ATELIER TERRITOIRE ET MEDIAS LOCALISES



12M2 & UNE VIE. 6 MOIS A SAINT-DENIS


MALAK MAATOUG


C'est une petite vidéo d'une quinzaine de minutes qui commence avec une date. On entend une voix dans une langue qu'on ne comprend pas : le dialecte tunisien. "que veut-tu me dire, racontes!" dit-elle. Suit le générique , interrompu par des images d'une vidéo youtube dont on entend aussi le son: du rap tunisien. Puis apparait des images de bâtiment, puis celles d'une chambre. Une fête dans une résidence, les gens parlent en anglais, quelques uns de leur vie à Saint-Denis en tant qu'étudiants internationaux, venus d'un échange universitaire. Et puis c'est tout.

Au début je me suis beaucoup interrogé sur la question du lieu. Le terme « entre » est un mot qui m'a toujours intéressé, dans toutes les langues d'ailleurs : in-between, zwischen – c'est un mot qui implique déjà une connotation de déconstruire, car ce qui est « entre », c'est ce qu'il y a en dehors ? La question, finalement est celle des frontières. Ici, il s'agit d'un endroit qui met ses habitants entre la ville de Saint-Denis et Paris, une façon de les éloigner de toutes interactions directes et normales lorsque l'on arrive dans un nouveau quartier ou dans une nouvelle ville. Dans cette résidence on est bien sur, en France mais aussi quelque part d'autre – où ? reste à savoir : on découvre peu à peu cette communauté internationale , ses diverses cultures, qui partage le même destin : vivre dans cet endroit bizarre, artificiel et uniforme. Une chambre in vitro, un accouchement par césarienne. Quels liens établit-on avec la fac, la ville de Saint-Denis, de Paris, les autres ?

Le jour même où j'ai commencé à tourner dans la résidence, la résistance en Tunisie contre le régime avait finalement suscité la chute de la dictature. J'étais si heureux puisque moi, je suis tunisien aussi. Mais dans cette résidence, je me suis trouvé dans un monde enfermé, étroit et bizarrement déconnecté du monde, au moment où mon peuple est allé se débarrassé de toutes les frontières et les murs de silence. Voient-ils leur espace limité comme une barrière qui les empêche de découvrir enfin le monde? Le monde se trouverait il déjà là, sur place? Lorsque je suis intervenu dans la résidence les jours suivants, j'ai rencontré le monde entier en si peu d'espace. La vie des gens qui ont vécu là me semble plutôt en accord avec les uns et les autres. Qui a déterminé les règles de vie, la façon d'être, cette ambiance là? Les habitants ou le lieu?