Quand les souvenirs ressurgissent des murs…

104, rue d’Aubervilliers, Paris, un monde à part dans un quartier qui semble avoir cessé de vivre avec ces immeubles délabrés semblant appartenir à un autre temps, à une autre époque… Je traverse des rues, mortes, grises et noires : je me retrouve comme dans un film en noir et blanc. Le temps amplifie d’ailleurs cet atmosphère morose… J’ai dit morte, non pas tout à fait, je croise quelques gens et un chihuahua… C’est amusant de voir un chihuahua à ma droite et de lire à ma gauche une pancarte : «  Défense d’uriner  ». Je marche tout droit jusqu’à ce que je me retrouve en Bretagne. Devant moi, la mer, des bateaux et des mouettes qui guettent les éventuels poissons que le restaurant «  La Criée  » n’aurait pas réussi à faire manger à ses clients… Poissons pas frais ? Je ne sais pas. Je longe le quai, je trouve que l’image est belle : des mouettes volent au dessus de l’eau et sont posées sur des bouées. Dommage que je ne l’ai pas pris en photo… La Bretagne avec ce temps gris et son atmosphère maussade. La vue de ce paysage me fait penser à la mort mais aussi au passé qui n’est plus et ne reviendra jamais…

Je continue à longer le quai puis je m’engouffre dans une rue pour me retrouver dans la rue de Colmar. Je suis de nouveau à Paris mais pas loin de l’Alsace non plus… Ah, l’Alsace, cela me rappelle mes dernières vacances avec mes parents qui remontent à l’an 2000. Il faisait le même temps gris qu’aujourd’hui mais les maisons à colombages redonnaient un peu de gaieté au mauvais temps. En 2000, c’est aussi l’année où mon ex m’a larguée. Tristes souvenirs… Au début de la rue, je repère une maison fissurée dont les fissures semblaient avoir été recollées avec de la colle blanche (il y a des traces blanches sur les fissures). L’entrée de la maison est rebouchée, personne ne peut y pénétrer et personne semble y vivre. Cette maison me fait peur, elle est sans doute hantée. Qu’est-ce qu’il a pu se passer ici ? Je ressens la mort près de cette dernière. Je m’imagine alors un scénario et une enquête. Mlle K. est morte et son corps a été caché dans cette maison. Mais de quoi est-elle morte ? Morte d’avoir mangé des fruits de mer pas frais à la Criée ?
Je suis donc revenue vers le quai. Je suis attirée par ce quai, comme un aimant, et je trouverai la solution en longeant ce quai. Je marche, marche, marche, il fait froid. Je m’arrête devant le reflet de la Géode sur l’eau : c’est drôle de voir un bâtiment qui reflète le ciel et qui se retrouve être à son tour un reflet dans l’eau qui reflète aussi le ciel. Cela me rappelle mon enfance. Quand j’étais enfant, j’aimais regarder entre les deux portes miroirs de l’armoire à pharmacie que je positionnais de manière à ce que les deux portes forment un triangle pour y voir mon reflet à l’infini. N’ayant pas d’amis, je me retrouvais avec pleins de clones de moi-même et pleins de nouveaux amis. J’ai ensuite quitté le reflet de la Géode et mes pensées pour revenir à ma petite enquête. Je passe devant le Zénith… Ah, le Zénith, dommage, je n’avais que 4 ans lorsque Johnny Clegg, mon chanteur préféré, a fait son premier concert… Son dernier concert au Grand Rex, en 2006, était vraiment médiocre, payer 65 euros pour voir des fesses devant soi et devant le chanteur… Bon assez dériver, revenons à nos moutons. J’aperçois des camions d’Holiday on ice, et si Mlle K. n’était pas en fait une patineuse qui se serait tuée sur scène ? Mais non, cela ne peut pas être cela, son corps n’aurait pas été caché. Je décide de continuer ma route. Je me retrouve devant un terrain vague avec des camions transportant du béton, et là, j’ai ma solution : Mlle K. s’est faite assassiner sur ce terrain vague par un ouvrier, voulant cacher son corps, il se rappela de la maison délabrée qu’il avait vu « rue de Colmar », lorsqu’il avait dîné avec sa femme à la Criée, il enferma la femme dans cette maison et reboucha les trous et l’entrée de la maison avec du béton. Personne n’aurait l’idée d’aller voir ce que cette maison renfermait. Enfin, il faut trouver pourquoi il l’a tué ? Mais, oui, c’est logique, elle était patineuse dans le spectacle d’Holiday on Ice. Il a eu une relation extra conjugale avec cette dernière et comme elle le menaçait de tout raconter à sa femme, il a donc décidé de la tuer. Cela rappelle un peu le scénario de Match Point de Woody Allen. J’ai donc trouvé la solution, je peux enfin rentrer chez moi mais il n’y a pas de métro avant Aubervilliers ! J’ai donc marché, je me suis arrêtée dans un café, comme j’avais que 2 euros, j’ai bu un café, je n’aime pas boire de café à 18h30, je ne dormirai donc pas cette nuit…

C’est l’heure maintenant des constats : après cette balade, les lieux que j’ai croisés m’ont mis d’humeur noir. Le temps gris renforçait la noirceur des lieux. J’étais noire comme la mairie de Pantin noircie par le temps et la pollution. Donc, un petit conseil: si vous êtes déprimé, ne passez pas dans le coin d’Aubervilliers !

Véronique Godec