Exposition DUMB TYPE Voyages, InterCommunication Center, 23 aout -Novembre 2002, Tokyo Opera City Tower.

|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||


01_texte de référence
Akira ASADA_MemoRandom for memorandum
|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Publié dans Asahi Shimbun, 6 décembre 2000 (édition du soir) repris dans le catalogue de l’exposition DUMB TYPE Voyages, InterCommunication Center, 23 aout -Novembre 2002, Tokyo Opera City Tower.

Looking back over the last quarter of a century, one notes an overall stasis in Japan’s performing arts. the blank space after the avantgarde theatrical experiments of the 1960s has been filled with sophomoric parody and a return, to commercial theater. Which is to say, theater has virtually abandoned art to become wholly entertainment.
En jetant un regard rétrospectif sur ce dernier quart de siècle, on note une stase globale dans les arts de la performance au Japon, l'espace vide après que les expériences théâtrales d'avant garde des années 60 aient été remplies de parodies de seconde main et d’un retour au théâtre commercial. Ce qui veut dire que le théâtre a de fait abandonné l'art pour devenir complètement divertissement.

This is not to say we were entirely without sincere attempts at true performing art both in and out of the genre of theater. In particular, the work of DUMB TYPE has claimed worldwide attention far beyond the narrow confines of Japanese theater; indeed, more than mere theater, they have brought the latest technology to multimedia performance that bridges art, music and dance.
Ce qui ne veut pas dire que nous étions entièrement sans tentatives sincères d'art de la performance dans et hors du genre du théâtre. En particulier, le travail de DUMP TYPE a suscité une attention mondiale bien au delà des confins étroits du théâtre japonais; en effet, plus que le seul théâtre, ils ont apporté la technologie la plus fine à la performance multimédia, jetant un pont entre art, musique et danse.

The group DUMB TYPE was formed in 1984 by artists from diverse genres around the central figure of Teiji FURUHASHI, and came to the forefront with their unique performances pH (premiered 1990) and S/N (premiered 1994). Especially of note in S/N, FURUHASHI made factual reference to his own HIV-positive status to examine issues surrounding AIDS and sexuality, while weaving pointed social critique and refined queer performance into a shocking work of high-tech theater. The shock was all the greater when he died in 1995. Recently, his art and words were published in memorandum/teiji furuhashi (Little more), a read which sorely confirms that his death at 35 years came far too soon. If asked to name a “fin de siècle artist” of our age, I would not hesitate to cite Teiji FURUHASHI.
Le groupe DUMB TYPE a été formé en 1984 par des artistes de divers genres, autour de la figure centrale de Teiji FURUHASHI. Il est venu au premier rang avec ses performances originales pH (créée en 1990) et S/N (créée en 1994). Particulièrement remarqué dans S/N (signal and noise), FURUHASHI a fait référence explicite à son propre état de séropositivité pour examiner les problèmes entourant le SIDA et la sexualité, tout en entrelaçant critique sociale explicite et performance étrangement raffinée dans une pièce théâtrale high tech bouleversante. Le choc a été terrible quand il est mort en 1995. Récemment, son art et ses textes ont été édités dans memorandum/Teiji FURUHASHI (Un peu plus), dont la lecture confirme douloureusement que sa mort à 35 ans est venue vraiment trop tôt. Si on me demande de nommer l’artiste 'fin de siècle" de notre époque, je n’hésiterais pas à citer Teiji FURUHASHI.

Yet DUMB TYPE remained active even after losing FURUHASHI, first delivering the powerful performance OR (premiered 1997) a collective “work of mourning” in which each member of DUMB TYPE experiences in surrogate the hospital bed borderline between life and death. While it should come as no surprise that this collaborative exercise went relatively smoothly, this work also marked a sudden techno-shift in their visuals and sounds, the performer’s bodily presence_despite their relative frailty, or rather all the more because of it_ attained an almost critical mass of tension, coming together as one to create an unprecedentedly thrilling stage experience.
Pourtant DUMB TYPE est demeuré actif même après la perte de FURUHASHI, d'abord en créant la performance OR (en 1997) un "travail collectif de deuil" dont chaque membre de DUMB TYPE fait l’expérience en utilisant le lit d’hopital comms substitut matériel de l'idée de la frontière entre la vie et la mort. Tandis que cet exercice de collaboration s’est déroulé relativement sans à-coup, ce travail a également marqué un brusque changement technologique dans les visuels et les sons, la présence corporelle des performers_en dépit de leur relative fragilité, ou plutôt d'autant plus en raison de celle-ci_ atteignant une quasi masse critique de tension, se rassemblant pour ne faire qu’un et créer une expérience théatrale saisissante sans précédent.

In this new work, the music of Ryoji IKEDA played an especially major role. An internationally recognized artist in this own right, IKEDA’s solo career since 1995 has caused a quiet sensation with such “techno-minimal” album as +/- and 0°C. Unlike the minimal music of the 1960’s, which pursued a “phenomenoly of perception” using Western and ethnic instruments in a repetitive moire layering of soundforms to trancelike effect, techno-minimal music uses sine waves and white noise to pursue a “mechanics of perception” via repetition and mutual cancellation of pure primes as they approach the imperceptible. As such it quite literally constitutes the ultimate degré zéro attained by twentieth century music.
Dans ce nouveau travail, la musique de Ryoji IKEDA a joué un rôle particulièrement important. Artiste internationalement reconnu, la carrière solo d'IKEDA depuis 1995 a provoqué une qualité des sensation silencieuse avec un album "techno-minimal" comme +/- et 0°C. À la différence de la musique minimale des années 60, qui poursuivait "une phénoménologie de la perception" à l'aide d’instruments occidentaux et ethniques dans une pose répétitive de moirage de formes sonores à effet de transe, la musique techno-minimale utilise les vagues sinusoïdales et le bruit blanc pour poursuivre des "mécanismes de perception", par l'intermédiaire de répétition et d'annulation mutuelle d'amorces pures, tout en approchant l'imperceptible. En tant que telle, elle constitue littéralement l’ultime degré zéro atteint par la musique du vingtième siècle.

Even more important to this work, however, was the newfound force and intensity of Shiro TAKATANI’s videowork. Thereafter, he did the visuals for Ryuichi SAKAMOTO’s Life (premiered 1999), an “operatic” summation of twentieth century history and music, overwhelming the audience with a gigantic LCD wall of hyper-compressed images of anything and everything from the last hundred years.
Bien plus important pour ce travail, cependant, était la nouveauté et l'intensité du travail-vidéo de Shiro TAKATANI. Il a ensuite fait les visuels pour Ryuichi SAKAMOTO (1999), une somme de l’histoire du XXe siècle et sa musique, comblant le public avec un mur gigantesque d'affichage à cristaux liquides des images hyper-comprimées de n'importe quoi et de tout des cent dernières années.

Seen in this light, it should come as no surprise that the latest work of DUMB TYPE after OR should be named memorandum (premiered 1999). What is at issue here, however, is no longer remembrances of Teiji FURUHASHI, nor the grande cavalcade of history, but memory in general. Personal memories extracted from each member of the group _yet of equally great importance to the person in question_are assembled in apparently random order so as to compose a multifaced memorandum about memory itself. No, more than mere memory, about the loss of memory. For instance, we see memos torn to bits and scattered about. Or conversely, the memories of individual lives that formerly depended on very limited data (yellowing notes, sepiatone photos, etc.) for their fixed continuity now overflowing their storylines in the flood of information that has come with the amassing of digitised random access memory, sometimes even bifurcating into diverse possible worlds (it might have gone this way, it might have gone that way...) untill all definite outlines diffuse in the mist.
Vu dans cette lumière, le dernier travail de DUMB TYPE devait s’appeler Memorandum (créé en 1999). Ce qui est posé ici, cependant, n'est plus le souvenir de Teiji FURUHASHI, ni la grande cavalcade de l'histoire, mais la question de la mémoire en général. Des mémoires personnelles extraites à partir de chaque membre du groupe_ et d'importance égale pour chaque personne en question_sont assemblées dans un ordre aléatoire apparent afin de composer un mémorandum multiface au sujet de la mémoire elle-même. Le sujet n’est plus la mémoire seule mais la perte de mémoire. Par exemple, nous voyons des notes déchirées en petits morceux et dispersées. Ou réciproquement, les souvenirs de vies individuelles qui dépendaient de données très limitées (notes jaunes, photos sepia, etc..) pour fixer leur continuité maintenant déversent leurs récits dans le flot de l'information qui est venue avec l'accumulation de la mémoire à accès aléatoire digitalisée, parfois bifurcant même dans divers mondes possibles(elle pourrait être allée par là ou par là...) jusqu’à ce que les contours définis se diffusent dans la brume.

It is especially this latter new amnesia due to information excess that memorandum sets forth on stage with such telling force and intensity. The relentless flow of sound and visuals that cover the whole stage. The speed and density with which that flow press at the thresholds of human perception, it all approaches the pure white of overexposed film. But that’s not all: there are performers trying to swim their bodies through that ever so swift infocurrent. Not merely “acting”, not even “dancing”. Half reliving childhood memories, half giving in to the habits and quirks of their bodies, “performing” is the only thing to call it. As if their bodies were resistors thrown into the audiovisual stream-turned-memory superconductor, creating a complex interaction that gives rise to a state transcending the amnesia that comes of information excess. Something which truly can only be experienced through performing art.
C'est particulièrement cette dernière nouvelle amnésie due à l'excès de l'information que le mémorandum a mis en avant avec une force et une intensité impressionnantes. L'écoulement implacable du son et des visuels qui couvrent toute la scène. La vitesse et la densité avec laquelle ce flot presse aux seuils de la perception humaine, approche le blanc pur du film surexposed. Mais ce n'est pas tout: il y a des interprètes essayant de nager dans le courant de l’information toujours tellement rapide. Pas simplement "jouant", ni même "dansant". A demi relevant des souvenirs d’enfance, à demi relevant des habitudes et des caprices d'enfance de leurs corps, "exécutant" est la seule chose pour l'appeler. Comme si leurs corps résistaient, jetés dans le superconducteur audiovisuel du courant de mémoire, créant une interaction complexe qui provoque un état dépassant l'amnésie qui vient de l'excès d’'information. Quelque chose qui vraiment peut seulement être expérimenté en exécutant l'art.

Information builds up to the limits, cancels out and approaches degré zéro_ toward the blinding pure white light that includes all visible wavelengths. Such is the cruel and untainted tabula rasa glimpsed at the end of the twentieth century, a frozen cascade that tumbles in near-stillness through the outer limits of this world. What else to do but obey the ever-so-cool whispering voice_”just float”. And as our vision goes dark, fragments of IVES’s The Unanswered Question echo so faint as to be hardly recognizable.
L'information augmente jusqu'aux limites, s’annule et approche le degré zéro _ vers la lumière blanche pure aveuglante qui inclut toutes les longueurs d'onde évidentes. Tel est la cruelle et intacte tabula rasa aperçue à la fin du vingtième siècle, une cascade gelée qui dégringole dans le calme proche à travers les limites externes de ce monde. Que faire d’autre que d’obéir à la voix "ever so cool" chuchotante_"just float". Et tant que notre vision va vers l’obscurité, les fragments de l'écho sans réponse à la question d'IVES s'évanouissent à peine reconnaissables.

02_ note
OR: a “work of mourning”, a collaborative exercise
Developed and debuted during a residence in Maubeuge, France, this performance is staged in an empty white space half-enclosed by a semicircular white screen, which serves as a blank background for blinding stroboscopic “white outs” and intense audiovisual effects. A “thought space on the border of self and non-self”, a “gray zone between life and death”.
Développé et commencé pendant une résidenceà Maubeuge, en France, cette performance est mise en scène dans un espace blanc vide à demi-inclus dans un écran blanc semi-circulaire, qui sert de fond blanc à d’ aveuglants effets stroboscopiques "des sorties blanches" et des effets audiovisuels intenses. n espace pensé à la frontière de l'individu et du non-individu", "d'une zone grise entre la vie et de la mort".

03_note
AA BRONSON interviewé pour Libération (extrait)
“Vos partenaires morts en 1994, comment envisager l'aventure GENERAL IDEA?
Je me suis occupé d'eux pendant qu'ils étaient malades et ils sont morts à la maison; puis j'ai été totalement épuisé et ravagé, j'ai mis cinq ans à envisager quoi que ce soit. A uncertain moment, je me suis senti obligé de travailler sur leur mort. En faisant un portrait de Felix deux heures après son décès, agrandi à la dimension d'une affiche et de Jorge, un peu avant sa mort, j'ai senti qu'il fallait que je fasse aussi mon portrait mort. J'ai construit un cercueil et je me suis représenté dessus. A présent (rires), je fais des autoportraits, comme si je me regardais passer de l'autre côté...”


|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||