–––––01 | –––––02 | –––––03 | –––––03bis | –––––04 | –––––05 | –––––06 | –––––07 | –––––Annexes | –––––Biennale de venise 2001 | –––––Manifesta 4 |

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––07 Pierre Bismuth

Link(40) Micro/macro(41)
L’autre pièce-vidéo
LINK (40) est faite à partir d’un film de MANKIEWICZ. Je refilme le film à la télé dans des appartements différents. Chaque plan du film correspond à un appartement différent, et ensuite je recompose en suivant le montage du film. La continuité du film reste intacte, mais on passe d’un appartement à un autre, d’une télé à une autre. Ce qui se passe dans les télés reste dans sa continuité linéaire, mais c’est le décor, le cadre autour qui change, une espèce de zapping inversé.

_La thématique du cinéma en art

PB
_: L’art contemporain, n'attirant pas beaucoup de public, à partir du moment où quelques artistes ont commencé à travailler avec des films, apparaît comme une sorte de poule aux oeufs d’or: ça attire le public dans les musées; mais c’est une fausse thématique. Tous ceux qui travaillent avec le cinéma n’ont pas grand-chose en commun. L’utilisation du cinéma par des artistes de ma génération vient simplement du fait que la plupart d'entre nous ont vu un certain nombre de films à la télé et que c’est devenu une sorte de ready-made facile. En étant très méchant, on peut dire qu’un artiste qui n’a aucune culture a au moins une culture cinématographique et que pour l’artiste malin, son travail est perçu immédiatement. Une pièce qui fait référence à Douglas Huebler ne sera comprise que de quelques personnes. Une pièce qui fait référene à Hitchkock sera comprise d’au moins 3000 personnes et plus. C’est plus satisfaisant pour un artiste de faire une pièce dont un large public va se sentir familier.
Alain BERNARDINI: Le public s’intéresse au cinéma, l’artiste est de son temps, il s’y intéresse aussi.
PB
_: Douglas GORDON est proche de ce que je raconte là. Personnellement, je n’ai jamais aimé la vidéo, même quand j’ai commencé à en faire et que je me retrouvais à faire toutes les expos vidéo + nouvelles technologies. J’étais satisfait d’exposer mais je me trouvais entraîné dans des projets qui ne m’intéressaient pas toujours. À un moment donné, on est engagé dans des trucs qui nous éloignent de nos préoccupations, mais en même temps c’est très agréable de participer aux choses qu’on nous propose.

Micro/macro (41) 1999
Ce travail pour Genève est un bon exemple d’oeuvre qui essayait de ne pas faire de la vidéo (41).
En 1999, à l’époque où je ne voulais plus faire de vidéo, j’ai été invité à La Biennale de l’Image en Mouvement du Centre de Saint-Gervais-Genève. Plutôt que de dire non, je me suis posé la question: est-ce que je peux dire oui et faire quelque chose qui m’intéresse. Le lieu d’exposition proposé avait une configuration très particulière, c’était une pièce longiligne avec de très grandes fenêtres sur toute une longueur de la pièce, donnant sur la rue. Au départ, le projet était de fermer les fenêtres,de mettre des caméra au niveau des fenêtres et de projeter ce qu’on aurait pu voir par les fenêtres sur le mur d’en face. Mais je me suis dit que ce que je détestais dans les installations vidéo, c’est d’être obligé de faire le noir, alors que je suis extrêmement claustrophobe. Donc, j’ai renoncé à obscurcir la pièce, j’ai essayé de retrouver la même idée. J’ai simplement laissé les fenêtres telles quelles, mis des micros dans la rue. J’ai amplifié le son de la rue de telle sorte que le son qu’on avait dans la pièce était deux à trois fois plus fort que si les fenêtres avaient été ouvertes. Il s’est produit une sorte d’inversion par rapport avec ce qu’on connaît avec le système optique. Si on regarde dans un téléobjectif, on se rapproche de la chose visuellement, mais on reste à distance avec les autres sens. Là, on restait visuellement à distance réelle des choses de la rue, mais auditivement, on était dans une proximité des choses difficile à comprendre. On avait un bruit énorme d’une mobylette qui était à vingt ou trentre mètres de distance de soi. Ce qui se passait alors spontanément, c’est que les les gens étaient à la fenêtre pour voir si le son qu’ils entendaient correspondait à l’image qu’ils avaient. L’effet bizarre produit était que l’image par la fenêtre était comme une image cinématographique du fait de la manipulation sonore. Techniquement, c’était encore très compliqué, pas agréable à mettre en place, parce que chaque jour, c’était du stress pour savoir si le micro 3 fonctionnait, à cause de la pluie etc. C’est le genre de choses dont je veux me débarasser à tout prix de façon définitive. C’est pour ça que j’ai commencé à débrancher la vidéo, parce qu’une fois sur deux, ça ne marche pas. Mais c’était agréable à faire, même moi je me suis amusé à regarder par les fenêtres: il y avait une fontaine, une cloche... quatre micros avec un petit séquenceur qui passait du micro 1 au micro 4. Au niveau du son, ça faisait comme un montage. Ce travail pour Genève est un bon exemple d’oeuvre qui essayait de ne pas faire de la vidéo.

De toutes façons, aussi bien au niveau du commissariat d’exposition que de la création, il y a une forme d’orthodoxie qui se met en place: on ne peut plus voir une exposition d’art contemporain, sans qu’il y ait de la vidéo, ce qui devient fatigant. On ne peut plus devenir artiste, sans faire de la vidéo, de la photographie.
Alain BERNARDINI: Les centres d’art, les musées ne pensent pas à montrer de la vidéo. Il faut montrer les vidéos à la télévision, au cinéma.
PB
_:j’enseigne en Hollande, en Allemagne, les étudiants font de très belles maquettes de projet, selon moi, ils n’ont pas besoin de vidéo. Au Goldsmiths College, le niveau de connaissance des étudiants est assez faible, je leur parle de LAWRENCE WEINER, ils ne le connaissent pas..
––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

_Les artistes avec lesquels vous vous sentez en accord?
PB
_: Il y a deux types de proximité, les artistes de ma génération qui sont mes amis et les artistes comme Dan GRAHAM, John BALDESSARI, Sol LEWITT, Dan FLAVIN dont je me sens proche du travail, que je peux rencontrer, mais qui ne sont pas mes amis.
_Le droit de regard des artistes sur l’exposition
En Angleterre, chaque fois qu’une exposition se monte, l’artiste a un niveau de décision important parce que les commissaires sont intéressés par ce que disent les artistes. En Angleterre, les artistes écrivent et sont commissaires d’exposition.
Xavier F.: Ici, il peut arriver que certains artistes invités à titre personnel invitent d’autres artistes.
PB
_: En France, on cantonne l’artiste dans son rôle de producteur d’oeuvre. Il n’y a pas d’organe de presse qui incite les artistes à écrire.
_L’appartenance d’un artiste à une scène artistique spécifique
PB
_: La manière dont les choses s’organisent sur le plan national est très liée au pays dans lequel on travaille et d’où l’on vient. Les grosses expositions internationales sont arganisées par un commissaire qui va aller discuter avec des commissaires locaux (nationaux) sur place qui vONT lui donner une liste d’artistes intéressants. À partir du moment où un artiste quitte son pays d’origine pour vivre en Angleterre, il n’est pas considéré comme un artiste travaillant en Angleterre. Légalement, je pourrai aujourd’hui être sélectionné pour le Turner Price. Mais il y a deux ans, je n’étais considéré ni comme un artiste français, ni comme un artiste anglais. fin
–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– Pierre Bismuth fin