-- La figure dans le paysage (Paris 8) » 5e projet LMA: Dérive

Un froid de loup

Article publié le : Mercredi 4 mars 2009. Rédigé par : Hyo-Sook Kim

Sans trop réfléchir, j’ai suivi la queue.
En sortant du 104 on marche dans la rue à contre sens de la circulation des voitures.
On traverse des bâtiments assez hauts.
Dans la forêt de buildings, la chanson des oiseaux vibre fortement amplifiée dans mes oreilles.
En passant dans cette jungle du béton, cette fois-ci, je vois des arbres emprisonnés par la circulation des bagnoles. Au milieu des routes, il y a deux files des arbres.
Je suis retombé à mon point de départ  »métro Riquet ».
Sur un étroit trottoir, je croise un homme en portant une combinaison bleu.
oui Blue Man Group
Derrière un café tout rouge, je trouve des bateaux stationnés au bord de la Seine.
Ils ont leur propre caractère. On se dirige vers la rive droite.
On monte sur un pont en béton mais il souffle comme du sable.
Une panneau dessiné une maison avec 19°c, me fait refroidir plus.
Au bout de 30 minutes, les gens portent des gants et un bonnet.
Mais I’m okay. Au loin un néon OKAY BAR éclaircit mon cœur.
Ce bar flotte sur l’eau comme Venise.
On continue de suivre la Seine, ensuite, on tombe dans une zone de chantier.
L’usine, la camion, et la fumée.
Tout les dix minutes je vois différents aspects cohabiter auprès de La Seine.
Je m’entoure des éclats de rire des enfants, des ballons, des respirations de joggeurs.
Ça y est c’est fini.

Enfin je retrouve la chaleur de l’autre dans une longe promenade glaciale.

Max Bill versus Guy Debord et Asger Jorn

Article publié le : Mardi 3 mars 2009. Rédigé par : Liliane



Max Bill, Pavillon suisse dans les Giardini, Venise;
Exposition Yves Netzhammer

«Max Bill connaissait les situationnistes. Asger Jorn, cofondateur de l’I.S. avec Debord, l’avait contacté en 1953, dans l’objectif d’une éventuelle collaboration justement sur l’idée du nouveau Bauhaus d’Ulm, mais ils se sont plutôt mal entendus… il existe une série de textes très intéressants sur ce débat de l’époque, développé notamment lors de la Triennale de Milan. Résultat, Jorn et ses amis, ont fondé le Mouvement International pour un Bauhaus Imaginiste, contre le bauhaus de Bill…» nous a dit Vanessa Theodoropoulou.
Mirella Bandini, dans son article «L’architecture contemporaine et la configuration urbaine situationniste de Debord, Constant et Jorn. Les prémices utopiques de Breton et Isou» in Le Mythe de la ville situationniste, edizioni Peccolo Livorno, 2008, focalise justement sur l’architecture et fait une rapide généalogie du situationnisme dans cette optique, pour conclure sur des propositions architecturales actuelles qui relèveraient des idées du situationnisme, «Rem Koolhas, Frank Gehry, Jean Nouvel, Zaha Hadid, Massimiliano Fuksas, Shigeru Ban et Toyo Ito» : «Désormais, [dit-elle], des bâtiments aux formes résolument libres circulent dans l’espace et se métamorphosent au gré de la lumière grâce à l’utilisation de nouveaux matériaux, offrant ainsi des possibilités intrinsèques de variabilité et de transformation de l’habitat. L’importance de ces résolutions ont lentement mûri à partir des années cinquante, période durant laquelle elles ont été élaborées et propagées théoriquement par l’Internationale situationniste (1957-1962) à travers les thèses de l’Urbanisme Unitaire, conjointement débattues par Guy Debord, Constant et Asger Jorn, ainsi que par le mouvement lettriste d’Isidore Isou. Pendant cette phase, le phénomène urbain fut envisagé de manière polémique, notamment en réaction contre les thèses de l’architecture fonctionnaliste et de l’Industrial Design défendues à Ulm par Max Bill.»
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Par les villages sans églises

Article publié le : Mardi 3 mars 2009. Rédigé par : Nan Liu

Par les villages sans églises[1]

J’en doutais

Je pourrais faire une expérience situationniste
En traversant des rues industrielles, des rues commerciales
Dans une mobilité sèche mécanique anti-pesanteur
Essayant de comprendre par sa négation
Le paysage urbain unitaire traduit spirituellement jadis
Au cœur de la mythologie situationniste

Des néons des boulangeries pâtisseries pharmacies opticiens brasseries tabacs lingeries
Constellation profane aussi éternelle
Nous conduisirent dans des quartiers périphériques
Où les fenêtres brisées furent assimilées par la brique et le béton
Où le pignon d’un bâtiment sur lequel la ligne blanche contourna son voisin assassiné
Où les toilettes au motif rouge du magasin côtoyèrent des femmes aussi flatteuses
Sur les pages des magazines pornos
Où les adolescents ne s’habillaient que de noir et de blanc
Se groupèrent au carrefour
Dont un me hurla brusquement « Chinoise ! » avec sa lucidité effroyable
Où les enfants qui abusaient l’innocence douteuse
Poussèrent le cri suraigu

J’en doutais
Je pourrais faire une expérience situationniste
Cette expérience esthétique poétique politique problématique
Alors j’ai pris des photos
Comme un refus de faire l’expérience
Comme l’épreuve physique ne me fit pas trouver
L’intelligence la fantaisie le délire la liberté
Qui toujours me manquaient d’ailleurs
De dé-créer et recréer mon expérience d’existence

 


[1]. « Devant l’huis des auberges grises, Par les villages sans églises« , Guillaume Apollinaire, « Saltimbanques», Alcools, Editions Gallimard, 1920

L’île

Article publié le : Lundi 2 mars 2009. Rédigé par : Javiera Carrasco

Nous sommes beaucoup,

sans parler

On marche comme une île

On traverse la balade des autres,

sans parler

Les oiseaux rares chantent de froid.

Marcher au bord du canal n’est pas se perdre, le canal est déjà la trace d’avant.

On traverse la marche des autres et nous n’avons pas encore de souvenirs.

Avec le froid toute est transparent et comme en train de disparaître… derrière.

On imagine la trajectoire.

Nous sommes une île sans mots, on traverse le froid,

aller & retour.

L’île commence à disparaître elle aussi.

Petit à petit des morceaux d’île partent pour s’effondrer dans le froid.

Si on arrive à rester tous unis, peut être le froid partira.

Le reste d’île s’arrête, devant un autre paysage plein d’autres îles, différent au nôtre. D’autres îles dessinent le contour de ce nouveau paysage.

On traverse les autres îles pour nous perdre, on traverse le paysage sans arriver.

Les oiseaux ne chantent plus et nous ne sommes plus une île.

Est-ce qu’on voulait vraiment renverser le monde ?

Article publié le : Lundi 2 mars 2009. Rédigé par : Noëlle Lieber

Ce que j’ai retenu de cette dérive expérimentale c’est qu’on a un rapport émotionnel avec la ville. Je l’oublie par moments, mais je le sais très bien. Ma relation avec Paris change, après avoir vécu ici quatre ans j’ai enfin des souvenirs. Je me souviens quand je n’avais pas de souvenirs. C’est ça être étranger, être étranger à soi même, à son histoire, rupture entre l’espace et le temps. L’espace et le temps passé restent comme dans une boule derrière, on a en face de nous un espace sans temps, jusqu’au moment où on s’aperçoit que le temps retrouve l’espace, qu’on a construit quelque chose. Cette dérive m’a confirmé cela, car on est passé par des endroits qui me sont très chers.

C’est là que le concept de psychogéographie apparait. Je pense que la psychogéographie n’est ni ce qui est dans la tête du promeneur (ou dans sa psyché), ni ce que la ville propose elle-même (la géographie), mais un entre-deux, l’interaction, le rapport intime entre des choses vivantes de différente nature -la ville est vivante à sa manière, on l’a pu constater dans cette marche silencieuse. Mais quand je lis la définition que donne Guy Debord en 1955 du concept de psychogéographie comme « l’étude des lois exactes, et des effets précis du milieu géographique, consciemment aménagé ou non, agissant directement sur le comportement affectif des individus»[1] je m’interroge sur ma manière d’interpréter ce mot. Il me semble que pour Debord il ne s’agit pas d’interaction mais d’effet, comme si la ville précédait l’homme, comme si une chose venait avant l’autre. D’autre part, cette technique de réappropriation de l’espace se voulait révolutionnaire, c’était un geste politique. Alors je me demande sérieusement si on a fait une dérive situationniste –est-ce qu’on voulait renverser le monde ? est-ce qu’on a construit une situation ?- ou si on a juste fait une promenade. Et si je me pose la question c’est parce que j’aimerais bien qu’un jour on se décide à le faire : renverser le monde… mais qu’est-ce que cela veut dire renverser le monde ?

 


 

[1] Guy Debord, « Introduction à une critique de la géographie urbaine » in Lèvres nues, n° 6, Bruxelles, 1955

 

Un regard intérieur – dérive du 18 janvier

Article publié le : Samedi 28 février 2009. Rédigé par : Lavinia Raican

Ferry boath sur Danube

Ferry boath sur Danube

Lors de la promenade du 18 Janvier. Il faisait assez froid ce jour là, je me rappelle. Comme Julie, j’avais les mains gelées, que je ne pouvais presque pas prendre des photos.
Nous partons du 104 et traversons les rues désertes, dans notre petite aventure hivernale. Par ici par là les immeubles gardent la trace des autre immeubles disparus. Ici, a été une fois….. mais l’espace est vide. Il n’y reste que la structure dessinée sur les murs voisins. Comme dans le film de Christian Boltanski. Là ou la bombe à tombée, l’immeuble n’existe plus. Enfin, nous arrivons au canal. Petit à petit je commence à me réchauffer en marchant. Je ne suis jamais passée par là, mais le paysage m’a l’air familier. Comme un Don Quichotte contemporain, le petit Canal St Martin au cœur de la ville, prend pour moi des dimensions d’un fleuve immense. C’est mon Danube natal qui défile sous nos yeux. Le vieux fleuve coule ses vagues endormies dans une marche ininterrompue, emportant avec lui nos désirs les plus enfuis. C’est décidé. Ce soir, nous allons tout simplement noyé nos peurs dans l’eau boueuse….. «Viens, mon amour, on va jouer au « Solitaire » sur la rive droite du notre cœur…» Je marche à Paris et mon regard est ailleurs. Paris est là, mais la dérive est à l’intérieur, sur la falaise de mon adolescence.
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dérive

Article publié le : Samedi 28 février 2009. Rédigé par : Margot Jayle

À travers les vitres, rue de Tanger, les rideaux aux couleurs pastel, nous regardent partir sous les voiles Riquet, c’est déjà le Canal. Bruits métalliques des boules sur le sol caillouteux, un groupe de messieurs aux cheveux grisonnants, émettent des sons criards et confus. Moqueries et railleries semblent de paire, on dirait des canards. L’un d’entre eux crache. Au bord de l’eau, la rotonde de Ledoux demeure statique, malgré les lumières rouges du cinéma qui l’éclaboussent et l’agacent.

En descendant du pont, une petite fille essaye d’expliquer son chagrin en anglais. Ses pleurs sont contraints. C’est difficile, elle ne veut pas tomber et l’escalier est abrupt. Elle doit, dans l’effort, négocier entre les mots et la peine qui l’envahit. C’est tout en même temps, c’est confus, comme des pots de peintures qui se mélangent. Elle a peur. Sa grand-mère est pressée et ne veut pas essayer de comprendre quoi que ce soit, sur le pont qui tangue. C’est vertigineux. Le bar Ourcq est fermé. C’est l’hiver. It all looks lonely…

Un lambeau de tissus mouillé sur le sol esquisse une direction, c’est le début de la rue Colmar. Derrières les grillages, en face des jardins, des femmes travaillent sans parler. Les panneaux de signalisation laissent le choix de tourner à gauche ou à droite. On tourne et contourne chaque pâté de maison un à un, c’est comme un jeu. Dans les ruelles, nous sommes des perles qui glissent sur un fil enroulé à l’infini.

Au-dessus de nos têtes, le pont est vieux et tout rouillé, débris inerte, cadavre du périphérique extérieur. L’eau est verte et trouble, sans reflets. Heureusement, les feux rouges de la Villette se dédoublent sous la galerie de l’Ourcq. On entend le chant des baleines et des enfants. Le manège tourne avec frénésie comme un soleil en plein hiver. Au sol, des boules géantes et des sapins, un enfant court en criant : « alerte rouge, alerte rouge ». L’eau du canal frétille. Un monde en ébullition vit sous l’eau.

Des gouttes tombent sur les graviers, de la fumée à l’horizon, on entend les voitures qui roulent sur des ponts suspendus. Les grands moulins de Pantins ronronnent au milieu des troncs d’arbres coupés et encerclés de rouge. Je monte le petit escalier. Pas plus de temps pour regarder, c’est une dérive au pas pressé. Au carrefour, c’est un fourmillé humain, les têtes tournent dans toutes les directions. Les voitures essayent d’avancer. Il y a des perruques dans les vitrines et des 2ooo écrits partout. Nous cherchons un café pour nous abriter. De l’autre côté du boulevard, un homme regarde fixement un poulet broché qui tourne sur un axe.

Quand les souvenirs ressurgissent des murs…

Article publié le : Vendredi 27 février 2009. Rédigé par : Véronique Godec

104, rue d’Aubervilliers, Paris, un monde à part dans un quartier qui semble avoir cessé de vivre avec ces immeubles délabrés semblant appartenir à un autre temps, à une autre époque… Je traverse des rues, mortes, grises et noires : je me retrouve comme dans un film en noir et blanc. Le temps amplifie d’ailleurs cet atmosphère morose… J’ai dit morte, non pas tout à fait, je croise quelques gens et un chihuahua… C’est amusant de voir un chihuahua à ma droite et de lire à ma gauche une pancarte : «  Défense d’uriner  ». Je marche tout droit jusqu’à ce que je me retrouve en Bretagne. Devant moi, la mer, des bateaux et des mouettes qui guettent les éventuels poissons que le restaurant «  La Criée  » n’aurait pas réussi à faire manger à ses clients… Poissons pas frais ? Je ne sais pas. Je longe le quai, je trouve que l’image est belle : des mouettes volent au dessus de l’eau et sont posées sur des bouées. Dommage que je ne l’ai pas pris en photo… La Bretagne avec ce temps gris et son atmosphère maussade. La vue de ce paysage me fait penser à la mort mais aussi au passé qui n’est plus et ne reviendra jamais…
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… dérive dirigée

Article publié le : Vendredi 20 février 2009. Rédigé par : Cindy Theodore

Le 18 février 2009, à 16h39 la dérive commence rue d’Aubervilliers. Il fait froid. Je me rends compte alors que je n’ai pas la tenue adéquate pour dériver. Je pense trop au froid. Puis, une chose attire mon attention. Une façade d’immeuble peinte en trompe l’œil fait l’angle de la rue Riquet et de la rue d’Aubervilliers. L’atmosphère du coin ne m’inspire pas grand chose. Les immeubles sont tristes et le temps est gris. On croise des gens, des habitants du quartier dans les rues. Le tempo de la dérive s’accélère. Peut-on dériver en marchant vite? Nous déambulons dans les rues, traversons des passages cloutés…pour regarder quoi? rien de passionnant.
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5e projet LMA. 18 février 2009. Dériver.

Article publié le : Mercredi 18 février 2009. Rédigé par : Gwenola Wagon

au CENTQUATRE. La conférence sur la dérive psychogéographique de Vanessa Theodoropoulou commencera à 15h 30 au CENTQUATRE (104 rue d’Aubervilliers / 5 rue Curial 75019).
Nous partirons pour une dérive SILENCIEUSE en direction d’Aubervilliers ; nous croiserons le canal Saint-Denis en passant par des espaces labyrinthiques jusqu’aux Laboratoires d’Aubervilliers.
Pendant cette dérive nous glisserons à l’écoute des paysages traversés.
Le parcours se clot par une séance d’écriture où chacun pourra transcrire les expériences et idées qu’il a pu vivre pendant sa traversée.
A l’issue de cette promenade, les textes seront publiés en relation avec le dessin du parcours enregistré avec un appareil GPS.

Dériver, pour une expérience d’écriture. Mercredi 18 février, à partir de 15h 30
La dérive situationniste est décrite par Guy Debord comme vague et plaisanteDériver provoque dans l’esprit du lecteur tout à la fois une idée, une sensation, un mouvement et prête à de nombreuses interprétations. Aujourd’hui, interprétations et projections sur ce terme ont permis à de nombreux artistes et penseurs de se reconnaître dans les écrits des situationnistes et de s’identifier à la figure du psychogéographe. Chacun s’est pensé potentiellement psychogéographe, ne serait-ce qu’en imagination, tendant à diluer et à rendre vague les mots de dérive et de psychogéographie.
D’autre part, la dérive est plus une pratique solitaire ou fusionnelle que collective (elle se pratique entre amis et à moins de dix). Pour qu’il y ait dérive il faudrait aller le plus loin possible dans l’idée de perte de soi, prendre le temps d’une journée entière, ivre du territoire traversé; car l’ivresse se prolonge dans l’ivresse du mouvement, dans l’agréable sensation d’un territoire dont les contours perdent leur définition jusqu’à se fondre entre eux. Les rues peuvent sembler soudainement déplacées et nous faire perdre le sens de l’orientation. A l’image de population vivant dans des territoires si limités que l’ivresse est le seul moyen d’étendre le paysage, d’en pousser les limites et de ressentir cette impression jouissive d’infini (sensation de chuter, et de lutter contre l’apesanteur). Les univers-îles sont comme des plaques tournantes. Les quartiers sont mobiles. Les arrondissements changeraient de place et d’axe, présentant un mouvement permanent et régulier, faisant tourner les rues comme on ferait bouger des verres dans une séance de prestigitation.

Gwenola Wagon