Ulla von Brandenburg : « La rue … »

Exposition « Die Strasse », Ulla von Brandenburg. 30/11/2013 – 26/01/2014, Galerie Art Concept, Paris

Une fois la porte de la galerie Art Concept poussée, nous sommes happés par un son dont on ne sait vraiment distinguer la provenance. Une voix, un chant, un conte peut-être, résonne derrière des pans de tissus qui recouvrent l’ensemble de l’espace. Nous empruntons un couloir d’où un escalier s’extrait du plafond et rêvons soudain d’une maison de poupée inversée. En avançant un peu nous arrivons dans une petite salle qui préserve de modestes objets, à la portée symbolique sous-jacente.

Ulla_von_Brandenburg_ArtConcept_2013_1

vue d’exposition, Die Strasse, Art : Concept, Paris, 28 novembre 2013 – 25 janvier 2014

« Voudriez-vous me dire, s’il vous plaît, par où je dois m’en aller d’ici ? » fait demander Lewis Carroll à Alice dans le pays des Merveilles. Si le merveilleux semble s’être envolé, ici, de cette simili architecture aux couleurs passées, l’étrange persiste. On se dirige alors vers une salle plus sombre, pour s’asseoir face à une projection telle une fable en noir et blanc. Le plan séquence d’une fine précision, les images d’une rare qualité et le chant entonné d’une poésie grave, nous transportent vers un ailleurs aux multiples questionnements. Ulla von Brandenburg réussit dans cette exposition à nous immerger dans une fiction  tissée dans les textiles, façonnant cette habitation poétique suspendue à l’intérieur même de la galerie. Ce n’est pas un labyrinthe à proprement parlé, puisque nous nous repérons dans l’espace. C’est une construction renversée, où d’étonnants escaliers accrochés au plafond, que nous ne pouvons arpenter, proposent une ouverture à l’imaginaire.

Ulla_von_Brandenburg_ArtConcept_2013_2

vue d’exposition, Die Strasse, Art : Concept, Paris, 28 novembre 2013 – 25 janvier 2014

Toutefois il ne s’agit pas seulement d’un territoire fantasmé ou rêvé dans ce lieu. L’artiste nous confie, comme elle le réalise souvent dans ses oeuvres, une installation intimiste qui d’une manière théâtrale met en scène un univers contemporain cousu de traditions populaires. Elle s’intéresse en effet aux rites, aux symboles fondateurs de notre société et met en scène des territoires entre fiction et réalité. Cette étrangeté réside dans les trois cônes de papier qui voudraient, sans le pouvoir concrètement, nous faire entrer dans ce jeu aux frontières de la prestidigitation. Nous avons tous un jour côtoyé dans une rue – Die Strasse – des personnages marginaux : troubadours de notre époque, magiciens aux coins des ruelles, travailleurs clandestins, ou mimes nostalgiques… Ces figurants se déploient dans le décor de la vidéo, où un homme se substitue à notre propre corps. Le personnage principal devient donc une image possible du spectateur  évoluant dans cette scénographie théâtrale sans vraiment pouvoir interagir avec autrui. Il semble en effet être mis à distance, n’être que le reflet du miroir tendu par l’une des femmes. Fluide et sans coupure ce court film n’apporte pas de réponse. Cet homme, comme nous, a traversé pour un moment, hors temps et hors espace réel une rue à l’ambiance absurde, sensible et poétique.

Thomas Fort

brandenburg_05

(Video Still) Die Strasse, 2013. video 16mm, son,  11’20.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.