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Lecture du n°39 de la Revue d'esthétique Autres sites Nouveaux paysages : ceci est une lecture rapide partielle, partiale, donc exclusivement citationnelle et ne retenant que certaines questions ou des énoncés posés par les auteurs des articles. Les phrases entre [crochets] sont des NDLR. Tout le corps du texte est des auteurs mêmes.


Anne CAUQUELIN. La présentation, l'argument

[Pages 5-9] [Questions à propos de]... cette curieuse confrontation entre le paysage 'naturel', géographique et patrimonial, et l'espace de la Toile électronique... Autres, certes, ils le sont, ces sites du Réseau. Autres que les paysages auxquels nous sommes habitués, qui font partie de nous, que nous habitons comme on habite ses souvenirs, ses émotions.
Mais nos paysages émotionnels, à leur tour, ne se laissent-ils pas contaminer par la présence de leurs doubles, fussent-ils considérés comme subordonnés? Les paysages de nos enfances ne sont-ils pas touchés par le flux des communications réticulaires, ne s'insèrent-ils pas dans l'espace de ces relations, au titre d'une planète parmi d'autres, dans ce qu'on appelle maintenant le cyberespace? Et qu'en est-il de cette insertion, de ces "nouveaux paysages" que l'on découvre hors des sentiers des perceptions habituelles?
... Le site web ne serait-il pas, semblable en cela au site patrimonial, un retrait hors de l'espace calculé, et en même temps un retour de l'espace dans le retrait du lieu?

[Nous replacerons dans le fil de la lecture les courtes introductions aux articles qu'Anne CAUQUELIN fait dans sa présentation, en les redistribuant auteur par auteur]



EXTENSION DU PAYSAGE I

Henrik REEH. "Un paysage hanté, intense comme l'opium", Ville et notion de paysage selon Siegfried Kracauer et Walter Benjamin

Anne : L'extension de la notion [de site] va jusqu'à naturaliser le 'paysage urbain', à moins que ce ne soit le paysage urbain qui civilise et urbanise la nature paysagère...

Henri REEH. [Page19]: Lorsque Benjamin emploie 'paysage' en écrivant sur Paris, ce terme renvoie moins à des éléments organiques dans l'espace urbain qu'à l'ensemble de l'espace horizontal de la ville. Cette extension du champ où la ville se montre comme paysage (nécessitant le recours à la notion de 'paysage') permet de distinguer plusieurs modes de représentation. La ville peut en premier lieu, rappeler un paysage au niveau de sa morphologie. En deuxième lieu -plus important pour Benjamin-, la vie urbaine engendre à elle seule un sentiment de paysage. En troisième lieu -décisif-, l'espace urbain est considéré comme paysage par le flâneur qui perçoit la ville à travers l'ivresse et sous le signe de la mémoire. [Page 21]: Pour le flaneur, la ville devenue paysage au moyen de pratiques urbaines fait en même temps partie de sa vie intérieure. Ce double rôle de la ville-paysage -d'abord comme intérieur public des citadins, ensuite comme intérieur subjectif du flâneur- pousse Benjamin à ajouter une nuance: 'Plus exactement, ce dernier [celui qui flâne] voit la ville se séparer en deux pôles dialectiques. Elle s'ouvre à lui comme paysage et elle l'enferme comme chambre.'


Daniel CHARLES. Le Ryoan-ji porté à l'écran.

[Page 28] : Substituer le jardin de pierres au jardin végétal, c'est restituer à l'équilibre formél obtenu par l'artiste la dimension d'achèvement pérenne que le temps risquait d'escamoter ou tout le moins d'occulter... Le Ryoan-ji représente à cet égard le plus habile des compromis entre l'exigence 'esthétique' et la soif de méditation, car l'ordonnance des quinze rochers, la stylisation de leurs regroupements et des tensions muettes qui les immobilisent à l'instant (et dans la posture) où on les devine prêts à bondir, tout cela vient tempérer l'illimitation de la mer de sable sur laquelle ils 's'enlèvent'.

[Page 30]: 'Pas d'objets, rien que la distance', ce mot d'ordre d'Isozaki n'empêche nullement qu'au niveau de la prise de vues, non seulement 'distance' et 'objets' coexistent, mais que la 'distance' -qui ne cesse de se répéter: c'est le sujet du film - ne cesse d'être occupée par de nouveaux 'objets'; tantôt c'est un rocher, tantôt le sable, tantôt le mur... chacun des objets filmés est utilisé et réutilisé comme bouche-trou- et finalement c'est l'impossibilité dans laquelle le spectateur se trouve plongé de rencontrer enfin le sujet (ou l'objet suprême) du film, à savoir le (le vide, le néant, le rien-bref, tous les ingrédients d'une théologie négative), c'est cette dénégation de la négation qui confère au film sa flexibilité et son endurance-autrement dit son exceptionnel pouvoir de fascination.

[Page 31]: En portant à l'écran le Ryoan-ji, Takahiko Iimura a respecté, certes, la voie de l'affranchissement bouddhique, en lui rendant un hommage profond. Mais il a au même instant (et là réside l'ambiguïté sur laquelle nous avons voulu attirer l'attention) privilégié, en accord avec son siècle, mais aussi avec la tradition du Japon, la voie de l'affranchissement immanent ['Le Boushido est l'affirmation de la volonté, la négation de la négation, en quelque sorte l'abolition du nirvâna. C'est la volonté qui ne soucie que de sa perfection propre. Donc la répétition perpétuelle de la volonté qui était le mal suprême pour le bouddhisme est devenue maintenant le bien suprême' (Shûzô Kuki)]. Celle-ci que matérialise le film et non pas le site, nous paraît susceptible d'être interprétée aujourd'hui non seulement comme l'application de la morale du Boushido au domaine imaginaire de la transmigration (ce qu'avait fort bien dégagé Kuki), mais comme confirmant l'émergence, à la fin du XXe siècle, d'une catégorie nouvelle qui déborde nos repères esthétiques consacrés: celle que Mario Costa a entrepris d'étudier sous le nom de 'sublime technologique' (1990).


Daniel ARASSE. Du lieu au site, les zones de l'art aujourd'hui.

Anne: à partir de l'installation de Kiefer à la Salpétrière, Daniel ARASSE déroule une fresque à rebours qui va de l'inclusion du paysage dans le tableau à la dissolution du tableau dans le paysage... en se retirant du mur le tableau s'évanouit et devient nature, plus exactement 'site'.

Daniel ARASSE. [Page 37]: Très logiquement, la diffusion des notions corollaires de site, d'intervention, d'environnement, etc. a engagé un processus qui, sans aller jusqu'à la 'dématérialisation' où l'oeuvre concrète s'efface totalement, peut, à terme, faire passer au second plan la question de la présence de l'oeuvre dans le lieu qu'elle occupe- au profit du travail d'intervention et de configuration du site. Un des aboutissements actuels de ce processus réside sans doute dans l'oeuvre des artistes qui exploitent le réseau internet pour y installer des 'sites'.... les 'oeuvres' réalisées sous forme de site internet ne peuvent que traitr de la disparition de l'oeuvre d'art matérielle [question?]

[Dominique GONZALEZ-FOERSTER/Anselm KIEFER]
...l'interrogation d'une critique à propos d'une installation vidéo récente : 'L'idée est là, mais le reste?'... la critique s'interroge sur ce qui 'reste' de l'art dans certaines pratiques contemporaines.... De quel ordre est ce 'reste'? Pour la critique [Geneviève Breerette]...: ce rest dont elle regrette l'absence devant la vidéo de Dominique GONZALEZ-FOERSTER [quelle oeuvre?], ce sont vraisemblablement la présence sensible de l'oeuvre, l'émotion artistique, les effets d'affect que cette présence est supposée susciter. De la sorte, la formule de la critique se situe.... dans la droite ligne de la conception classique, hégélienne, de l'art comme 'présentation sensible de l'idée'. .... On peut s'interroger, sur ce que peut signifier à l'inverse, dans l'art contemporain, l'idée de l'oeuvre comme 'reste de l'art', ... en tant que l'oeuvre serait ... elle-même, le seul reste d'une pratique (passée) de l'art. D'un côté, des pratiques où 'il ne reste plus que l'Idée de l'art lui-même, comme un geste de présentation replié sur soi' (Jean-Luc Nancy); de l'autre, des oeuvres qui ne seraient que les restes sensibles, les vestiges d'un art où l'Idée aurait disparu, absente, retirée- et qui trouveraient en cela même leur validité et leur actualité historiques....

Tel que le conçoit et le pratique en effet Anselm KIEFER, l'art n'a plus pour tâche cette 'présentation sensible de l'Idée'... mais la présentation de la 'trace' de cette idée, une trac conçue, pour le dire avec Jean-Luc Nancy, comme le 'tracé, le pas de sa disparition même'. Par delà les grands thèmes qu'il traite (ou en deçà de ces thèmes), le classicisme de Kiefer invite à constater que l'art, le 'grand art', est aujourd'hui 'son propre vestige': 'Il n'est pas une présentation dégradée de l'Idée, ni la présentation d'une Idée dégradée, il présente ce qui n'est pas 'Idée', la motion, la venue, l'en-allée de toute venue-en-présence.' [revoir l'analyse à la 'lumière' des travaux de Dominique GONZALEZ-FOERSTER et de Christine Borland]

... Kiefer .... Autre versant de l'art contemporain qui, de lieux en sites, entre retrait de l'idée et retrait de l'oeuvre, cherche sa
zone, cette portion de territoire qui lui serait propre.


Jean-Louis BOISSIER. La perspective interactive, visibilité, lisibilité, jouabilité. Texte 3

L'intégralité du texte est mis en ligne sur labart.univ-paris8.fr. [L'argumentation livre notamment une suite d'analyse d'oeuvres qui font collection ]:

Jeffrey Shaw
The Legible City (1989), The Virtual Museum (1991) The Golden Calf (1994)
Tamás Waliczky The Garden (1992) et The Way (1994)
Susan Amkraut et Michael Girard Menagerie
Seiko Mikami Molecular Informatics (1996)
Masaki Fujihata Global Interior Project (1996) ou Nuzzle Afar (1999)
Philip Pocock et Felix S. Huber, Christoph Keller, Florian Würst, Florian Wenz, Udo Noll, Artic Circle, Tropic of Cancer, Equator
Jean-Louis Boissier, Le billet circulaire (1997)
Jean-Louis Boissier, Moments de jean-Jacques Rousseau (CDRom)
Gary Hill, Beacon (1990)
Dumb Type Lovers (1994),
Jeffrey Shaw, Eve et Place, a User’s Manual (1995)
Matt Mullican, Five Into One

[Conclusion de l'article ] Car, en définitive, c’est dans la performance du passage de relais qu’est l’image-relation que s’exercera ce qui, dans la spécificité des objets interactifs, fait paysage et récit. Si le paysage-récit émane d’une visibilité et d’une lisibilité, il n’y aura de perspective interactive qu’avec une certaine jouabilité. Dans un vocabulaire savant, on retiendrait sans doute performativité. Jouabilité cependant, pour se résoudre à adopter un mot élu par les adeptes des jeux informatiques, mais dont il faut reconnaître qu’il a déjà gagné sa pertinence culturelle et peut-être théorique. Tant il est vrai aussi qu’il est préférable de désigner une chose, pour ne pas la dénommer trop vite, par les possibilités qu’elle ouvre. "Le terrain de football, cet endroit où jouent les joueurs." disait Marguerite Duras à Michel Platini, désignant ainsi un site par les possibles qui s’y agencent. Si l’on veut saisir la pertinence d’une perspective interactive, il faut la comprendre comme ce qui relie production et réception dans les trois registres simultanés de la visibilité, de la lisibilité et de la jouabilité. La jouabilité (après et avec la visibilité et la lisibilité) fait site. Site 'biface, actuel et virtuel' selon l’expression deleuzienne. Au virtuel (à l’interactivité) de la jouabilité s’associent, sans se confondre à lui, les possibles (les interactions) du jouable. Dans l’espace virtuel de la jouabilité que figure la perspective interactive, s’actualise une autre perspective, au sens de ce qui est projeté et qui éventuellement advient.


Louise POISSANT. Colonies et paysages dans le cyberespace

[Page 54] le cyberespace, c'est de l'humain, rien d'autre. Une succession de points d'être, qui eux-mêmes se déplacent, brillent et irradient plus ou moins, s'éteignent.... L'univers virtuel ressemble malheureusement beaucoup à nos limites. Pas tant à celles de nos technologies, qui ouvrent sur des dimensions inédites, levant contraintes et dépendances. Mais celles de notre sensibilité et de notre imagination. Les promenades bucoliques auxquelles nous sommes conviés risquent de ressembler bien tristement à des pique-niques virtuels où, comme les végétariens mangeant leur tofou à la saveur de hamburger, nous recherchons des traces de nous-mêmes égarés dans un univers sans frontières.



SITES D'ARTISTES

David BOENO LeSite http://www.geocities.com/davidboeno.geo

Claude CLOSKY http://www.sittes.net
Faire venir l'information à l'internaute. Il est absurde de lui demander de la trouver lui-même, puisqu'il ignorera a priori le contenu du site sur lequel il se sera rendu. Se servir de la souris plus comme d'un bouton 'pause'que comme un bouton 'Play'. L'écran de l'ordinateur ressemble à celui d'une télévision où une séquence dure rarement plus de cinq secondes, où la télécommande qui permet de zapper est l'équivalent d'une zone de dialogue interactive simple et efficace....

Eduardo KAC Alba, Mon Lapin PVF http://www.ekac.org/gfpbunny.html

KNOWBOTIC RESEARCH, Connective Force Attack, http://io.khm.de
Projet internet qui prend place dans la construction urbaine au jour le jour... L'axe du projet tourne autour des efforts concertés d'utilisateurs de PC qui veulent attaquer le serveur internet du projet. Leur but est de pénétrer un réseau d'information et d'introduire leurs propres messages dans un domaine internet au mot de passe spécialement protégé.



EXTENSION DU PAYSAGE 2


Jérôme GLICENSTEIN
. Le paysage panoptique d'Internet. Remarques à partir de Jeremy Bentham

[extraits] .... [Page 110] (Gianni Vattimo):... même si les mass-media- en rendant possible l'information universelle en temps réel-peuvent apparaître comme présentant une sorte de réalisation concrète de l'esprit absolu hégélien 'autoconscience parfaite de l'humanité' , il se pourrait néanmoins que cette réalisation se produise de manière 'perverse et caricaturale'. car la libération des nombreuses cultures et le développement sans fin des sources diverses d'information rendent l'idée même de 'réalité' de moins en moins concevable et font que désormais 's'installe un idéal d'émancipation basé plutôt sur l'oscillation, la pluralité et l'érosion du principe de réalité lui-même.' (Gianni Vattimo)

[Page 113] La transition, entrevue par Deleuze, d'une société disciplinaire à une société de contrôle se réalise en fait justement en raison du fonctionnement utilitariste et panoptique qui se met en place sur le World Wide Web. Là, il y a toute une mutation sous-jacente de la société que nous pourrions repérer jusque dans la question de la diffusion des images. La transformation se produisant d'un âge industriel -où les images 'à l'ère de la reproductibilité technique' étaient produites (et reproduites) comme des 'biens', selon des schémas propres à l'industrie des mass media, c'est-à-dire en vue d'une consommation de 'masse' -vers un âge 'post-industriel' des 'services' qui valorise de plus en plus le 'réseau', la 'mise en relation' à tous les niveaux. Un nouvel âge où désormais, si la production des images est omniprésente, elle n'est plus exclusivement 'à sens unique' ou à 'source unique', mais résulte au contraire d'une dissémination très poussée dans la société et d'un échange constant 'en flux tendu' entre des consommateurs et des producteurs dont la répartition et la distinction des rôles - de même que les circuits de distribution - sont de moins en moins claires. [cela demande une explication]

[Conclusion] Dans le paysage panoptique d'Internet, il n'y a au fond pas de spectateurs, mais tout au plus des
observateurs -eux-mêmes observés - dont la présence n'est justifiée que par le traitement informatique qu'elle initie. Il n'y a pas non plus véritablement de 'spectacle' car, selon la formule de Foucault, 'nous ne sommes ni sur les gradins ni sur la scène mais dans la machine panoptique.'


Liliane TERRIER. Le modèle Übersicht,Texte 4
L'intégralité du texte est mis en ligne sur labart.univ-paris8.fr

Anne : Ne faut-il pas reprendre de l'horizon, revoir de haut ce que le site peut quand même présenter sans représenter? LT avec son modèle Übersicht confirme ce point de vue: le survol est une sur-vue, la seule à rendre compte des ensembles disparates qui se renvoient les uns aux autres. La culture 'site' est une culture du panorama interactif. L'ensemble en vue de haut est un jardin que l'interactivité fait fleurir. C'est de ce point de sur-vue qu'elle envisage les travaux de Closky, Pierre Bismuth, Gabriel Orozco ou Jordan Crandall.