Marion Tampon-Lajarriette : Manderley





Manderley, 2007
« À partir de photogrammes tirés du film d’Alfred Hitchcock Rebecca se monte une maquette virtuelle du complexe décor du château Manderley ; maison-personnage aux multiples recoins, déambulations aux multiples hantises. Ce lieu fictif n’existe pas physiquement mais a pu être appréhendé à travers l’expérience du film, la reconstruction mentale qu’on en fait, par la projection-souvenir qu’on peut en avoir. Il est ici rendu habitable et parcourable par le spectateur. Ce vaste labyrinthe de photogrammes s’apparente à un château de cartes où l’illusion d’espace est parfois donnée au spectateur pour le laisser ensuite face à une série d’écrans-projections plats. » M.T.-L.

Marion Tampon-Lajarriette a réalisé en 2007 une vidéo-animation 3D de 20 mn intitulée Manderley. Il s’agit d’une œuvre subtile et complexe, qui ne doit pas se réduire à nos catégories d’étude. Cependant, elle peut être proposée comme un nouveau prototype des « objets spatio-temporels » repérés et analysés ici.
Exposé déjà à plusieurs reprises, acquis par plusieurs collections dont celle du Mamco à Genève, ce film a fait l’objet d’une édition DVD à tirage limité. Voici le texte qui accompagne ce DVD :

« De Rebecca, Marion Tampon-Lajarriette saisit le lieu : Manderley. Le film d’Hitchcock aurait pu se nommer ainsi, car le château de Manderley est certainement plus qu’un décor, plus qu’un personnage. Manderley est un objet spatio-temporel, comme l’est au demeurant tout film — objet au sens strict, un ruban juxtaposant les photogrammes qu’il s’agit de voir tour à tour —. Mais ici, c’est une salle obscure virtuelle et infinie où seules quelques-unes de ces photographies ont été élues, dressées comme les écrans d’un diorama disloqué. Elles sont là en quelque sorte à leur place, dans un espace qui a la topologie de Manderley.Et, de proche en proche, il nous est donné de traverser le film, d’y vérifier la présence d’une silhouette, d’une scène. Ce ne sont pas elles qui entrent en scène, c’est nous qui surgissons dans leur suspens. C’est nous qui nous inquiétons de les surprendre. Dans sa linéarité hésitante mais inéluctable, notre dérive est comme aimantée par un but qui nous est inconnu et cependant prémonitoire. Le souvenir du film Rebecca est éventuellement là, mais plutôt la sensation de déjà-vu, cette fausse réminiscence qui émerge de circonstances où se croisent le vertige et l’évidence du temps réel.L’immersion que procurent ordinairement les espaces tridimensionnels ne fait rien ici qui puisse relever de l’illusion; bien au contraire, elle est là pour nous permettre la vision de biais de ceux qui aiment le cinéma sans s’y noyer. Et ce dispositif de mise à distance nous donne à lire les pages arrachées d’un volume cinématographique, dans toute la puissance de leur énigme. »
Jean-Louis Boissier, février 2008


Marion Tampon-Lajarriette (1982), a étudié à la Villa Arson (Nice), à l’École des beaux-arts de Lyon et à la Haute école d’art et de design de Genève.

Liens : Galerie Skopia, Genève; Printemps de septembre, Toulouse 2008.

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