Koons ou l’ambivalence du discours

A première vue, la rétrospective Jeff Koons, au Centre Pompidou (26 Novembre 2014 – 27 Avril 2015), est attractive. Un parc peut être. Des attractions, de la lumière, d’immenses bibelots, du basketball en aquarium, une langouste gonflable suspendue, et l’aspirateur sacralisé.

Donc exposition colorée et divertissante. 

La rétrospective est réussie car on a un bel aperçu de sa carrière et on comprend assez clairement les sujets que l’artiste aborde. On se retrouve face à des peintures et sculptures parfois monumentales, conçues grâce à l’usage de matériaux traditionnels, bronze, acier inoxydable, porcelaine et de technologies de pointe.

Vue de l'exposition

Vue de l’exposition

Qui dit rétrospective dit exhaustivité : on a bien devant nous l’entièreté, ou du moins ce qu’on a bien voulu nous montrer, de la « démarche » de l’artiste. 

D’un œil observateur, il est simple de remarquer combien Koons, en tant qu’artiste, est absent de ses œuvres. Un grand merci aux assistants spécialisés ! Il semble que l’artiste soit devenu chez Koons un guide, un évangéliste de la belle banalité, le prêcheur d’une nouvelle esthétique contemporaine.

L’ambivalence règne ainsi sur la rétrospective.

D’une part, Koons dit mais ne fait pas. C’est un fait. Koons n’est pas le réalisateur de ses structures gonflables et reproductions modernes. Rappelons alors ce personnage de théâtre nommé Hamlet qui, lui aussi, perdu dans un monde dépravé, n’arrive pas à venger son père. Coupé des problématiques de notre époque, mais tout de même influent, Koons semble être cet Hamlet contemporain qui parle beaucoup de son monde, mais n’en fait rien, ou du moins pas grand chose.

Autrement dit, il y a chez Koons une impossibilité d’agir, une forme de mélancolie publicitaire latente. Bref, Koons semble se complaire dans son discours sur la nécessité de l’art. Mais il serait comme un acteur qui dirait juste les mots de Shakespeare, sans en faire l’expérience humaine. Koons est lyrique, plein de style, et ses mains sont propres. Entrepreneur plus qu’artiste ?

L’œuvre et sa consommation. L’œuvre. La consommation. 

Dans cette exposition dédiée à Jeff Koons, tout appartient à l’univers de la consommation de masse, qu’on connaît déjà plutôt bien, du kitsch et du bling bling comme un de ces vernissages de haut vol, où les bulles du champagne riment avec l’absence de propos de l’artiste. Car il semble être question de gazeux, du moins de bulles, chez Koons : sculptures gonflables, InflatablesBalloon Dogs, canots de sauvetage, langouste, ballons de baskets, Gazing Balls

High chromium stainless steel with transparent color coating  307.3 x 363.2 x 114.3 cm  Version Magenta

Balloon Dog, High chromium stainless steel with transparent color coating
307.3 x 363.2 x 114.3 cm
Version Magenta

1985, Verre, acier, chlorure de sodium réactif, eau distillée et 3 ballons de basket

Three Ball Total Equilibrium Tank (Dr. J. Silver Series) 1985,
Verre, acier, chlorure de sodium réactif, eau distillée et 3 ballons de basket

Gazing Ball (Farnese Hercules), 2013, Plâtre et verre

Gazing Ball (Farnese Hercules),
2013,
Plâtre et verre

Tout cet air ne semble être là que pour remplir un manque de fond à travers toutes ces formes. Les textes affichés à l’entrée des salles nous indiquent quelques pistes de réflexions, mais ces suggestions restent bien pauvres. Koons a le désir de démocratiser l’art contemporain en banalisant des œuvres classiques majeures. C’est une idée. Il finit par nous présenter une série d’œuvres plus ou moins esthétiques, à l’apparence onéreuse, dénuées de tout caractère politique, et sans profondeur. Il semble donc être question de l’apparence pour Koons qui distingue difficilement sa responsabilité d’artiste de son désir de plaire.

Rétrospective de Jeff Koons au Centre Pompidou Paris : Que d’air !

Par Janice Szczypawka

One thought on “Koons ou l’ambivalence du discours

  1. Bien d’accord avec vous, cet artiste n’a pas grand chose à dire. Sauf qu’il est vraiment en plein dans son époque, celle de la consommation et du manque de réflexion, ce qui donne une dimension plutôt juste à sa production. Quant au fait qu’il soit assisté dans son travail, cela ne me gêne pas, de grands artistes le sont et même l’ont été.

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