Jana & JS

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Jana & JS, duo de street artistes, ont été rencontrés quelques mois avant l’entretien, en octobre 2013, lors d’une exposition à l’Espace Pierre Cardin.

Ce duo de street artistes s’est formé en 2006. Issus de deux cultures différentes, Jana est autrichienne et JS est français, les deux artistes vivent désormais à Salzbourg en Autriche après avoir passé quelques années à Madrid et à Paris.

Tout commence en 2005 où JS est à l’initiative du projet WCA (Working Class Artists) avec Alex6lex et Artiste Ouvrier, deux autres artistes pochoiristes. Mais avant d’être un projet c’est avant tout un collectif. Lorsque JS revient à Paris après une année passée en Espagne, il fait la rencontre d’Artiste Ouvrier, personnage emblématique de la scène du pochoir à Paris.

Très vite celui-ci propose à l’artiste de lui montrer un peu sa technique, en travaillant ensemble dans son atelier avec un autre ami. Après quelques mois à travailler la même technique, ils décident de lancer un collectif. Après cela, Artiste Ouvrier part vivre en Allemagne où il a aussi formé d’autre personnes. Ce collectif partage une technique assez similaire dans le pochoir coloré, qui n’existait pas vraiment avant 2005, où c’était davantage du noir et blanc, très graphique.

Lors des premiers mois de leur pratique, Jana & JS restent la plupart du temps tous les deux. Puis une exposition collective est organisée en 2007, où tout le collectif est réunit. Elle sera intégrée au projet WCA.

Le couple commence très vite à travailler ensemble. JS découvre le pochoir en 2003, et ce qu’il fait jusqu’au moment où ils commencent à travailler tous les deux reste assez anecdotique. Son œuvre était jusqu’alors très spontanée, avec l’utilisation de pochoirs très simples, uniquement dans la rue, et pas sur d’autres supports.

Jana commence quant à elle le pochoir peu de temps après lui. Ils ont rapidement choisi de s’associer.

Ce duo d’artistes réalise des portraits, avec l’omniprésence de l’architecture urbaine dans leur travail.  Le second plan est toujours composé de fragments d’immeubles ou de villes vétustes. Cet intérêt esthétique évident, provient certainement de certains voyages qu’ils ont pu faire en Europe de l’Est, plus précisément en Roumanie. Ce voyage réalisé à la fin des années 2000 (vers 2008-2009), les a beaucoup marqué. Pour JS « ce pays reste anachronique, c’est un pays où on a l’impression de découvrir des choses que l’on de voit plus en France ou en Allemagne depuis des années ».

Il dira également avoir « prit une bonne claque » en Chine, en raison de toutes les oppositions qu’il y a dans ce pays, avec des parties très rurales et une ville ultra moderne comme Shanghai. De chacun de ces endroits visités ils puisent leur inspiration, à travers toutes ces choses nouvelles et différentes.

Ils ont également un intérêt pour la ville et son architecture,  ils aiment tous les deux travailler sur la ville, dans la ville, avec l’idée d’une mise en abime. Dans l’esthétique urbaine, il y a cette géométrie proche de l’abstraction parfois dit JS, ce qui les intéresse énormément.

Ils souhaitent replacer l’humain dans cette ville, que l’on a tendance à croire déshumanisante, mais dans laquelle il se passe quand même des choses.

Le fait d’être un duo est quelque chose de très enrichissant dans leur travail, dans le sens où ils sont deux à apporter des choses et c’est l’une des bases fondamentales de leur travail. Ils amènent tous les deux des aspirations un peu différentes, qui fait justement qu’aujourd’hui il y a ce croisement entre l’humain et la ville. Cela reste un travail d’équipe.

On parle souvent au sujet du travail de Jana & JS de mise en abîme ou d’effet miroir. Dans leurs autoportraits, ils utilisent très souvent un appareil photographique, comme pour capter l’instant présent. Cela représente plusieurs choses pour eux. Tout d’abord la photographie est la base de leur travail, ils font tous les deux beaucoup de photographies. Avant même de faire de la peinture ils utilisaient ce medium, c’est donc une sorte de clin d’œil à cette période.

Par ailleurs, ils collectionnent les vieux appareils photographiques depuis très longtemps, deuxième clin d’œil dans leur travail. D‘où le fait de peindre beaucoup d’appareils photographiques assez anciens. Ils réalisent encore de la photographie argentique.

Ce jeu du photographe, qui prend en photo l’endroit dans lequel on est placé, permet de faire un lien avec les artistes. Un photographe est placé sur un mur en face de quelque chose qu’ils ont déjà photographié pour éventuellement s’en resservir dans leur travail de peinture. Ils jouent également à photographier les passants, et les passants eux même s’amusent à photographier le photographe. Cela créé un échange assez drôle, et une situation intéressante.

Néanmoins leurs photographies n’ont jamais été exposées. Leur seul but étant pour le moment de servir leur travail de peinture.

Dans le futur ils aimeraient exposer leurs photographies, mais ils n’en ont pas encore eu l’occasion et ne se dirigent pas forcément dans ce sens là. Mais en janvier 2013, lors de leur exposition à Lille, ils ont déjà commencé à montrer quelques photographies. Il y avait notamment une installation de reconstitution d’atelier dans le sous-sol de la galerie dans laquelle était exposées certaines de leurs photographies qui servaient de base aux pochoirs, afin d’expliquer aux spectateurs d’où provenait les images.

Comment sont réalisées leurs sérigraphies lorsqu’il s’agit de travailler sur un format plus grand ? Jana & JS expérimentent énormément de chose,  et travaillent aussi bien sur d’immenses façades d’immeubles que sur des formats plus réduits.

Peter Balluch, père de Jana, est lui même sérigraphe et possède un atelier en Autriche, près de là où ils vivent. Il les a également un peu initié à la sérigraphie. Ce qui leur permet de faire leurs sérigraphie eux-mêmes, à la main, ce qui leur semble être quelque chose d’important. Cette technique se développe beaucoup aujourd’hui car elle permet de créer des séries, rien ne passe par des studios, tout est fait main. Cela leur permet d’avoir une marge d’expérimentation, où ils peuvent à leur guise ré-intervenir à la bombe, et créer de nouvelles variations. C’est « primordial » pour ces street artistes d’être dans la démarche de tout faire eux même.

Cela reste compliqué et demande beaucoup de logistique, car même sur des grands murs ils continuent à travailler aux pochoirs. Il leur a fallu imaginer une manière d’agrandir leurs pochoirs, qu’ils découpent plus ou moins à taille réelle, et qu’ils agrandissent au vidéoprojecteur.

Après, ils redessinent le dessin du pochoir et ils le redécoupent en plusieurs petites parties, qu’ils vont ensuite aller assembler sur le mur. Dans la pratique cela demande beaucoup de temps, c’est très fastidieux. Les travaux de grandes envergures, comme pour les deux grands murs qu’ils ont fait à Paris par exemple, représentent plus de soixante-dix parties de 2 m./2 m.

Ils réalisent tout, toujours à deux, sans aucunes aides extérieures. Ils ne travaillent pas avec des entreprises, tout est vraiment redessiné et redécoupé à la main.

Pour les deux grands murs fait à Paris, cela leur a demandé une dizaine de jours de préparation et cinq jours de peinture.

Ce duo expose ses œuvres à la fois dans l’espace urbain et dans des lieux d’expositions fermés, mais faut-il réellement obtenir des autorisations pour intervenir dans la rue ?

Jana & JS sont aujourd’hui soit sollicité dans le cadre de festivals soit dans le cadre de projets réalisé par des galeries, comme dans le 13e arrondissement de Paris, à l’initiative de la galerie Itinerrance.

Lorsque des murs les intéressent vraiment, ils essayent d’obtenir des autorisations, mais dans ce cas là, il s’agit plutôt de demander aux riverains s’ils peuvent intervenir. JS répond à cela « A titre personnel on se lance rarement voir jamais dans des demandes d’autorisations auprès des mairies ou autre car cela prend énormément de temps. On préfère agir de façon spontanée ».

Le plus souvent ils travaillent dans leur atelier, même si au départ ils ont commencé à agir dans la rue. Ils ont prit goût à développer leur travail d’atelier, où ils essayent de faire quelque chose de différent. Notamment avec des reconstitutions de façades, où ils créés des pièces, ce qu’ils ne peuvent pas faire dans la rue.

Ils apprécient les deux pratiques autant l’une que l’autre. Lorsqu’ils travaillent dans la rue il y a un autre impact, qui reste unique, car au-delà de leur peinture il y a tout l’environnement dans lequel elle s’inscrit.

Ce qu’ils ne retrouvent pas dans leur l’atelier car il y a moins de contraintes.

Grâce à ce travail d’atelier ils peuvent ainsi créer des œuvres inédites, comme lors de l’exposition « It doesn’t matter who they are », qui leur était consacrée à la galerie Openspace, au mois d’octobre dernier. Le choix des supports était très surprenant telle qu’une ancienne fenêtre, de la toile, du bois et  des objets de récupérations afin de créer des assemblages.

Ayant commencé à travailler dans la rue, Jana & JS ont souhaité y ramener des supports qui en étaient issus. Dans des endroits qu’ils avaient exploré notamment. Il y a beaucoup de choses qui proviennent de friches industrielles ou de chantiers dans un premiers temps. Ils voulaient aussi redonner une vie à des supports un peu oubliés ou mis au rebus, dont on n’imagine pas forcément pouvoir faire une œuvre. Ils cherchaient des supports qui avaient un lien avec ce qu’ils allaient y peindre ou du moins liés à leur univers.

Par exemple le choix de la fenêtre, le fait de peindre des fenêtres sur des fenêtres leur semblait être un parallèle intéressant, une sorte de mise en abîme faite en reliant ces éléments.

La dernière raison étant qu’ils amassent beaucoup de choses, des souvenirs issues des lieux dans lesquels ils vont, des villes qu’ils ont visité ou des endroits abandonnés dans lesquels ils vont. Chaque support et objet, a une première histoire, puis une deuxième histoire, celle qu’ils ont choisi de lui donner.

Cette évolution c’est fait tout naturellement, ils ne vivent plus à Paris désormais mais dans un endroit assez reculé. JS dit à ce propos « nous ne sommes pas trop dans le monde de l’art contemporain ou de l’art urbain contemporain à Paris ».

A force de travail et de projet, le couple a été remarqué, puis contacté par des galeries. Ces street artistes sont dorénavant représentés par pas moins de 5 galeries à travers le monde.

La première galerie avec laquelle ils ont travaillé est Inopérable à Vienne, au tout début de l’ouverture de cette galerie, en 2006.

Ensuite, leur première « vraie » exposition individuelle à Paris était avec la galerie Itinerrance, en 2009. Elle a été la première à leur donner une chance, pour une exposition personnelle.

Jana & JS travaillent en ce moment dans la forêt,  où ils ont peints  deux, trois peintures sur des arbres. Ce duo atypique n’inclut pas que la ville dans son travail. Ce qui les intéresse avant tout c’est de peindre dehors, trouver des liens entre le lieu et ce qu‘ils peignent. Ils vivent eux-mêmes dans un lieu reculé, loin de toute agitation, presque rural.

Prochainement une expositions en Autriche au mois de Mars leur est consacrée, et ils comptent repartir en voyage assez vite pour de nouvelles aventures.

Ève Marion

Entretien réalisé via Skype avec JS.

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