UbuWeb

Une source exceptionnelle de sons et de films, d’œuvres.

Au royaume d’UbuWeb, trésors sonores et visuels d’avant-garde
Le Monde | 18.10.2007

Marcel Duchamp a fait du cinéma, tout comme Guy Debord, Jean Genet ou Samuel Beckett. Il a également composé, comme Jean Dubuffet, et comme Louis-Ferdinand Céline (ubu.com diffuse les deux chansons : A noeud coulant, et Règlement). Des oeuvres de ces artistes sont disponibles sur le site que Kenneth Goldsmith a lancé en novembre 1996. Cet Américain poète et universitaire passionné d’Alfred Jarry s’est donné pour mission d’archiver sons, textes, films et vidéos des principaux artistes de l’avant-garde « et au-delà ».

« UbuWeb n’a pas besoin d’argent, de financements ou d’appuis », peut-on lire sur le site. Son conseil d’administration est composé d’universitaires, l’hébergement offert par des donateurs, et les contenus transmis, la plupart du temps, par des amateurs et collectionneurs, avant d’être mis en ligne, « à la main » et « sans aucune autorisation ». UbuWeb s’est même lancé dans la réédition, version électronique, de livres épuisés ou introuvables, dont certains de Claude Simon, Maurice Blanchot, Robert Wilson ou encore Monique Wittig. Certains ayants droit ont certes protesté, mais, signe de reconnaissance s’il en est, de nombreux éditeurs enrichissent désormais cette « bibliothèque infinie aux rayonnages illimités » en lui fournissant gracieusement les copies des films ou enregistrements sonores que, par ailleurs, ils commercialisent sur le marché.

UbuWeb est de plus en plus souvent cité dans les travaux universitaires: c’est le seul endroit ou presque où l’on peut lire, voir et écouter de tels trésors. Récemment, UbuWeb a ainsi mis en ligne une version sonore du Pont Mirabeau, enregistré par Guillaume Apollinaire en 1913, et un documentaire psychédélique de Salvador Dali parti chercher, en 1973, le grand champignon blanc en Mongolie. On peut aussi y télécharger, en mp3, la leçon inaugurale de Roland Barthes au Collège de France en 1977 (et les 36 heures de cours qu’il y délivra jusqu’en 1978), des séminaires de Jacques Lacan, la Symphonie monotone, d’Yves Klein, ou encore la célèbre conférence que fit Antonin Artaud en 1947, « Pour en finir avec le jugement de Dieu ». Au rayon cinéma, les « classiques » de l’avant-garde (René Clair, Man Ray, Fernand Léger) croisent les vidéos du mouvement Fluxus, les films militants du groupe Dziga Vertov (Godard y pratiquait alors un cinéma « prolétaire »), mais aussi le Traité de bave et d’éternité, d’Isidore Isou qui, en faisant scandale à Cannes en 1951, fit découvrir au jeune Guy Debord, 19 ans, le mouvement lettriste (qui est au situationnisme ce que Dada fut au surréalisme).

Sur Internet : http://www.ubu.com.

Jean-Marc Manach


Kenneth Smith

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