Quand tout devient événement par Nerea Gil

Ces choses qui touchent, qui font émoi, on ne sait pas du tout pourquoi. Elles échappent à l’histoire, avec ou sans majuscule, mais sans elles, l’histoire ne serait pas ce qu’elle est (Deligny, 1983, p.1745) (…) Il faudrait que nous filmions de nous ce qui nous échappe, ce qui ne se voit pas, ce se là étant ce qui se prend pour le sujet de l’histoire, de l’histoire proprement dite et de la sienne en particulier. (p. 1744)

La politique et l’art, comme les savoirs, construisent des “fictions”, c’est-à-dire des réagencements matériels des signes et des images, des rapports entre ce qu’on voit et ce qu’on dit, entre ce qu’on fait et ce qu’on peut faire. (Rancière, 2000, p. 62)

Dans cette période assez particulière toute action avant ignorée ou anodine retient notre attention. C’est comme si nos activités plus ou moins habituelles de chaque jour constituent, en soi, un phénomène depuis le début du confinement: aller faire les courses, se croiser dans la rue ou dans le bâtiment avec quelqu’un, faire ou recevoir un appel, regarder par la fenêtre, écouter les oiseaux, applaudir, etc. C’est comme si maintenant on a pris conscience de tout ce qu’on faisait précédemment sans se rendre vraiment compte. Tout cela qu’on faisait d’une façon automatique parce qu’on n’avait pas les temps, parce qu’on était pressés, parce qu’on faisait que se déplacer…depuis quelques semaines on a l’impression que le temps est suspendu. Notre rythme de vie s’arrête. Tout espace de transit devient espace immobile. La situation me rappelle une anecdote. Cela fait quelques mois avant le début de cette crise lors du cours nommée Exposition(s) un collègue commentait qu’il était en train de travailler sur la préparation d’une exposition dans laquelle les pièces seraient créées par des personnes qui habitaient dans une maison de retraite. On était en train de discuter autour de ce sujet. En parlant de cela, quelqu’un a demandé s’il y avait une certaine typologie ou modele commun dans ces créations. Lui, il expliquait qu’il y avait une certaine prédominance des représentations des espaces ouverts ou des images liées à la nature (paysages ,fleurs, natures mortes, etc). En rigolant un autre collègue disait: “c’est normal si moi j’étais enfermé dans une prison, ou quoi qu’il en soit, je ferais que peindre des paysages”. On rigolait tous à ce moment-là. J’ai l’impression que maintenant qu’on connaît un peu de plus près l’immobilité, d’une certaine manière, tout devient fenêtre, tout devient paysage, événement.

J’essaie toujours de travailler avec cela qui m’entoure. Mon intérêt est aborder chaque projet en relation à son milieu, autrement dit son contexte. Si on comprend par contexte “l’ensemble des circonstances dans lesquelles s’insère un fait”, circonstances qui sont elles-mêmes en situation d’interaction (le “contexte”, étymologiquement, “assemblage”, du bas latin contextus, de contexterre, “tisser avec”)” (Ardenne, 2002, p.17) . En conséquence une oeuvre qui prend en considération le contexte serait susceptible de “tisser avec la réalité”. Certains auteurs affirment que “au-delà de son caractère marchand ou de sa valeur sémantique, l’oeuvre d’art représente un interstice social” (Bourriaud, 2001, p.17). Dans les derniers temps travailler avec les témoignages, les récits ou les expériences me semble de plus en plus intéressant. Le projet constitue pour moi expression et outil de recherche au même temps.

Bon accueil (En cours)

Au début du confinement j’étais en train de travailler sur un projet qui est né le passé semestre pendant le cours Territoire et cinéma: cartes et modes de spatialisation. Le projet surgit de la proposition d’étudier la notion de lieu inaccessible dans le temps ou dans l’espace. J’ai travaillé à l’origine avec deux collègues sur une idée assez simple, celle de la recherche d’un ancien bâtiment disparu. Le point de départ pour démarrer ce dessein c’était les écrits, documents et les photos personnels de la personne qui habitait ce lieu. Une espèce d’itinéraire a été créé à partir de ses souvenirs. C’est surtout dans les parcours que l’on retrouve l’idée de territoire. On a parcouru ce trajet pour essayer de trouver l’endroit. Le projet est, à la fois, un récit et aussi le registre de ce parcours de recherche.

Ci-dessous le lien pour regarder la vidéo dans son état actuel: 

Sans titre (En cours)

Le but principales sur cet projet est créer un ensemble qui raconte deux différentes temporalités que se rencontrent sur le même espace. Je pars d’une archive des photos et des histoires du déplacement sur le territoire. Les derniers mois j’avais expérimenté avec l’enregistrement des sons sur place et la réalisation des entretiens. Je voudrais travailler avec ces différents éléments. Le projet n’est pas bien défini, je ne sais pas encore quelle forme il va prendre.


J’ai continue à travailler avec ces idées dans le cadre du cours Cinéma Nomade mais tenant compte des derniers événements j’essaye de mener les projets vers une autre direction. Le projet à continuation est né avec cette intention:

Appel a témoignages : Nouveau projet

Suite à la situation actuelle, notre vie habituelle de chaque jour est bouleversée. Ce changement travers tous les aspects de notre vie c’est-à-dire, les déplacements, les habitudes, les horaires. Notre perception du temps et aussi de l’espace se modifie ainsi que notre rapport au monde est notre rapport aux autres. Je me suis intéressée particulièrement à la communication. Suite au confinement on se réaffirme dans l’idée de qu’être en contact c’est plus que jamais synonyme d’être connectés. Dans ce sens, on trouve plein des expressions sur le web ou les réseaux sociaux qui révèlent comment chacun – depuis son coin – ressent cette période inédite. Plusieurs publications, posts, articles montrent comment on vit mais aussi comment on se débrouille pour rester en communication malgré les circonstances. Dans ce cadre-là je trouve particulièrement intéressant la correspondance effectuée entre voisins depuis le début du confinement. Sur différents formats: lettres, petites notes, mails… constituent des éléments de communications mais aussi de déclencheurs de mécontentements, malentendus, remerciements, de partages des expériences, appels à l’aide, etc. L’idée est élaborer un discours avec cela. Suite à une première recherche sur le web et sur mon entourage je profite de cette plateforme pour faire appel à collaborations et pour vous inviter à partager vos expériences pour constituer le projet. Merci de me contacter si cela vous intéresse ou vous connaissez quelqu’un qui voudrais contribuer.

Références

Ardenne, P. (2002). Un art contextuel: création artistique en milieu urbain, en situation, d’intervention, de participation. Champs arts, Paris, Flammarion.

Bourriaud, N. (2001). Esthétique relationelle. Les presses du réel.

Deligny, F. (1983, septembre). Camérer, Caméra/Stylo, n°4.

Rancière, J. (2000). La partage du sensible: esthétique et politique. La fabrique éditions.

Ce contenu a été publié dans Non classé. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.