L’exposition « Mo’Swallow » de David Douard au Palais de Tokyo

J’entre dans l’exposition « L’État du ciel » au Palais de Tokyo regroupant plusieurs petites expositions, donnant toutes leurs visions propres sur le réel. C’est après avoir vu l’exposition onirique de Georges Didi-Huberman et d’Arno Gisinger (« Nouvelles histoires de fantômes ») que j’ai pénétré dans celle de David Douard, « Mo’Swallow ». Le choc entre les deux espaces est important, tout devient brutal assez soudainement.

Détail de l'exposition "Mo'Swallow" de David Douard au palais de Tokyo

Détail de l’exposition « Mo’Swallow » de David Douard au palais de Tokyo

D’entrée de jeu, nous sommes face à un titre énigmatique, peu compréhensible et dont j’ai cherché le sens tout au long du parcours, en émettant hypothèses sur hypothèses. En commençant par la vidéo présentée au fond de la salle, qui semble montrer une chambre recréée sur ordinateur, j’ai tout de suite pensé que Mo était simplement l’abréviation de Méga Octets, et qu’il s’agissait d’une exposition sur la disparition de l’homme dans la technologie et dans la science. Cette idée m’a beaucoup travaillée et avait du sens puisque nous retrouvons des productions faites de grillages et de métal, des hommes défaits et incomplets, des sortes de robots portant des sacs à dos d’enfants, puis pour finir, l’on retrouvait des bouteilles de lait placardées de photos d’inconnus disparus au pied d’une machine grinçante comme une assistance respiratoire. Dans toutes ces installations, la thématique de la machine, bien que défectueuse, tuait l’Homme à petit feu. Cependant il y a une ambiance malsaine, un malaise transmis tout au long de l’exposition qui n’est pas seulement dû aux bruits des machines rouillées.

Vue de l'exposition "Mo'Swallow" de David Douard au Palais de Tokyo

Vue de l’exposition « Mo’Swallow » de David Douard au Palais de Tokyo

J’y regarde d’un peu plus près, je reviens sur mes pas pour atterrir de nouveau devant la vidéo de la chambre. L’artiste pénètre dans la chambre d’un inconnu, dans la pièce la plus intime qu’il soit. De grands rideaux entourent l’exposition, il faut regarder au travers, les pousser même, pour voir certaines œuvres. Je me sens un peu voyeuriste, je tourne la tête et lit ce qu’il y a d’inscrit sur le pull d’un des mannequins : « u make me sick ». S’adresse-t-il au spectateur directement ? Est-ce mon regard qui le dégoute autant ? Je repère d’autres mots dont « need » inscrit plusieurs fois très discrètement, qui m’indique que j’ai besoin de tout voir dans cet espace, le moindre détail. Je vois des mannequins nus, une poitrine de femme, et le tout sans pudeur. Je termine enfin dans une sorte de bureau tapissé avec du papier orange, il est aménagé, donc quelqu’un l’habite, et je réalise que je ne suis pas censée être ici. Après ce parcours, je me dis que Mo pourrait être une personne, et que des bouts de sa vie sont éparpillés dans l’exposition.

David Douard lors du montage de l'exposition "Mo'Swallow" au Palais de Tokyo

David Douard lors du montage de l’exposition « Mo’Swallow » au Palais de Tokyo

Puis je repense à « u make me sick », à ces hommes difformes, au bruit d’assistance respiratoire, au lait, au sein, aux différents liquides qui coulent, je comprends alors qu’un virus se répand, que quelque chose rôde. « Tu me rends malade », au sens littéral. Le lait devient alors un élément majeur de cette exposition, il est l’origine du virus, il contamine tous ceux qui l’avalent. On le trouve dans les fontaines, se répendant sans limite, dans les seins, qui sont en fait issus du moulage de ceux d’une nourrice atteinte d’une tumeur au XIXe siècle, au travers d’un mannequin difforme enceinte, ou encore dans les bouteilles, avec peut-être les visages des contaminés affichés dessus. La maladie par la difformité, l’imperfection, les pustules sur les panneaux aux murs, les machines défectueuses, le sein cancéreux est également omniprésente, et, accompagnée de la musique de Gag Drake Vogt, elle semble plus vicieuse, et c’est grâce à ces éléments que l’ambiance malsaine est aussi pesante. J’appris plus tard le sens du titre : « More swallow », mais un bout avait déjà été avalé lors de ma visite.

Hélène Mondet

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