Entretien avec Marie Ollagnon

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Entretien réalisé par Eve Marion  avec Marie OLLAGNON, artiste plasticienne (née en 1973).

Le 13 Janvier 2014, au No Stress Café, 75009 Paris, suivit par la visite de l’atelier de l’artiste.

Eve Marion : Vous n’avez pas suivit de formation « classique » dans une école des beaux-arts.  Après avoir suivi divers cours de dessin, peinture et sculpture dans plusieurs ateliers privés, vous avez finalement choisi de poursuivre votre travail par des installations, pourquoi ?

Marie Ollagnon : J’ai suivi une formation artistique malgré tout, j’ai commencé les beaux arts, mais j’ai arrêté au bout de la première année lorsque je suis partie de chez moi.

Ensuite j’ai commencé à prendre des cours de sculpture et de peinture vers l’âge de 13-14 ans. Le modèle vivant vers l’âge de 16 ans, pendant une dizaine d’années. Donc j’ai eu une formation artistique particulière, même si ce n’était pas dans une école d’art.

Pourquoi les installations ? En fait j’ai débuté avec le dessin et la peinture. Puis, je suis allée vers la sculpture, mais je ne me sentais pas tout à fait satisfaite de mon travail, j’avais besoin d’une autre dimension. Quand un jour j’ai découvert une installation qui m’attirait énormément. J’avais l’impression de pouvoir davantage m’exprimer de cette manière, plutôt qu’en faisant un dessin ou une peinture. Et puis dans mon cas personnel c’est parti de petites vitrines qu’il y avait chez ma grand-mère; quand elle est décédée je les ai récupéré. De là j’ai commencé à collecter des objets, pour les assembler, créer des scénettes et des choses de cet ordre là.

E.M : Il est dit dans votre autobiographie que votre travail « parle de la condition féminine, de la maternité ou de l’enfance ». Votre univers est assez sombre pour ma part, avec des êtres hybrides et morcelés, quelle vision avez-vous sur la femme justement ?

M.O : Peut-être parce que mon expérience a été sombre, et j’aime dans un univers assez enfantin et féminin, qui pourrait-être joyeux, souligner l’autre côté.

E.M : Vous faites partie, avec deux autres artistes permanentes de la galerie « des Infirmières Galerie « , d’un collectif féminin, comment vous êtes rencontrées ? Comment avez-vous eu l’idée de créer ce groupe ?

M.O : J’avais déjà une galerie sur Paris où j’étais en pleine exposition, et c’est la galeriste elle-même, qui m’a dit qu’une nouvelle galerie venait d’ouvrir et que je devrais aller la voir. Donc pour moi, ça a été un hasard total, c’est-à-dire qu’un jour je suis passée devant et j’y suis rentrée, j’ai visité la galerie et les œuvres. J’ai trouvé cela amusant de voir la concordance qu’il y avaitentre moi et ce qu’exposait ce galeriste.  Par la suite j’ai parlé avec Virgile Durand, directeur de la galerie des  » Infirmières Galerie « , et nous avons pris rendez-vous. Je lui ai montré mon travail et il m’a d’abord proposé de faire un Paper act, évènement où l’artiste présente un ou plusieurs très grands formats sur papier dans lequel chacun peut découper et acheter un morceau d’œuvre. Le dessin est découpé en direct, numéroté et signé par l’artiste.

J’avais pris quant à moi en photographie mes installations avec un polaroïd, suite au projet Impossible, qui a très bien fonctionné au sein de la galerie.

E.M : Vos assemblages d’objets créés à partir de poupées, jouets, figurines en porcelaine sont-ils réalisés à partir d’objets personnels de votre enfance ?

M.O : Oui, ça a commencé comme cela, avec les vitrines de ma grand-mère, dans lesquelles il y avait des petites figurines en porcelaine, assez anciennes. Au début, c’était des choses personnelles, maintenant plus du tout. Je trouve des objets, j’achète des choses dans des brocantes, et je me débrouille avec ce que j’ai, c’est surtout beaucoup de récupération.

E.M : La nudité de la femme est également très présente dans vos installations, pouvez-vous m’en dire plus ?

M.O : Je parle de la femme, de l’être. Donc pourquoi mettre des vêtements. Je ne veux rien cacher car je parle de l’intériorité de la femme. Lorsque je masque le visage, c’est pour occulter la vision de la personne, pour signifier qu’elle ne peut pas voir.

E.M : Le fait d’avoir choisi de mettre une coque en plexiglas lorsque vous exposez vos Scénettes, est-ce purement esthétique ou y’a-t-il un sens plus profond ?

M.O : D’une part c’est utile pour protéger les assemblages qui sont fragiles. Et d’autre part, il s’agit d’enfermer les Scénettes, qui racontent des petites histoires d‘une durée plus ou moins longue. La dimension d’enfermement est importante dans une boîte en plexiglas, c’est-ce qui me plait.

E.M : Vous travaillez essentiellement sur des petits formats, pourquoi ?

M.O : Je suis attirée par le petit format, pour l’instant je ne ressens pas le besoin d’aller au-delà. Par exemple, en ce moment je travaille sur les vêtements anciens d’enfants, encore une fois je choisi un modèle réduit. Mais, j’ai néanmoins en projet de travailler sur les vêtements d’adulte. Je ne suis pas contre le fait d’évoluer sur du grand format.

E.M : Le fait de présenter des personnages avec la tête dans les nuages, mais sous cloche, est-ce une manière de nous rattacher à notre existence ?

M.O : Oui, ça peut inciter à cette interprétation, mais je souhaite montrer les deux dimensions, à travers la petite boîte. C’est volontaire de ma part.

E.M : Vous réalisez également des photographies comme Chute libre ou Les prostituées, pourquoi avoir choisi de passer d’un medium à un autre ?

M.O : La photographie m’intéresse, et ce que je prend en photographie se sont mes propres installations. C’est des objets qui ne restent pas, comme les poupées par exemple. Les poupées des Prostituées, je les utilisent pour plusieurs choses, je  ne peux pas en faire une installation. Je créée une mise en scène pour une photographie. C’est une autre façon pour moi de montrer mon travail et de le vendre. C’est plus facile de vendre une photographie qu’une installation.

Par contre c’est un ami photographe qui prend les photographies, mais je dirige la séance, jusqu’au choix du support final.

E.M : Les photographies sur votre site sont toutes faites sur le même fond noir, pourquoi ? Est-ce une série ?

M.O : J’aime le fait que l’on ne voit que le sujet, qu’il n’y ait pas de second plan. Et surtout, je voulais donner une impression de scène de théâtre, avec le rideau au fond, toujours dans l’idée de créer des petites histoires.

J’ai réalisé deux séries de photographies, une troisième est en cours. Et les scénettes représentent une seule et même série.

E.M : La galerie des Infirmières Galerie a présenté en Octobre 2013, une série de photos en noir et blanc, dans un style différent de vos travaux habituels, pouvez-vous m’en parler ?

M.O : A la base, c’est une série de polaroids, sur mes installations. Mais j’ai rencontré un réel problème avec le projet Impossible, le polaroid s’est détérioré très vite. Donc je les ai scannés pour en garder la trace, et j’ai décidé de les faire tirer en grand. Pour donner une autre dimension au polaroid.

E.M : L’installation Main jaune et une autre sans titre regroupent plusieurs mains, sont-elles réalisées à partir de moulage de votre propre main, avec une part d’autoportrait ou est-ce une main factice ?

M.O : En fait c’est un stock de mains de parfumerie que j’ai acheté. Avec cette même installation Main jaune, j’ai réalisé mes polaroids. D’où le besoin d’utiliser la photographie dans mon travail.

E.M : Les sujets d’actualité vous inspire, je pense notamment à Photo de famille : Mariage pour toutes et Photo de famille : seules, que pouvez-vous m’en dire ? 

M.O : « Mariage pour toutes » a été réalisé lors du « débat » sur le mariage pour les homosexuels en 2012. C’était une façon pour moi de me moquer du « problème » que cela posait. Je ne voulais pas donner mon opinion, mais simplement souligner le fait que cela faisait énormément de bruit pour quelque chose qui aurait pu passer naturellement. J’ai souhaité aborder cela de façon humoristique. Ayant l’habitude de parler de la femme dans mon travail, je me suis senti « concernée » par le sujet. L’homosexualité de le femme est aussi une de ses conditions.

E.M : Depuis votre enfance vous êtes attirée par le monde l’art, mais avez-vous toujours voulu être artiste plasticienne et reconnue comme telle ?

M.O : Oui, à partir du moment où je me suis demandée ce que j’allais faire, c’était une évidence. Je ne me suis pas clairement dit que je serai artiste, mais je savais que je souhaitais évoluer dans le milieu artistique. Même si j’ai dû travailler pour des besoins alimentaires.

E.M : Quand et comment avez-vous rencontré Virgile Durand ? Avez-vous tout de suite accepté d’être représentée par lui ?

M.O : Oui, j’ai immédiatement accepté, au début de l’année 2013. On partage le même univers, et j’apprécie le travail des artistes qu’il représente. La Galerie et le concept même des Infirmières galerie m’a tout de suite plu. J’ai ainsi signé un contrat d’exclusivité sur Paris avec Virgile Durand.

J’étais représentée auparavant par la Galerie 33 à Lyon qui a fermé.

E.M : En tant qu’assistante sur l’exposition « La faiblesse des hommes, elles savent »,  j’ai pu remarquer que vous n’étiez pas présente à l’accrochage et à la mise en place des œuvres. Est-ce un choix personnel ou celui du galeriste ?

M.O : C’est un choix du galeriste, comme nous étions trois artistes sur cette exposition c’était le plus simple. Nous avions bien évidemment notre mot à dire si nous souhaitions y apporter des suggestions. Nous étions toutes les trois contentes du résultat final de l’accrochage. Nous avions toutes une bonne place, tous nos travaux étaient mis en valeur.

E.M : En dehors de votre pratique artistique, avez-vous une autre activité professionnelle ?

M.O : j’ai été marié pendant 10 ans, donc mon mari subvenait à nos besoins, je pouvais me consacrer pleinement à mon travail de plasticienne. Mais suite à notre séparation, je travaille maintenant à mi-temps dans une boutique de bijoux, deux jours par semaine. Je souhaiterais bien évidemment trouver un travail à côté de ma pratique avec un minimum de rapport avec l’art.

E.M : Combien d’œuvres arrivez-vous à vendre par mois en moyenne?

M.O : C’est quelque chose de vraiment aléatoire, lors de la dernière exposition au mois d’octobre, j’ai dû vendre entre douze et treize pièces. Et depuis j’ai vendu une pièce au mois de décembre. A l’occasion d’une exposition on arrive a bien vendre ses œuvres, mais après c’est beaucoup plus difficile.

E.M : Sur quoi travaillez vous en ce moment ? Quels sont vos projets futurs ?

M.O : Actuellement j’ai plusieurs projets en cours avec Virgile Durand, jeudi 16 Janvier nous avons un vernissage sur une exposition de dessins, où nous sommes plusieurs artistes. Je vais y exposer une installations sur laquelle j’ai dessiné sur des corps de poupées, et trois vêtements de poupées dessinés.

Début mars, j’ai une exposition collective de prévue sur la religion dans l’art. Fin avril j’ai une exposition solo.

Avec la galerie des infirmières nous partons exposer en Suisse fin mai, une exposition sur le thème de l’érotisme est également prévue.

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Photos prises dans l’atelier de l’artiste, c’est une chambre de bonne de 9m², qu’elle loue au dessus de chez elle.

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