L’exposition Inside au Palais de Tokyo, conçue par Jean de Loisy, Daria de Beauvais et Katell Jaffrès, est un événement de l’art contemporain dont le succès ne laisse aucun doute. Un mélange équilibré entre divertissement ludique et proposition artistique, Inside attire aussi bien les novices que les avertis. Selon son titre explicite, l’exposition donne à s’interroger sur le monde intérieur et propose aux visiteurs de se découvrir soi-même à travers des expériences différentes. Bien qu’Inside cherche à jouer avec nos perceptions et nos sens, les propositions des artistes ne mettent pas en avant l’action ou l’intervention directe dans une œuvre, mais privilégient plutôt la contemplation, même l’inaction, comme un moyen de compréhension. C’est à travers le dispositif que le visiteur se plonge dans des univers étranges et envahissants. Ainsi, la plupart d’œuvres sont des installations, imposantes ou plus discrètes ou des vidéos projetées en grand format pour créer un effet d’immersion.
Valia Fetisov, « Installation of Experience »
L’espace du Palais de Tokyo est ainsi transformé en un labyrinthe dont chaque pièce est une épreuve de force et un questionnement sur les peurs intérieurs. Dans la chambre de Valia Fetisov, le visiteur devient un rat de laboratoire, surveillé constamment par les autres et par la caméra dont l’œil rouge fait penser à HAL 9000 dans l’œuvre de Stanley Kubrick, 2001 : L’odyssée de l’espace. Les sculptures de Ryan Gander, représentent les abris d’enfance destinés à protéger du monde extérieur et des monstres cachés sous le lit.
L’exposition Inside traite la question de l’intériorité sous des angles différents en évoquant ses dimensions physique et psychologique. Le visiteur se retrouve à l’intérieur soit d’un bâtiment dévasté de Peter Buggenhout soit d’un atelier de Mark Manders, ou encore à l’intérieur d’un corps humain dans le film Da Vinci de Yuri Ancarani.
Peter Buggenhout, « Titre en attente »
L’espace mental de l’artiste et sa vision du monde, un des sujets récurrents de l’art contemporain, a bien trouvé sa place dans cette exposition. Une salle rouge d’Ataru Sato est une incarnation symbolique de ses pensées qui trouvent leur forme physique dans le dessin. La chambre, dont les murs sont couverts des dessins réalisés quotidiennement par l’artiste, devient son journal intime.
Sato Ataru, Sans titre
Certaines œuvres provoquent les sens du visiteur en mettant en question ses capacités physiques. Berdaguer & Pejus créent un espace de couleur blanche aveuglante qui le rend surréaliste, sans repères habituels. Issus de dessins réalisés dans le cadre d’un test psychologique, des arbres aux formes bizarres renforcent la dimension onirique de cette installation. Derrière l’ équivocité du terme « inside », il est question de tout à la fois, d’un moment intime de surveillance en marge de voyeurisme dans une vidéo This Nameless Spectacle de Jesper Just ou des bruits du monde souterrain, reproduits par d’anciens mineurs dans Sounds from Beneath de Mikhail Karkis & Uriel Orlow.
Berdaguer & Pejus, « E.17 Y.40 A.18 C.28 X.40 0.13,5 »
La diversité des œuvres dont chaque interprétation de l’intérieur est différente empêche une lecture facile de l’exposition et provoque parfois une certaine incohérence de son parcours. On se demande, par exemple, quelle est la place des séries de Dove Allouche qui explore l’intériorité des champignons et stalagmites. Sans couper l’espace en sections thématiques, l’exposition invite le visiteur à interpréter les œuvres selon ses propres considérations en cherchant le rapport, plus évident pour certains que pour d’autres, avec la problématique de l’exposition. Cette liberté peut susciter une certaine confusion, mais, dans le même temps, permet de prendre plaisir dans cette expérience sans prétendre à un exercice intellectuel.