Je perçois un point commun entre toute votre œuvre : ce côté organique, des croissances, des mutations, des évolutions – qui se retrouve être le sujet de l’exposition collective dont vous faites partie à la Galerie Da-End. Jouez-vous à Dieu par l’intermédiaire de la création ?

Jouer à Dieu j’ai souvent vu ça chez les programmeurs. Ils sont souvent assez fous, ils créent le monde, ils l’écrivent, et d’une certaine manière c’est vrai, parce qu’on peut vraiment coder le hasard. Dans les productions, je ne programme absolument pas et je n’ai certainement pas le niveau pour le faire. J’essaye de placer la création dans l’existence, mais pas dans la perception des humains. J’essaye plutôt de me placer dans une humanité qui aurait des perceptions plus larges que l’essence que l’on veut bien nous autoriser à utiliser. « Dieu », certains appellent ça comme ça. C’est même parfois plus une bagarre, il faut être au point avec les éléments.

Il y a des moments c’est absolument impossible d’avancer, ne serait-ce qu’un rang de perles. Il y a des moments tout est contre, ce n’est juste pas possible : le fil casse, la perle n’est pas la bonne. Il y a des moments où il ne faut pas pousser si ça ne passe pas. En dessin c’est la même chose, ça reste à chaque fois un vrai combat. On me demandait comment je faisais les Spidermen, en fait il faut que les dessins soient déjà là pour que je commence à le faire. Ma feuille est là plusieurs jours, il faut que j’attende que la figure soit présente. Pour pouvoir la mettre en mot, avec l’encre, etc. Et ça, c’est vrai pour tous les dessins.

Dans la vidéo d’introduction du salon de Montrouge, vous dites vouloir “Changer la forme de l’humain” : s’agit-il de sa manière de penser, son corps, son histoire ?

Je ne sais pas, c’est empirique. Oui j’ai dit ça, effectivement ça m’habite assez souvent. On dit, et comme c’est scientifique c’est entendu plus ou moins, que les pianistes ont dix doigts et que les autres en ont trois. Et c’est vrai. C’est la question de la représentation mentale du corps. Il y a aussi cette histoire de membre fantôme qui résiste une fois qu’on a été amputé et je pense qu’on est tous amputés de beaucoup plus de membres que ce qu’on croit. N’est pas cul-de-jatte qui croit !

 

Propos recueillis par Lou Daza

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