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Au quotidien mon corps. Mon corps fait ça ça et ça. Se tient comme ça ici et là. Position point x dans un temps t voire une durée d. Je le voudrais n'importe quoi n'importe comment lalkojzefzekvnjnuiahe sa position n'est pas définissable, il se trouve quelque part à un moment qu'on ne connaîtra jamais et il bouge dans un mouvement qu'on ne peut pas modéliser fait n'importe quoi n'importe comment.

Mon corps est une peau. Qui démange, saigne, tire. Crèmes, savons, produits pour cette surface. Ma peau étirée, sèche. Mon corps est dans cette peau, est cette peau. Dessous, des masses invisibles, flottantes, qui n'existent que dans le mal-là, ou presque.   Je sens l'intérieur, je le devine, je touche l'extérieur,je touche avec l'extérieur.

Pauvre corps contraint.

Me voilà assise, pour dix heures presque entières, mon corps encastré dans la chaise, morceaux de plastique. Longueur / largeur / profondeur, standard.

Dur. Mon corps est mou. Je le tiens assis. Je prends la forme de la chaise, la chaise devait prendre la forme du corps, assis. Les multiples variations de ma surface ne s'adaptent jamais à ce matériau. Inadaptée.

Mais jambes ne bougent plus et pendant des heures, leur sensation disparaît.

Mon corps est dans une boîte, à l'air libre. Encastré sagement dans ces morceaux. Nuances organiques contre froideur synthétique-plastique.

Multiples formes possibles face à une forme unique et figée. Inadéquate.

Pour cela, j'ai glissé mon corps dans - corps vêtu, habillé, paré, endimanché, couvert, caché, - glissé dans ces longues pièces de tissu. Tissu repassé, tendu, cousu. Mon corps prend la forme du patron de couture, dessiné à la règle, découpé aux ciseaux.

Et ça serre, c'est joli, saillant, cintré. Ca tire aussi, ça cache, ça montre. Les plis deviennent ceux de ma peau, dessous, tout en-dessous, moite. Je veux m'étirer, je veux me tirer.

« En commun », corps entassés, volontaires, le matin. Poussés dans un sens, l'autre, compressés, compressibles, comprimés, mou l'un contre l'autre. Espace réduit. Réductible, encore. Je me tiens droite. Je voudrais bouger courir marcher faire la roue l'équilibre traîner au ras du sol. Et mes mains sur mes pieds mon dos plié en deux mes jambes croisées décroisées, s'asseoir se lever, mes bras en l'air levés mon corps penché mes pieds sauter. Occuper le plus grand volume possible par mon étirement maximal dans le plan, les plans. Je suis une donnée de l'espace physique, en termes mathématiques. Je suis un corps volume. Je respire inspire expire. Trop près des autres.

Je lui parle et je voudrais être allongée, suspendue à la chose là, en mouvement.

Ramper sous la table de cette réunion de famille.

M'asseoir salement sur la nappe blanche pour manger du foie gras.

Être debout et sauter sur le lit quand tu dors si près.

M'allonger me lever m'asseoir me lever m'allonger et d'autres choses sans mots

Juste bouger pour exister comme un corps avant l'esprit.

Sans corps je ne suis rien, je ne vis pas et pourtant je le tais, je le fais taire.

Cellophane autour de mes bras et jambes, sueur sous le plastique transparent. Peau qui démange. Plaques. Rougies.

Bruit de plastique qu'on froisse. Gangue hypocritement étirable. Crème suintante à la surface, pénétrant ma peau malgré moi. Comique qui enferme comme un morceau de viande. Je suis un corps et on me le fait sentir.

Je sens mon corps quand il parle de lui-même. Je le sens quand il s'affirme sans maîtrise possible. Je le sens en positif par le négatif. Quand l'immobilité devient oppressante. Et d'autres déclinaisons physiques ne vaudraient rien. Ce qui vaut c'est le mouvement le corps vivant la durée le passage le vers l'avant.

Mes chaussures neuves. J'ai des ampoules sur les deux pieds. Les chaussures se sont détendues. Mes pieds en portent encore la marque rougie. Je dois marcher, même si ça fait mal.

Relatifs au cadre. Même en sortant. Plein de cadres. Plein cadre, bord cadre. Gauche cadre. Gauche. Encadrée, dans le cadre, dans ce cadre, dans quel cadre. Objets adaptés à corps inadapté.

Mesures à peu près. 38 non 38 et demi enfin trois quart vous n'avez pas tant pis et mon pied droit plus grand que l'autre tant pis. Corps variable, j'ai chaud je gonfle, tu as chaud tu gonfles aussi. Corps variable vivant aux mesures imprenables.

Distance standard d'un corps à l'autre. Agression. Mon corps sent trop l'autre. Crispation, un pas de recul. Positions en interaction = distances

Dès l'enfance.

D'abord l'enfance, la contrainte physique vient de la voix d'un autre. Plus grand, rempli le cadre.

Assieds-toi bien.

Assieds-toi là.

Tourne-toi bien.

Attache-toi derrière

Lève-toi

Allonge-toi

Tiens-toi droit

Reste assis.

Ne mets pas tes mains ici

Comme ça

Ne touche pas

Et ça dure ça dure ça dure

J'ai appris à vivre avec les autres. Maintenant je veux vivre moi me vivre.

C'est comme monter le son et hurler par dessus entendre sa voix FORT et qu'on a pas le droit en fait.

M'étirer dans le monde en mouvement. Je suis dissipée.