John M Armleder, Amor vacui, horror vacui, vidéo, 3´28", Paris, 2007.


Dans cette exposition, c’est la toute première fois que je pratique la vidéo. Comme l’appareil photo numérique pèse en général moins lourd qu’un caméscope, j’ai plus de liberté en tournant l’objectif, qui devient mon œil; c’est-à-dire que je montre ma perception de cette exposition, l’intérêt sollicité et revendiqué dans ce cours. Ce qui est contraignant d’un côté, c’est que je ne peux pas faire un zoom comparable à un caméscope ; d’un autre côté, cela devient une particularité de tournage car l’objectif suit mes mouvements corporels, et ainsi l’image enregistre les traces de mes actes et de mes pensées. En tournant cette vidéo , j’ai remarqué que je regardais les œuvres exposées différemment qu’en étant juste une simple spectatrice. Je suis à la fois une spectatrice, une directrice, une scénariste, un cameraman, une guide et une artiste qui essaie de juxtaposer un double regard sur les œuvres, une double création. Différent qu’un documentaire qui enregistre de manière assez neutre et respecte la réalité, j’impose en quelques sortes mes propres regards, mes pensées, mes opinions sur l’ensemble des objets exposés. Dans ce cas-là, si l’artiste lui-même filme ses œuvres, deviendra-t-il une répétition de création ? La répétition est une façon de créer, de recréer, de maîtriser et de représenter. Dans mes poèmes ou mes écritures, j’ai souvent utilisé les synonymes pour renforcer et préciser de plus en plus les idées, laisser comme une trace de pensée, un parcours de réflexion.
Me recopie-je quand j’emploie le même processus pour peindre le même sujet ? Edvard Munch a fait une cinquantaine de versions de Le Cri, ce n’est pas pour rien. Il cherche à retrouver l’instant précis de l’émotion forte pour créer et recréer comme ce qu’il a dit :
Mon intention n’est pas de reconstituer ma vie d’une manière précise. J’entends plutôt rechercher les forces cachées de l’existence, les exhumer, les réorganiser, les intensifier afin de démontrer le plus clairement possible leurs effets sur la machine appelée vie humaine, et sur les conflits l’opposant à d’autres vies.
C’est un beau témoignage qu’il nous a fait car il ne cherche pas pathétiquement à reconstituer les scènes épouvantables dans sa mémoire, mais d’aller au-delà de sa douleur personnelle, la mélancolie. Ainsi, il a prouvé que la force destructive peut être transformée en force créatrice, trouver la force de l’existence humaine qui est en soi pour rebondir, détourner la situation, et cela dépend de la volonté de chacun.


Dans cette exposition, ce qui m’intrique le plus c’est l’idée de la vacuité de l’artiste : « ce que je fais est en vain, mais je le fais quand même ». La vacuité, donne-t-elle la vertige ? Le sentiment de perdre quelque chose est troublant, dérangeant. Cela me donne l’inspiration d’utiliser la distorsion comme une vision intérieure pour dialoguer avec l’artiste, de même que l’usage de la musique de René Aubry, qui fait penser au voyage intérieur.

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