Symbolique des passages – 1e projet LMA
La promenade dans les passages parisiens, nous a fait découvrir un espace inédit, avec beaucoup des résonances symboliques à déchiffrer; un espace en fer et en verre dans lequel l’architecture se mélange à la rêverie. Tout au long de cette incursion, nous avons été accompagnés par les textes de Walter Benjamin, présentés par Marc Berdet. Immergés dans une architecture spécifique des débuts de la construction en fer, nous avons plongé dans un temps révolu, là où se détache la figure du flâneur baudelairien analysée par Walter Benjamin.
Le passage s’ouvre devant le flâneur comme un paysage, mais l’enferme comme dans une chambre. L’ouverture est donnée par le plafond vitré qui laisse passer la lumière naturelle mais qui enferme l’espace. Cette construction rappelle la serre, qui se trouve à l’origine de toute architecture en verre et en fer. Le verre peut faire penser aussi à un aquarium. Serre et aquarium comme symboles d’une vie illusoire, d’un manque de liberté, mais qui offrent des conditions de vie, constituent un refuge: « …jusqu’en 1870 la rue appartenait aux voitures et on flânait surtout dans les passages qui offraient une protection contre les intempéries et le trafic. »
Dès l’entrée, les couloirs mènent vers un paysage onirique, avec la lumière qui vient d’en haut, ouvert et fermé à la fois, formé de galeries qui «courent à travers des blocs entiers d’immeubles». Le caractère onirique est donné par cette impression étrange d’être «dehors et dedans» à la fois, dans une structure urbaine de micromonde, une ville dans la ville, avec des magasins et des appartements. Dans son Livre des Passages, Walter Benjamin parle justement du caractère «fantasmagorique» de la construction. Cette fantasmagorie semble avoir inspiré le décor des grands magasins qui mettent ainsi la flânerie même au service de leur chiffre d’affaires. Dans le Livre des Passages, on retrouve aussi l’idée des passages de la ville comme des cavernes préhistoriques, dont le consommateur est le dernier dinosaure de l’Europe: «La flore immémoriale de la marchandise pousse sur les parois de ces caverne ». La grotte implique aussi l’idée de quelque chose enfouie, cachée, sombre, qui donne envie d’être explorée. Les passages comme labyrinthe symbolisent un espace intérieur où habite ce qui est le plus mystérieux dans l’âme humaine. En se mouvant dans les galeries des passages, on fait un voyage symbolique vers soi-même. C’est en explorant un espace extérieur qu’on arrive au plus profond de l’être, pour se retrouver finalement soi-même.
La notion de flânerie est souvent à la base de démarches artistiques de nombre d’artistes contemporains, comme Francis Alÿs, Gabriel Orozco, Robert Smithson, Richard Long, etc. pour lesquels marcher est l’équivalent de créer. Comme Thierry Davila l’affirmait, «le corps mobile, celui du flâneur, est plus que jamais aujourd’hui le substrat de la mobilité dans l’art, sa véritable incarnation. »