La pure chaîne des relations

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Du 7 au 31 janvier 2010 au palais de Tokyo, le Module présente Marion Tampon-Lajariette, Caméra 1, Plan 8, 2008


Caméra 1, Plan 8, 2008. Vidéo d’animation 3D, 12 mn en boucle.

Le film est une animation en images 3D figurant une mer au large vue d’en haut, selon un mouvement complexe de travellings et de panoramiques. Dans la bande son, on reconnaît une musique hitchcockienne et la voix de James Stewart dans La Corde (1948). On sait que ce film d’Hitchcock est réputé n’être qu’un long plan séquence. S’il présente bien sûr des raccords masqués, sa caractéristique n’en est pas moins que le temps du film renvoie au temps égal d’une scène dramatique continue. Adapté d’une pièce de théâtre, le film se situe dans une unique pièce dont les vastes fenêtres donnent sur la ville à la tombée de la nuit. Un crime a eu lieu dans un moment qui précède le film et c’est vers la fin du film que James Stewart va comprendre et révéler comment il a eu lieu. La caméra se porte alors vers le décor sans personnages pour désigner le modus operandi du meurtre. Marion Tampon-Lajariette a noté avec précision l’enchaînement du mouvement de la caméra porté par ce récit et c’est cette même variation très fluide mais déterminée, non aléatoire, qu’elle applique à la caméra virtuelle qui « filme » la mer de synthèse. Le point de vue, inaccessible, improbable autrement qu’en pensée, qu’est l’immensité répétitive et hors champ de l’océan, donne à éprouver le mouvement dans sa plus grande pureté abstraite et énigmatique tout en réveillant le souvenir d’un film et de son moment le plus explicitement virtuel d’« image-relation », d’un tissage dont il ne reste plus que la chaîne sans rien qui se trame. *

*Deleuze, Cinéma I. L’Image-Mouvement, Minuit, pp. 270-271 : « La Corde est fait d’un seul plan pour autant que les images ne sont que les méandres d’un seul et même raisonnement. La raison en est simple : dans les films d’Hitchcock, une action, étant donnée (au présent, au futur, au passé), va être littéralement entourée par un ensemble de relations, qui en font varier le sujet, la nature, le but, etc. […] C’est cette chaîne des relations qui constitue l’image mentale, par opposition à la trame des actions, perceptions et affections. »


photo JLB, 7 janvier 2010, Palais de Tokyo, Paris.

Marion Tampon-Lajariette a donné une conférence le 9 décembre 2009 dans le cadre de l’Observatoire des nouveaux médias. L’intégralité de l’enregistrement est consultable sur le site OdNM.

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