Dark Vador: icône pop-culturelle New Age
A propos de Last Manœuvres in the Dark, Palais de Tokyo, 2008
In Slavoj ZIZEK, Fragile absolu, Pourquoi l’héritage chrétien vaut-il d’être défendu, Flammarion, 2008, pp. 118-119:
«… l’affrontement des matrices symboliques élémentaires de l’Occident et l’Orient.
[...] La position lacanienne vis-à-vis de l’idée orientale de nirvana est donc claire: le choix réel n’est pas celui entre le désir (pour quelque chose d’illusoire) et le renoncement (l’extinction). Il existe une troisième option, et c’est le désir du Rien lui-même, c’est-à-dire le désir pour un objet qui représente le Rien. La position lacanienne ne consiste pas à valoriser la position bouddhiste en la réservant à ceux qui sont assez forts pour éteindre leur désir, alors que nous, pauvres Occidentaux prisonniers de la dialectique du désir, nous en serions réduits à la psychanalyse.
La position lacanienne consiste à faire du “désir pour le rien”, le “médiateur évanouissant” (la troisième option primordiale) qui devient invisible une fois formulée l’opposition entre le désir de quelque chose et le non-désir. L’existence de cette possibilité est perceptible dans la difficulté que connaît le bouddhisme à expliquer la genèse du désir: comment se fait-il que le Vide primordial ait été perturbé et que le désir soit apparu? Comment les êtres ont-ils été soumis à la roue du karma et à l’illusion qu’est la réalité? La seule façon de sortir de cette impasse est de postuler une sorte de perturbation préontologique au sein du nirvana lui-même —c’est-à-dire avant la différenciation du nirvana et de l’apparence trompeuse— de telle sorte que l’Absolu lui-même (la Force cosmique ou tout ce qu’on voudra) ait été totalement perverti. Les traces d’une telle inversion sont perceptibles dans les icônes pop-culturelles New Age (chez Dark Vador, dans Star Wars, par exemple), l’idée étant que le vrai méchant est celui qui a eu accès à la Force lui permettant d’atteindre l’au-delà de la réalité matérielle trompeuse, mais qui en a fait un mauvais usage, à des fins condamnables. Et si cette chute dans la perversion était originelle et que cette opposition entre nirvana et désir illusoire fût là pour masquer cette monstruosité excessive originelle?»