La poétique étrangeté des photographies de Mark Cohen au Bal

Mark Cohen s’est intéressé tôt à la photographie. Très marqué par sa découverte de l’ouvrage Image à la sauvette de Henri Cartier-Bresson, il se met à faire de la photographie commerciale pour gagner sa vie, tout en prenant des clichés à la volée dans les rues de Willes-Barre, sa ville de Pennsylvanie. Ce sont ceux-ci qui sont présentés au Bal. Pas de légendes dans la première salle, ce qui nous plonge directement dans l’univers de l’artiste. Un dossier avec celles-ci est cependant distribué à l’accueil. Si cette première salle distingue ses clichés en noir et blanc de ceux qui sont en couleur, l’espace du sous-sol est principalement consacré à ses photographies en noir et blanc, accolées les unes aux autres sur les murs peints en rouge. Quelques clichés en couleur ont pourtant été intégrés parmi elles, comme pour insister sur le fait que ses images peuvent être considérées comme un ensemble homogène.

 

Même si ses photographies en noir et blanc ne mettent pas l’accent sur les mêmes éléments que celles qui sont en couleur, une semblable impression de spontanéité et d’équilibre s’en dégage et il y a des similitudes dans sa façon de composer et cadrer ses images. Les clichés en couleur semblent avoir été pris lorsque la teinte d’un objet a attiré l’artiste, comme ce maillot de bain jaune dans une vitrine et ce portail peint en rouge. Ceux en noir et blanc mettent plus en valeur la texture des choses, leur matière et les motifs. Souvent en gros plan, ses photographies sont harmonieuses au niveau des tons et de leur composition. Très esthétiques, elles livrent une atmosphère similaire, donnant l’impression d’avoir été prises sur le vif, comme si le photographe fixait avec son appareil ce que l’œil perçoit en un battement de cil. La plupart des personnes photographiées sont coupées, Mark Cohen en immortalisant seulement un fragment. La main est un motif récurrent dans son œuvre. Il ne s’agit pas de portraits mais plus de l’enregistrement d’un geste ou bien d’un détail, souvent vestimentaire. L’artiste accorde une importance particulière aux mouvements et aux détails qui constituent le quotidien. Les éléments qu’il photographie ont une certaine trivialité, mais il leur confère un intérêt puissant par le cadrage serré et les contrastes de ses clichés. Nous remarquons l’importance des lignes, la mise en valeur des matières et de la forme que peuvent prendre les choses, qui naît souvent de leur incidence avec une autre.

 

Tous ces clichés sont nés d’une véritable rencontre entre Mark Cohen et ses sujets à un moment précis, une rencontre dont il nous offre le témoignage. Le photographe immortalise souvent un moment entre deux actions, une sorte d’instant T qui laisse planer un certain mystère, à la fois spatial et temporel. Qu’a-t-il pu se passer avant le clic de son appareil ? Comment cet objet s’est-il retrouvé ici ? Qu’y a-t-il autour ? Toutes les interrogations qui nous viennent à l’esprit en regardant ses images laissent planer une légère inquiétude. Ce qui fait la spécificité de ses images est l’impression d’étrangeté de ce qui l’a attiré, mais qu’il fixe avec une grande poésie, nous plongeant dans son univers de façon complètement envoûtante. Avec ses photographies, Mark Cohen, semble nous inciter à regarder plus attentivement autour de nous, à saisir ces petits instants et détails qui font à la fois toute l’originalité et la beauté du quotidien.

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