Critiques des 11 Statements Around Art Writing

« Onze déclarations autour de l’écriture sur l’art » Co-est écrites par l’équipe d’enseignement – Maria Fusco, Michael Newman, Adrien Rifkin et Yve Lomax – MFA Art Writing at Goldsmiths, University of London.

Commentaires et interprétations de Marcy Petit, Mona Prudhomme, Anastasia Goryunova, Anaïs Guédon, Raphaëlle Peria et Florianne Demersseman.

  • Déclaration numéro 1 : Mona Prudhomme

L’écriture sur l’art (Art Writing) s’impose comme une pratique.

De par ses caractéristiques et sa visée singulières, la critique d’art est en effet une pratique à part entière.

La question reste à savoir si nous la pensons comme pratique artistique au même titre que la poésie ou la dramaturgie par exemple. Avec pour objectif d’apporter de la connaissance sur le travail d’un artiste, mais tout en restant subjective, il est difficile de catégoriser la critique d’art.

Le grand piège est de ne pas bien différencier la critique de la théorie de l’art.

Une définition concrète semble impossible. La critique est une pratique, avec ses propres règles et codes, évoluant avec son époque. Il est très révélateur de croiser l’histoire de la critique d’art avec l’histoire de l’art elle-même.

  • Déclaration numéro 2 : Anastasia Goryunova

L’écriture sur l’art est une forme possible de liberté de l’image.

L’écriture sur l’art permet de libérer l’image en lui donnant différentes interprétations. Représentée par les mots, l’image figée se transforme en une multitude d’histoires qui nourrissent le propos de l’artiste. La liberté de l’image se manifeste alors à travers la diversité de propositions qui l’alimentent infiniment. À travers le texte, l’image sort de ses cadres pour exister dans un autre format. Néanmoins, la dépendance de l’image de la critique se développe progressivement. Considérée comme une des sources viables, l’écriture sur l’art influence son contenu, jusqu’à ajouter des nouvelles couches fictives.

  • Déclaration numéro 3 : Anastasia Goryunova

L’écriture sur l’art désigne une approche de la culture contemporaine qui, dans le désir de nouvelles potentialités, vise à considérer l’écriture comme une problématisation de l’objet de l’art, de sa diffusion et de ses formes d’exposition.

L’écriture s’interroge sur la place de l’art dans la société contemporaine et ses rapports. L’objectif principal de la critique est de poser des questions pour ensuite essayer de trouver des réponses possibles. Dans cette recherche infinie, il est indispensable d’appréhender le contexte de l’existence de l’œuvre en prenant en compte le mode d’exposition, la médiation, la production, la communication. L’écriture sur l’art ne doit pas se limiter à l’analyse du contenu de l’œuvre, mais doit s’intéresser à tout son univers afin de le positionner en tant que partie intégrante du monde.

  • Déclaration numéro 4 : Anaïs Guédon

L’écriture sur l’art ne prend pas les modalités d’écriture comme données, elle tend plutôt à, et expérimente avec, la non-division entre la pratique et la théorie, la critique et la création.

L’écriture sur l’art est un tout qui n’a pas de spécificités propres. On entend par là que la critique d’art ou la théorie, n’ont pas à suivre de règles ou codes particuliers. Elles n’ont pas besoin de respecter un schéma tel que introduction/développement/conclusion, que l’on pourrait utiliser, dans un contexte universitaire. Au contraire, elles sont aussi actes de création et peuvent adopter toute forme. La critique et la théorie seraient le plus souvent attribuées à un genre littéraire. Or, elles peuvent devenir expérimentales, hybrides, prenant la forme aussi bien d’une chanson, que d’un film, ou d’une bande dessinée… Ainsi, on pourrait par exemple imaginer une critique d’art suivant les codes du groupe Oulipo. Les mots seraient choisis au hasard par le critique qui agirait alors comme un artiste créant une oeuvre à part entière. Mais alors, les rôles ne seraient-ils pas inversés ? La critique ne deviendrait-elle pas oeuvre d’art perdant ainsi son statut de critique ? Ou peut-elle être les deux à la fois ? Et si tel était le cas, ne devrait-il pas y avoir une seconde critique de cette critique devenue oeuvre d’art ?

  • Déclaration numéro 5 : Raphaëlle Peria

L’écriture sur l’art soutient toutes les formes de critique d’art, y compris l’expérimentale et l’hybride. L’oeuvre d’art peut y être intensément prise en compte, ou peut être le point de départ pour des développement fictifs et poétiques.

L’écriture sur l’art soutient toutes les formes de critiques d’art, y compris l’expérimentale et l’hybride. L’œuvre d’art peut y être intensément prise en compte ou peut être le point de départ pour des développements fictifs et poétiques.

La critique d’art peut se voir sous plusieurs formes. La critique considérée comme étant une critique « à l’ancienne » présentant un texte sur l’œuvre est acceptée par le mouvement tout autant que celle qui renouvelle totalement le genre et qui s’apparentera elle-même davantage à une œuvre d’art qu’à un texte littéraire. Toute critique, sous quelque forme qu’elle soit permet à la critique d’exister et à l’œuvre d’art d’être mise en avant. Ici cependant on accepte aussi la critique non plus seulement comme un texte abordant l’œuvre, mais comme une création dont le point de départ est l’œuvre dont on parle. La critique ne s’oblige plus à parler seulement de l’œuvre, mais elle peut prendre un parti-pris beaucoup plus transversal dont l’œuvre ne serait que le commencement de l’élaboration d’une autre création plastique ou littéraire sans rapport direct si ce n’est que la forme de ce que l’on écrit est forcément reliée à son contenu. Ainsi retranscrire les objets par des objets aurait plus de sens que de retranscrire des objets par des mots, car on conserve la forme.

  • Déclaration numéro 6 : Raphaëlle Peria

L’écriture sur l’art est dans la situation d’un point d’équilibre.

L’heure du changement est-elle arrivée dans le monde de la critique artistique ? Alors que certains s’accrochent encore à des textes très littéraires, souvent hélas trop peu engagés aujourd’hui, une nouvelle génération de jeunes critiques semble prendre peu à peu la place dans ce domaine. La balance est en équilibre instable, mais n’arrive pas encore à pencher. D’un côté la tradition persiste, la critique étant commandée par les magazines, une forme littéraire promue par un système financier bien rodé se maintient. En face, un vent nouveau arrive, redonnant à la critique un nouveau souffle. Les formes d’écriture deviennent de plus en plus libres. La critique ne se fait plus dans un monde de commande textuelle, mais arrive même dernièrement sous forme plastique. Les textes s’hybrident, s’amusent, deviennent œuvres à part entière, dialoguant avec les travaux sur lesquelles elles s’appuient. Si les mots gardent leur importance et leur force, la forme critique peut aujourd’hui devenir sculpturale, performée ou vidéographique. Sommes-nous face à un mouvement qui passera ou assistons-nous à un basculement de règles depuis trop longtemps établies et qui ne correspondent plus aujourd’hui à notre façon de penser ? De quel côté la balance va-t-elle pencher ? Beaucoup d’entre nous ont aujourd’hui une idée de la réponse, mais seul l’avenir nous le confirmera.

  • Déclaration numéro 7 : Florianne Demersseman

L’écriture sur l’art est une anthologie d’exemples.

Cette phrase est très limitée, on ne peut s’en contenter. Les termes « anthologie » et « exemples » peuvent ici être contestés. Une critique n’est pas un exemple, nous emploierons plus la notion de pensée, position, vision….

L’œuvre peut illustrer la pensée et inversement. La critique peut compléter l’illustration d’une œuvre, parfois aider à sa compréhension, mais ce n’est en rien un exemple, car une critique n’a rien d’exemplaire puisque c’est un avis personnel.

Le terme anthologie signifie selon le dictionnaire Larousse : recueil de morceaux choisis d’œuvres littéraires ou musicales. On comprend ici le sens qu’a voulu donner l’auteur, mais elle n’est pas exacte. Le terme anthologie est ici mal utilisé. Tout d’abord il ne s’agit pas que d’œuvres musicales ou littéraires, mais d’œuvres provenant de différents champs artistiques, nuance. Chaque critique est singulière et l’ensemble des critiques sur une œuvre d’art offre au lecteur un ensemble de propositions, mais ce ne sont pas des exemples. Il s’agirait plutôt d’un ensemble, ensemble de visions divergentes selon le ressenti, selon la forme utilisée etc…

  • Déclaration numéro 8 : Florianne Demersseman

L’écriture sur l’art est réinventée dans chaque exemple d’écriture sur l’art, déterminant ainsi ses propres critères.

Cette phrase est à mettre en lien avec la précédente. Si l’on remplace le mot exemple, en effet la critique n’est pas figée, elle est sans cesse réinventée, revisitée selon le point de vue. Cependant l’écriture sur l’art ne détermine pas, elle redétermine. La notion « déterminer » vient ici à l’encontre du sens de la phrase puisqu’au contraire, la critique vient sans cesse réorienter le point de vue, l’idée que l’on se fait d’une œuvre. La critique dépendant d’un ressenti personnel est donc singulière puisqu’elle dépend d’un avis, dépend de sa mise en forme, des codes utilisés lors de sa création.

  • Déclaration numéro 9 : Mona Prudhomme

L’écriture sur l’art répond à des formes littéraires, qui attirent l’attention sur la spatialité de l’écriture et la physicalité de ses supports, mais les intérêts de l’écriture sur l’art divergent de ceux de la littérature.

Le critique ne doit pas seulement construire son opinion, mais également la partager et donc connaître les outils efficaces de l’écriture. Cependant, la visée de son texte est bien particulière, gage de la relation entre l’auteur et l’artiste dont il traite le travail. La critique d’art se doit de nous en apprendre plus sur une œuvre, mais le résultat reste subjectif. Si l’on peut jouer des mots, des expressions, de la beauté du langage dans un texte critique comme dans un texte littéraire, le but final diverge. On ne peut voir la critique comme une forme de littérature.

  • Déclaration numéro 10 : Marcy Petit

L’écriture sur l’art implique des relations entre les personnes, de nature discursive. Même si c’est de l’art, l’écriture sur l’art peut engager une dimension publique qui n’est plus soutenue par la base, y compris quand cela concerne la vérité.

À présent, ce n’est plus seulement l’œuvre unique et terminée de l’artiste qui influence l’écriture du critique, mais bel et bien la relation qu’il peut y avoir entre ces deux personnes. Cette relation est alors à replacer dans un échange et un travail collaboratif insinuant des rapports discursifs et visuels. Dans la logique de cette nouvelle façon d’appréhender la critique d’art contemporaine, la relation devient alors un élément à part entière, faisant partie intégrante du processus de création du critique. Ce qui en découle alors est une influence réciproque, mais toujours positive du critique et de l’artiste. L’influence peut également être comprise dans un sens encore plus large qui comprend les liens de l’artiste et du commissaire, voire même qui considère l’avis du public. Dans tous les cas, les relations entre les différents protagonistes du processus d’écriture provoquent une critique plus précise, plus sensible et plus exacte.

  • Déclaration numéro 11 : Marcy Petit

L’écriture sur l’art institue un tel espace public sans vérité, et disparaît parfois avec elle.

Dans cette logique collaborative, faite d’échanges et de relations, il est alors nécessaire de constater toute la différence que l’écriture sur l’art (Art Writing) présuppose vis-à-vis de son aînée, la critique. Cette vision quelque peu « dépassée » de la critique contemporaine aurait tendance à prendre le dessus sur l’oeuvre. Et ainsi disparaître au profil de sa critique dans l’espace public qui réceptionne la critique. La logique des choses est alors inversée. La critique n’est plus au service de l’oeuvre dans un partage égal, mais tend à prendre le dessus sans aucune compréhension temporelle et totale de l’oeuvre.

Le remaniement de la critique instituerait un nouvel espace public, basé sur la vérité et la compréhension d’une œuvre.

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