Andrea Urlberger, « Les figures de l’arrêt »

Andrea Urlberger, « Les figures de l’arrêt »

Résumé:
Les figures de l’arrêt
Si les usages des médias localisés et notamment le GPS sont indéniablement liés à la mobilité, son contraire, c’est-à-dire la prise en compte de l’arrêt, apparaît également dans la plupart des propositions artistiques utilisant ces instruments. Représenter l’arrêt, cette absence de mouvement s’appuie sur l’utilisation de la donnée temporelle des coordonnées produites, car le GPS enregistre une localisation, peu importe si le récepteur est en mouvement ou non.
Dans NomadicMILK de l’artiste hollandaise Esther Polak, un petit robot retrace avec du sable les différents parcours d’un peuple semi-nomade nigériens, les Foulani et des transporteurs de lait au Nigeria, matérialisant l’arrêt par des petits tas de sable dont la hauteur est déterminée par la durée de l’arrêt.

Dans Field-Works@Alsace de Masaki Fujihata, l’arrêt se matérialise lors de la rencontre avec l’autre, il faut s’arrêter pour pouvoir échanger. Cet arrêt propose une représentation qui se construit essentiellement à travers la perception du paysage par ses habitants. Gravicells de Seiko Mikami utilise également l’arrêt, mais c’est celui du spectateur. Son arrêt et son « poids », c’est-à-dire sa gravité, déclenche la projection d’un paysage 3D. Pour Hendrik Sturm l’arrêt lors d’une marche est symbolisé par des cercles plus ou moins grands qui s’inscrivent dans une carte. Le recouvrement « graphique » de la  carte est plus important si un arrêt se prolonge.
L’arrêt signifie l’enregistrement d’une absence de mobilité. Cette absence permet parfois une pénétration et une compréhension plus importantes du territoire parcouru. Produisant une autre forme de présence, la représentation spatiale de l’arrêt s’apparente parfois au tas (voir le tas de sable dans NomadicMILK d’Esther Polak), au face à face (voir Field-Works@Alsace de Masaki Fujihata) ou au cercle (voir Marcher d’Hendrik Sturm).
Pourtant, l’arrêt enregistré par le GPS n’est jamais total. C’est une oscillation, un cumul, une hésitation. En effet le GPS est exact à plus ou moins 10 mètres. En conséquence, même à l’arrêt, le signal hésite. Ce n’est pas uniquement le mouvement qui produit des savoirs, mais également son absence. S’arrêter peut signifier l’ouverture d’un espace de réflexion et permet de montrer comment l’absence de mouvement signifie une autre possibilité de pénétrer, voire de creuser, dans les territoires. Loin d’être figées, ces figures de l’arrêt indiquent que l’immobilité territoriale autorise différentes formes de compréhension territoriale, ouvrant aussi sur des espaces de la rencontre, de l’échange, de la pensée et de la réflexion. Parallèlement, rendre l’arrêt explicite permet d’interroger l’éloge de la mobilité, voire l’illusion de la mobilité totale, et peut trouver des résonances dans des situations géopolitiques plus larges.

Voir aussi:
Entretien d’Esther Polak avec Andrea Urlberger et le site « Paysage technologique — théories et pratiques autour du Global Positioning System ».

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