Julie Barranger
Sang blanc
oeuvre en ligne mise en espace références

 

Sang blanc est une proposition de papier peint à motif de tâches de sang.

La tâche de sang accidentelle devient le thème central d'un motif répétitif à vocation subversivement décorative.

En me réappropriant l'un des supports classiques de la décoration, je cherche à soulever des interrogations sur notre inconscient, notre morale, nos tabous sociaux et culturels, et nos schémas familiaux et ancestraux.

Le papier peint fait référence à l'intérieur de la maison, le décor où l'on a grandi, vécu, il recouvre les murs et en cache parfois les défauts. Détourné de son image habituelle et de sa banalité, ce papier peint maculé de sang nous emmène vers une sensation inquiétante, sans toutefois nous donner l'explication des origines de ses tâches. Le motif de sang démultiplié devient une obsession que la référence au décor quotidien amplifie et fait éclater, tout en la rendant décalée et édulcorée de par sa nouvelle fonction décorative. Rire de nos blessures, les arborer fièrement sur nos murs ?

L'image du sang, hors contexte, peut avoir un sens ambivalent, sur le fil du rasoir ! Là où il y a tâche de sang, il y a ouverture sur l'intérieur du corps. Orifice naturel ou blessure ? L'évènement à l'origine de cette tâche est-il criminel ou fécond ? S'agit-il d'un meurtre ? d'un suicide ? d'une blessure accidentelle ? de menstruations ? d'une défloration ? d'une prise de sang ? d'un accouchement ? Quelle réaction la vue du sang suscite t'elle chez vous ? Est-ce une référence à la violence, ou bien au symbole même de la vie ?  

Le sang sur les murs fait référence au cinéma, rappelant d'innombrables scènes de crime, il est le point de départ de l'intrigue, la couleur du drame. Le sang rouge vif quand il coule devient sombre et marron lorsqu'il sèche. Par quel paradoxe peut-on faire d'une scène de meurtre un motif décoratif ?

Ce qui devrait être caché est ici placardé, arboré fièrement tel un trophée, et même esthétisé. Ce motif en devient presque drôle, énergique c'est certain, décalé peut-être? Il s'est passé quelque chose, mais on fait comme s'il ne s'était rien passé ! La scène sanglante fait partie du décor, on en a oublié la raison, il n'en reste que les traces imprimées au mur. On ne les efface pas, on vit avec, on s'est habitué, et on finit par ne plus voir ce qui saute aux yeux...

Saigné à blanc, on fait semblant.