« Scènes roumaines » à l’Espace Louis Vuitton

L’exposition « Scènes Roumaines » (du 11 Octobre 2013 au 12 Janvier 2014) fait partie d’une série d’expositions conçues par l’Espace culturel Louis Vuitton ayant pour but de faire connaître la scène artistique contemporaine d’un pays étranger. Dans le cas particulier de la Roumanie, on a choisi d’exposer les artistes qui travaillaient pendant le régime de Ceauşescu, comme Ion Grigorescu ou Ioana Bātrânu, et d’autres de la génération suivante, nés dans les années soixante-dix comme Mircea Suciu ou Simon Cantemir Hauși ou encore les plus jeunes, des années quatre-vingts comme Sergiu Toma, qui représentent presque une troisième génération. On peut dire que l’exposition est conçue comme une comparaison entre ces différents périodes et donc entre les différentes conditions culturelles et politiques dans lesquelles les peintres ont vécu et travaillé. Malheureusement, cette idée de comparaison, qui peut être une manière fascinante de découvrir une scène artistique contemporaine étrangère dans une perspective historique, n’est pas facile à comprendre, parce que les dispositifs écrits sont presque absents, sauf un cartel au début du parcours qui n’est pas suffisant et qui n’informe pas sur le propos général, au point qu’on ne sait ni à quelle génération chaque artiste appartient, ni s’il y a une volonté de comparaison. Rien n’empêche, en tous cas, de voir des oeuvres intéressantes et, en certains cas, magnifiques, comme Dr Josef, d’Adrien Ghenie, qui ouvre l’exposition et qui représente le médecin et tortionnaire nazi Josef Mengele. La peinture qui devrait le représenter est grattée jusqu’à la toile, éraflée et rayée comme si le peintre avait réservé pour le tortionnaire nazi le même traitement qu’il affligeait à ses patients. Ou encore Burnt room de Bogdan Vlăduță, un jeu formel de perspective qui ravit l’observateur, ou le réalisme extrême et à la fois onirique de Sergiu Toma.

Sur les murs blancs de cet espace on trouve tout ça, mais on ne trouve que de la peinture, et non les expérimentations habituellement liées à l’art contemporain, donc on se demande si c’est parce que, dans ce moment de la vie artistique roumaine, on ne trouve que de la peinture (ou principalement de la peinture) ou s’il s’agit d’un choix précis. Le fait de voir presque uniquement de la peinture (sauf une série de dessins et un video) confirme avec les murs blancs, l’ambiance « neutre », les tableaux accrochés assez loin les uns de l’autre, les cartels assez réduits… qu’il s’agit d’un choix cohérent, lié à un modèle d’accrochage conçu pour induire chez le spectateur une attitude de contemplation face à l’oeuvre d’art, avec une approche tout-à-fait esthétique, presque formaliste. Cet modèle, que l’on nomme le White cube, loin d’être la solution la plus simple pour monter une exposition, est vraiment chargé d’implication théorique et politique, parce qu’on est face à un système qui, tout en soulignant les caractéristiques esthétiques sans donner aucune information historique ou sociale, renvoie au canon du goût unique. Aujourd’hui on trouve assez souvent dans les expositions d’art moderne et contemporain des accrochages comme ceci, mais peut être que le choix du White Cube n’est pas le plus réussi ou le plus élégant pour montrer les oeuvres d’un pays qui sort de la dictature.

Silvia Cammarata

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