Le passage d’Apocalypse II


Maurizio Cattelan, Him (2001)

Dans l’exposition intitulée Trace du sacré à Beaubourg, la deuxième partie de la section thématique «Apocalypse» commence par l’introduction du film, Faust : une légende allemande de F.W. Murnau. Les trois cavaliers qui poussent leurs chevaux à fond de train représentent trois catastrophes : la guerre, la famine, et la peste.
En référence à la gravure, Les Quatre Cavaliers, d’Albrecht Dürer, Murnau omet volontairement de représenter l’un des cavaliers (la mort) pour suggérer que celui-ci est déjà parmi nous. Les trois cavaliers forment un rapport diagonal avec l’image suivante de l’ange. En utilisant le contraste frappant d’ombre et de lumière, Murnau représente définitivement l’opposition entre le bien et le mal.

Sur le mur de la salle, on peut lire un texte de présentation dans lequel Murnau interroge par la parole de l’ange l’Allemagne sur ses choix politiques: «sur la terre et dans les cieux, Dieu a accompli des miracles, mais le plus grand des prodiges est qu’il ait donné aux hommes la liberté de choisir entre le bien et le mal.»

A peine ai-je eu lu ce paragraphe cité que j’ai vu le dos de Him dans la pièce suivante. Him, la sculpture remarquable de Maurizio Cattelan. Afin de provoquer le spectateur, Maurizio Cattelan reproduit le théoricien de nazisme, Adolf Hitler, au naturel, mais de la taille d’un enfant à genoux en prière. Très ironique.


Maurizio Cattelan, Him (2001)

Je suis passée devant Him en l’observant, attentivement. L’expression du visage, le regard, les cheveux, la texture de la peau, les vêtements, tout est reproduit de manière très réaliste. Le regard de Him traverse toujours le mien, il contemple au loin, avec dévotion. Mais, en même temps, la parole de Murnau résonne encore une fois dans l’esprit : «qu’il ait donné aux hommes la liberté de choisir entre le bien et le mal. »

Him m’apparaît ainsi comme la réponse ironique et critique à cette conception; bien et mal sont si scandaleusement confondus dans cette œuvre que leur séparation théorique paraît beaucoup moins évidente.

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