La figure du promeneur de musée :
Projection des vidéos de Rey-Hong Lin et Luen-Yu Lu
L’expérience du Mobile Studio au Mamco et au CCS, saison 2006-2007
31 octobre 2007
Salle A1-172 — UFR Arts
Liens :
Musée d'art moderne et contemporain de Genève
http://www.mamco.ch/
Centre culturel suisse à Paris http://www.ccsparis.com/

Mobile Museum, art africain, scène artistique suisse. Vidéos. Performer l'art, exposer le Vjing
« Mobile-studio » — La scène artistique suisse » (Mamco, Genève; Centre culturel suisse, Paris)

Présentation des vidéos par leurs auteurs mêmes

Rey-Hong LIN — Vidéo d'art

John M Armleder: amor vacui, horror vacui, vidéo, 52'
Worker drone queen, vidéo, 32'

« Cela fait deux ans que je filme des expositions artistiques à la demande de Liliane Terrier, enseignante dans le Master Art contemporain et nouveaux médias du département Arts plastiques de Paris 8. Elle a l’idée de mettre des images en mouvement en ligne (ou sur DVD), pour que celui qui n’a pas pu aller voir ces expositions puisse les consulter. Les expositions sont éphémères, les catalogues avec des photos ne peuvent qu’indiquer quelques aspects des œuvres. Il est difficile pour le lecteur de restituer les notions d’espace, de temps et d’ambiance que ressent un visiteur.

Ce travail est pour moi un exercice et aussi un défi. Une vidéo qui présente une exposition artistique doit être artistique aussi, sinon elle n’est pas à la hauteur pour l’introduire aux spectateurs. Elle doit aussi garder son objectivité pour ni l’embellir, ni l’enlaidir. Mais elle montre inévitablement comment la personne derrière le viseur la voit, l’interprète et la comprend, car elle est avant tout un visiteur et à travers son regard et son montage, on va appréhender cette exposition, puis l’apprécier ou ne pas l’aimer.

Ainsi on rencontre un dilemme entre l’objectivité et la subjectivité. Avec trop d’objectivité, celui qui filme devient un pur caméraman, son travail n’est plus une création, mais un simple témoignage ou une exécution technique qui enregistre un événement. En revanche, si on filme avec une grande subjectivité, la vidéo est plus proche d’une œuvre qui menace souvent l’importance de l’exposition et son artiste. Le sujet n’est plus cette exposition, mais l’opinion du vidéaste vis-à-vis des œuvres de cet artiste. Je pense qu’une bonne vidéo sur une exposition est celle qui suscite chez le spectateur l’envie de connaître plus d’œuvres de l’artiste et de voir ensuite une série de vidéos de ce genre. Bref, le vidéaste joue le médiateur entre l’artiste et le spectateur sans être anonyme. Il est à la fois journaliste qui donne des informations et critique qui exprime ses appréciations. Cela veut dire qu’il est l’œil du spectateur ou son délégué du monde de l’art. Et la vidéo est le meilleur support pour saisir l’instant éphémère d’une exposition.

Son travail ressemble à celui d’un critique dans le domaine de la littérature. Il montre le contenu d’un sujet en profondeur en employant un ton sensuel et littéraire, mais détaché. Il décrit ce qu’il voit et traduit ce qu’il ressent devant un phénomène. Il doit avoir un regard aiguisé pour remarquer des choses cachées et une sensibilité extrême pour saisir des messages implicites. Tout cela est lié à la réception du spectateur, mais pour un étudiant qui souhaite aussi devenir un jour, un artiste, il doit s’intéresser à l’amont de l'exposition : la conception d’une œuvre du côté de l’artiste. Ainsi filmer une exposition m’offre une occasion d’être plus près de l’artiste, de son idée et de sa création. Surtout lorsque l’on pose des questions à l’artiste, je peux voir comment il formule ses théories et leurs applications dans sa pratique. Peu importe quel est le thème de l’exposition ou de quel genre d’exposition il s’agit, par exemple une installation, une projection, des peintures ou des sculptures, j’en profite pour élargir ma vision et apprendre auprès des œuvres et auprès des artistes.

Dans la situation évoquée plus haut, je joue le rôle du médiateur direct entre le spectateur et les œuvres. Mais dans le cours Mobile Studio, pendant les visites au Mamco ou au Centre culturel suisse, nous avons un guide local — Samuel Gross au Mamco, Nicolas Trembley au Centre culturel suisse — qui nous présente les expositions et nous donne une clé d’accès à l’univers des artistes. Je joue ainsi le rôle secondaire. En filmant les guides et les œuvres, j’ai appris à mieux organiser le tournage et aussi le processus de montage, surtout quand la visite dure plus d’une heure, voire deux heures. J’ai confronté des exercices différents selon le moment où j’ai filmé les œuvres, c’est-à-dire avant ou après l’explication du guide.

Ainsi, j’ai occasion de tester respectivement ma sensibilité devant une œuvre sans commentaire et ma mémoire sur l’œuvre commentée et sur sa relation spatiale avec le guide au niveau de la prise de vue et de l’éventuel montage. Dans le cadre universitaire, le tournage comprenant beaucoup de restrictions est toujours imprévisible. Alors, la façon de filmer la visite devient obligatoirement spontanée et problématique. À chaque instant, j’hésite à savoir si je collerai au visage du guide ou suivrai le contenu de sa parole et intègrerai l’œuvre concernée dans l’image sur champ.

D’une certaine manière, le résultat du filmage, fait penser à Zidane : un portrait du 21ème siècle , car c’est à travers les guides et leurs discours que nous voyons les portraits des artistes et leurs œuvres, beaucoup plus présentes que leur homologue, le ballon entrant dans le but. Grâce aux guides, j’apprends à apprécier différemment les œuvres des artistes, cela élargit beaucoup mon horizon. » Juin 2007


Luen-yu LU (Camille)

Mes vidéos

John M Armleder, Amor vacui, horror vacui, Mamco, Genève, video, 3’28”
Peinture aller/retour, Centre culturel suisse, Paris, video, 2’51”
Concretion re, Galerie Chantal Crousel, Paris, video, 5’28”

« Pour l’exposition collective Mobile Museum, en juin 2007, à la Bibliothèque de Paris 8, j’ai réalisé trois vidéos à l’aide d’un appareil photo numérique et du logiciel iMovie, sur trois expositions différentes : John M Armleder, Amor vacui, horror vacui, Peinture aller/retour, Concretion re.

Dans John M Armleder, Amor vacui, horror vacui, c’est la toute première fois que je pratique la vidéo avec l'appareil photo numérique. Comme il pèse moins lourd qu’un camescope, j’ai plus de liberté en tournant l’objectif, qui devient mon œil; c’est-à-dire que je montre ma perception de cette exposition. Ce qui est contraignant, d'un côté, c’est que je ne peux pas faire un zoom comparable à celui d’un camescope. D'un autre côté, cela devient une particularité de tournage car l'objectif suit mes mouvements corporels et ainsi l'image enregistres les traces de mes actes.
Dans cette exposition, ce qui m’intrique le plus c’est l’idée de la vacuité de l’artiste : « ce que je fais est en vain, mais je le fais quand même ». Cela me donne l’inspiration d’utiliser la distorsion comme une vision intérieure pour dialoguer avec l’artiste, de même que l’usage de la musique de René Aubry, qui fait penser au voyage intérieur.

Dans Peinture aller/retour, j’ai trouvé un autre avantage à l'appareil photo numérique. Comparé au camescope, il permet une meilleure qualité d'image fixe. J'en profite pour faire des animations à partir de celles-ci et créer ainsi une unité avec les clips vidéo.
Le but de cette exposition étant de de provoquer une résonance entre peinture abstraite et figurative, j’ai remarqué un tableau abstrait d’une facture moins mécanique que les autres. Il me permet de faire une transition entre les deux. Transition malheureusement absente dans l’exposition originale, au risque de créer un sentiment d’opposition plutôt que de résonance. Pour accompagner l’ensemble de cette présentation, j’ai choisi la musique électronique de Riyoji Ikeda afin de tisser le lien entre les différentes parties et en même temps de renforcer mon interprétation personnelle. L’idéal est de posséder d’une collection de musiques variées afin de toujours écouter celle qui correspond à son goût et qui entre en résonance avec sa perception individuelle. Il ne s’agit cependant pas de céder à la subjectivité pure mais aussi d’essayer de répondre au sujet de l’exposition et donc d’éviter l’arbitraire. Il est également plausible de trouver que seul le silence correspond à certaines situations.

Lors de l’exposition Concretion re, j’ai eu l’occasion d’assister à la conférence de l’artiste Thomas Hirschhorn, qui nous a expliqué passionnellement sa démarche artistique et sa philosophie de la vie. J’ai donc intégré ses principes essentiels dans mon travail en l’accompagnant de la chanson de John Coltrane et de Johnny Hartman. Le contraste entre cette musique et les objets présentés me semble particulièrement correspondre à la démarche de l’artiste, qui, au-delà de la violence apparente de ses œuvres, nous parle de l’amour.
» Juin 2007

Galerie Crousel, Thomas Hirschhorn, Concretion Re