Emmanuelle Lainé, « Le plaisir dans la confusion des frontières »

Le titre de cette exposition,  » Le plaisir dans la confusion des frontières  » aurait tendance à nous faire penser au dernier au dernier roman policier de Mary Higgins Clark, Le plaisir face au crime parfait. De quoi nous déclencher quelques palpitations d’excitation, surtout lorsque l’on connaît le travail de l’artiste ces dernières années. Me donnerez-vous ce qu’il faut de sang pour tremper cet acier (2013), Everytime I encouter death, I think about you (2012). Autant d’évocations au mystère, au romantisme et au lyrisme.

Vue de l'exposition "Le plaisir dans la confusion des frontières". Une pratique de la mise en scène installative

Vue de l’exposition « Le plaisir dans la confusion des frontières ». Une pratique de la mise en scène installative.

 

Cette exposition est une énigme matérialisée par une mise en scène chaotique, scrupuleusement étudiée, dont le moindre élément est un indice pour une enquête. Car nous sommes bel et bien sur une scène de crime, dans un monde où chaque visiteur peut être suspect et coupable.

Pourtant, nous ne sommes que les témoins de cette macabre affaire et nous assistons alors à un complot savamment orchestré par Emmanuelle Lainé et son acolyte André Morin ; ce dernier engagé par l’artiste en tant que spécialiste de l’élargissement de l’espace par l’illusion d’optique grâce au médium photographique. En outre, il s’agit d’un espace anachronique.

Emmanuelle Lainé remplit quant à elle l’espace de divers matériaux pseudo-organiques, de trompe-l’œil, de meubles et ready-made, de salissures et de débris. Ça jonche le sol, ça pendouille des murs, ça dégouline presque, ça sort de partout. Mais surtout ça provoque un sentiment de malaise. Car finalement, cette œuvre éveille en nous un plaisir malsain, comme une pulsion à la fois créatrice et destructrice. Celui du « plaisir dans la confusion des frontières » et d’une « réalité augmentée ».

Cette expression inventée en 1994 par Paul Milgram et Fumio Kishino sert à caractériser la combinaison d’environnements virtuels et réels. Ici, elle se définit dans le contexte d’une réalité virtuelle. C’est à dire, l’incrustation d’éléments de réalité dans un espace tangible. Comme en mathématique, la règle des nombres relatifs s’applique ici même : moins par moins, ça donne plus. En additionnant deux environnements de nature réel et distinct l’un de l’autre, on obtient une apparente illusion fictionnelle.

Devenu un art presque narratif, le résultat final fait de l’espace la construction théâtrale d’un temps arrêté ainsi que le sujet d’une fiction presque psychique.

Chez l’artiste, la volonté d’user d’éléments réels et tangibles a pour fonction de faire croire que ce que l’on voit pourrait être possible.

Sommes-nous les témoins silencieux d’un crime fantasmatique ? Sommes-nous entrés dans une faille fictionnelle ? Sommes-nous bien vivants? C’est à nous de résoudre l’énigme. Si nous le pouvons …

Marcy Petit

Emmanuelle Lainé, «Le plaisir dans la confusion des frontières»

Du mardi 25 novembre 2014 au samedi 10 janvier 2015, Fondation Ricard, 12 Rue Boissy d’Anglas, 75008 Paris.

 

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