« Scènes Roumaines »

Par Violaine Oslé

Y a-t-il un art contemporain roumain ? Voilà la question posée par Hervé Mikaeloff commissaire de l’exposition « Scènes Roumaines » à l’Espace Culturel Louis Vuitton. Composée essentiellement de peintures auxquelles s’ajoutent quelques dessins, photographies peintes et vidéos, l’exposition propose un constat de ce qu’est la scène contemporaine roumaine.
Le spectateur est accueilli dès la sortie de l’ascenseur par l’étrange portrait du Dr. Josef de Adrian Ghenie. La petite toile fait le portrait de Josef Mengele – médecin nazi ayant effectué des expériences sur les juifs, notamment à Auschwitz. L’homme est méconnaissable, sous un chapeau vert le visage semble dégouliner en un mélange de sang et d’os, ce qui n’est pas sans rappeler les portraits des expressionnistes allemands.

« Scènes Roumaines » propose une grande variété d’artistes, différents aussi bien en âge qu’en style. Hervé Mikaeloff, commissaire de l’exposition, choisit de présenter des artistes issus de trois générations bien distinctes. Ils sont alors témoins de la Roumanie actuelle, entre mémoire, traditions et nécessité de dépasser la dictature de Ceauşescu. Cette clef essentielle à la compréhension de l’exposition n’est pas mise en évidence. Par ailleurs, l’exposition présente des œuvres issues de deux écoles différentes : la première est celle de Bucarest, le point névralgique et historique des avant-gardes roumaines et Cluj-Napoca lieu du renouveau de la création en Roumanie. Les artistes sont exposés pèle-mêle sans ordre chronologique ni explications apparentes.

Le parcours accompli par le spectateur est une boucle commençant par Dr. Josef de Adrian Ghenie et finissant par les photos peintes de Ion Grigorescu en passant par les grands intérieurs vides de Ioana Bătrânu. La scénographie réalisée par l’équipe d’Un point Trois se trouve réduite au minimum : murs blancs et cloisonnement en bois brut, comme des barrières disposées entre chaque artiste. Aussi l’articulation de l’exposition est étrange. La scénographie évoque très fortement un white cube et invite à la contemplation, cependant le propos des artistes – souvent mélancolique – se fait oublier. Il y a une volonté forte de mêler des artistes très différents – que ce soit par l’âge ou par l’école dont ils sont issus – et le semi-cloisonnement vient contrarier cette impression de joyeux fouillis où tout se lie pour former une « scène roumaine ».

Painters - Serban Savu 2013

Painters – Serban Savu 2013

 

 Cependant les toiles exposées sont remarquables et offrent un panorama intéressant de ce qu’est la création roumaine contemporaine. Il faut se laisser transporter dans le voisinage de Şerban Savu, goûter la mélancolie des photos peintes de Ion Grigorescu, entrer dans les toiles de Sergiu Toma, et lever le voile sur le fantôme de Mircea Suciu.